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EAN : 9782757830048
216 pages
Points (20/09/2012)
3.5/5   53 notes
Résumé :
Un livre de combat, de joie, de lucidité aussi, sur un monde où la soumission n'est pas une fatalité. C'est l'histoire d'un homme qui, à plusieurs reprises dans sa vie, choisit de partir, et de tourner le dos à ce qui ne répond pas à sa soif de liberté. Il s'appelle BW. Adolescent, il part en solex sur les routes de France. On appelle ça une fugue. Sa passion, c'est la course sur 800 mètres. Il gagne un championnat national, mais la discipline d'une Fédération l'éto... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (12) Voir plus Ajouter une critique
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Bernard Wallet (BW), le compagnon de Lydie Salvayre, a créé et dirigé les éditions Verticales, après avoir travaillé chez Denoël et Gallimard. L'édition, la littérature, les voyages, ont été sa vie. Un mauvais jour, il perd la vue. Comment un couple, elle écrivain et lui éditeur, réussit-il à traverser une épreuve pareille ? D'une opération chirurgicale à l'autre, du fond de son obscurité, l'éditeur commence à parler, à délivrer ses secrets de jeunesse, ses noirs souvenirs enfouis, et l'écrivain prend des notes, les transcrit, leur donne forme, les reliant petit à petit à ce qu'elle sait de lui depuis qu'elle partage sa vie. Au bout de la nuit, BW retrouvera une vue suffisante pour lire :

"Nous lirons donc, Nous y emploierons le temps qui nous reste à vivre"

J'ai mis roman dans le titre de mon billet, parce que l'auteure elle-même emploie le terme en quatrième de couverture :

"Ce livre, écrit à vif, est le roman de cette traversée."

C'est un roman d'amours : amour de la fuite (fugue adolescente, voyages lointains et solitaires, ruptures), amour de la course à pied (records d'athlétisme), amour des hauteurs (sommets himalayens), amour des bêtes (sauf les chiens), amour du voyage (les odysées : Turquie, Iran, Afghanistan, Inde, Cachemire, Népal, Irak Syrie, Liban), amour du risque (Beyrouth 1978 dont il garde les stigmates, au sens propre), amour de la littérature (la vraie), etc.

On le sait bien, toutes les amours ne sont pas des amours heureuses, et pire que tout : les histoires d'amour finissent mal en général. Les ruptures, ça aussi c'est son trip à BW. Pas le genre à être planté, c'est lui qui se trisse. Enfin ça c'était avant Lydie. Sans que cela soit écrit vraiment, on ressent dans la narration que depuis vingt-cinq années qu'ils se connaissent, il s'est apaisé, socialisé, domestiqué. Ce sont aussi de petites touches de complicité conjugale, des annotations quotidiennes, des moqueries et des petites piques répétitives, qui émaillent les récits monologués de l'éditeur-routard et adoucissent (féminisent) la violence du compte rendu des expériences qu'il a vécues, parfois extrêmes, insupportables.

A un moment, à l'occasion d'une digression, LS jusqu'ici très en retrait, mêle tout à coup sa voix à celle de BW, prend la parole et passe devant lui ! C'est pour dire qu'au moins sur un point, ils se ressemblent ! LS analyse abondamment leur commune maladresse à s'exprimer en public et conclut :

"Comment se défait-on de cette inaptitude ? Notre amour démesuré pour les grâces de l'écrit serait-il le revers triomphant de notre balourdise orale ? Son remède ? Sa vengeance ?
Possible. Possible."

Loué soit ce handicap dont souffrent le personnage et son auteur. D'autres nous auraient balancé un épais document-témoignage-de-vie mal ficelé, re-writé à partir de la captation audio d'entretiens impersonnels avec un journaliste stressé, et publié sous la couverture illustrée d'un ciel plein de cerf-volants. Tout le contraire de BW.

Je termine cette chronique par des extraits qui illustrent les motifs du renoncement à l'édition de Bernard Wallet. Ils sont terribles, clairvoyants, déchirants, et tout à fait en ligne avec ce que Marc-Edouard Nabe écrit de son côté, sur un autre ton et avec d'autres moyens, c'est tout.

"[...] BW vomit la tiédeur et, par-dessus tout, la tiédeur littéraire, qu'abondamment l'on nous prodigue, s'énerve-t-il, avec laquelle on nous gave, avec laquelle on nous compisse, avec laquelle on nous conchie. Mais parce que (voix forte et mains nerveuses), mais parce que nous le voulons bien, parce que nous voulons bien que la littérature crève au profit de cette tiédasserie qu'on ose appeler littéraire et qui en est sa caricature et, de plus, sa pire ennemie.
Tu es fâché ?
Je déplore, dit BW avec humeur, que les grosses structures d'édition littéraire ne sachent rompre avec les causes du malaise. Je déplore qu'elles se comportent de façon aussi démodée.
Démodée ?
Qu'elles continuent de sacrifier la qualité (qui est l'avenir de la littérature et sa raison d'être) sur l'autel de la finance (qui est sa raison de crever).
Je déplore, ajoute-t-il qu'elles n'aient trouvé, en fait, d'autre issue que le désastre.
Qu'appelles-tu désastre ?
J'appelle désastre, dit BW dont la colère monte, j'appelle désastre ce phénomène qui organise nationalement ou mondialement le plébiscite d'un livre en s'appuyant sur sa médiocrité. J'appelle désastre (crescendo) cette pratique qui constitue à mesurer la force bouleversante d'un roman à sa force de pénétration dans les supermarchés. J'appelle désastre (rinforzando) le règne exclusif du livre dit lisible et l'écrasement complet du livre illisible, pour reprendre les paroles de Roland Barthès."

Et plus loin, sur le génie littéraire :

"Tu vas m'objecter, dit BW qu'on ne peut plus arrêter, tu vas m'objecter que certains écrivains publiés par mes soins ont obtenu quelque succès. Petites victoires avant la déroute à venir, dit BW, décidément fort pessimiste ce matin. Mais ceux que le public s'entête à ignorer ? Mais les cinglés, mais les rétifs, mais ceux qui vont trop loin, ou à rebrousse-poil, ou contre, ou qui se montrent insoucieux par orgueil ou révolte (deux traits qui souvent, paraît-il, se combinent), qui se montrent insoucieux de l'opinion commune et de l'esprit du temps ?
Je sais déjà ce que tu vas me rétorquer. Qu'il n'y a que deux ou trois génies par siècle, et que cela suffit. Je suis loin d'en disconvenir. Mais il y faut une condition : c'est que le système en place permette de découvrir ces deux ou trois génies au milieu du fatras général. Or le travail de découvreur est un travail coûteux. Lent et coûteux. Trop lent et trop coûteux, sans doute aux yeux de nos comptables. Et il se trouve que c'est le mien. (Pensivement.) Que ce fut le mien."

Une dernière phrase enfin, pour taguer Bernard Wallet :

"Je veux des malheurs nouveaux."
Lien : http://tillybayardrichard.ty..
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J'ai trouvé ce livre dans une boîte à livres. Je n'avais jamais lu de livre de Lydie Salvayre. BW est Bernard Wallet son compagnon de vie. Il est éditeur aux éditions Verticales. Il perd brutalement l'usage de ses yeux. C'est dans l'urgence que l'auteure va collecter ses souvenirs de jeunesse, ses voyages à travers le monde car il est avide de découvrir ce qui se passe au-delà de nos frontières. C'est un être passionné et secret à la fois.
J'avoue avoir moyennement aimé. Certains passages sont vraiment intéressants d'autres beaucoup moins. Je l'ai, néanmoins fini et contente de l'avoir terminé.
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« BW » ; Lydie Salvayre (Seuil, 200p)
QUEL BONHEUR ! L'écoute récente de l'émission de France Inter « le Grand atelier » de Vincent Josse m'a appelé de toute urgence à reprendre le fil de mes lectures de l'une des invitées, Lydie Salvayre. Il faut entendre cette voix grave et réservée qui surprend, (« timide ? » demande surpris le journaliste, mais oui, ce qu'elle confirme dans ce livre) une voix et une parole qui sont une belle invitation à la lire surtout. Et j'ai commandé séance tenante quatre parmi ses bouquins que je n'avais pas encore lus (sur « Recyclivre », occasions à même pas demi-prix, livraison gratuite à partir de 10 euros…, quand on a l'habitude de corner, gribouiller les textes qu'on aime…) S'en suit donc une belle pagaille dans l'ordre de ma PAL, tant mieux.
En 2008, BW, le compagnon de LS, qui est en train de perdre la vue, subit plusieurs opérations des yeux. Temps suspendu avant que, malgré ces difficultés la vie ne reprenne son cours, durant lequel LS va recueillir pour nous sa parole, les épisodes les plus marquants de sa vie, de ses engagements surtout. Passionné de littérature, il a été le créateur des éditions « Verticales », qu'il finira par quitter par refus de se laisser enfermer dans les compromissions mercantiles d'un monde éditorial plus assoiffé de succès financiers et de prestige élitaire que de véritables découvertes, un monde livré aux querelles et aux petits jeux de pouvoir — et d'ailleurs, quand on feuillette le site des dites éditions, pas un mot sur le fondateur (ce genre d'ambiance de la vie éditoriale en général est développé et plus fouillé, de la place de LS, dans son tout récent « Irréfutable Essai de successologie »). BW, dont elle ne déploie jamais le nom, est un sanguin, un indompté, un idéaliste qui ne renonce pas, un engagé enragé non enfermé, un jusqu'auboutiste, un jouisseur, un découvreur, un homme qui paie de son corps par l'entrainement sportif, par sa capacité d'arrachement aussi ; un homme capable de se séparer donc, de partir, ce qui est tout le contraire du manque de courage ; bref un homme chargé de désir, de vie. D'où sa passion pour l'édition, où il pourra défendre becs et ongles les textes auquel il croit, tout ce qui n'est pas de la littérature tiède ou du plus petit dénominateur commun. Il est aussi voyageur, découvreur du monde, des gens, des langues et des paysages dont il nous livre, sous la plume alerte de sa compagne, quelques échos. Il constate avec amertume que depuis des décennies, le monde s'est refermé, cloisonné, barricadé derrière des frontières sanglantes et infranchissables, verrouillées par des communautarismes nationaux et religieux rétrogrades et criminels. Il rencontre la guerre et ses horreurs, au Liban en particulier, ce qui le marquera définitivement, la réalité des faits dont il est témoin bousculant chez certains de ses amis des présupposés bien-pensants. « BW », c'est donc d'abord un très beau portrait, d'une personne très touchante dans ses sensibilités et ses générosités.
C'est aussi un magnifique texte d'amour, si l'amour c'est l'amitié habillée du désir, d'un couple qui s'est rencontré en 1985, beau chemin partagé et belle qualité de relation qui traverse le temps. Roman d'amour aux deux bouts de la plume.
Dans la forme, le texte est une transcription de dialogues, ce qui lui donne une spontanéité (bien sûr reconstruite), une note vivante ; DW parle, LS l'interpelle, parfois conteste (entre parenthèses), le lecteur est dans une position de témoin complice de leurs échanges.
Comme à chaque lecture des textes de Lydie Salvayre, c'est d'emblée sa liberté radicale dans l'écriture qui accroche et fait du bien, loin des carcans de l'académisme convenu, ne crachant pas sur le vocabulaire canaille, s'autorisant ici ou là un « salvayrisme » bien senti (« DW et moi nous imbécilisons ») ou une construction baroque.
Et de belles tournures de phrases, que ce soit dans la bouche de BW ou dans celle de LS, parfois des aphorismes ou des sentences tellement pertinentes :
« Devant moi, il rassemble aujourd'hui les ossements disséminés de son périple. »
« Partir pour expier ! Nous y voilà ! Les grandes interprétations psychologiques si émerveillées d'elles-mêmes. »
« Voyager, c'est apprendre la déception. »
« Marcher fatigue sa tristesse. »
« Sa douleur à s'écorcher aux barbelés du monde. »
C'est parfois bouleversant, et si une sorte de pessimisme lucide imprègne ces pages, affleure aussi un parfum de saine révolte qui vit, et c'est par ailleurs souvent très drôle.
C'est beau, très touchant, c'est superbement écrit, c'est BW, et c'est Lydie Salvayre.
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B W (pour Bernard Wallet) ancien éditeur chez Verticales perd la vue du jour au lendemain, Lydie Salvayre sa compagne raconte les souvenirs que l'homme aimé lui dicte au fil de l'évolution de sa maladie. Un récit juste et touchant qui montre que l'amour peut-être un antidote aux accidents de la vie.
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Un très beau portrait de BW, un grand voyageur, un amoureux de la littérature, il en a fait son métier éditeur entre autre. Lydie Salvayre nous donne à lire dans une biographie, non plutôt une conversation écrite entre mari et femme, les souvenirs tumultueux de Bernard Wallet dans une langue magnifique, le plaisir des mots. J'ai très souvent souri, trouvé un plaisir jubilatoire à cette lecture. L'écriture est rythmée, parfois exaltante.
Une belle lecture pour les passionnés de la littérature et des voyages.
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Citations et extraits (16) Voir plus Ajouter une citation
[ Incipit ]

Je pars.
Toujours il dit Je pars, je me tire.
Il aime le mouvement de partir. Il se fout de l’endroit à atteindre, ce qu’il aime c’est partir, c’est déclarer qu’il part. Il dit qu’il va écrire, un jour, l’éloge de la fuite. Cet éloge lui paraît d’autant plus justifié qu’il a appris, hier, que le verbe partir, en espagnol, signifiait aussi partager.
Il a toujours sur lui un passeport à jour pour passer les frontières. Prêt à fuir.
Il n’y a pas trente-six solutions quand l’ennemi menace, dit BW, mi-rieur mi-sérieux : soit mettre les voiles, soit l’attaquer de front (cette dernière solution requérant un attirail et des forces plus lourdes). Toute autre est malvenue.
BW est un guerrier. Plus tard, je dirai en quoi.
BW est un tendre.
Il pleure la mort de Fausto le chat.
Encore aujourd’hui, il pleure sa mort.
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Je me trouve pris en tenaille entre la génération de ceux pour qui la réussite financière venait couronner (et quelquefois longtemps après) la qualité d'un texte, et la génération de ceux pour qui la qualité d'un texte est immédiatement jugée à son triomphe financier. [...] et lorsque je rappelle aux jeunes écrivains qu'il fut une époque (héroïque) où la finance ne dictait pas le choix des éditeurs, ils me regardent comme une vieille barbe, un inadapté, un ringard.
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On dit que le léopard meurt avec ses taches. Je mourrai de la même façon. Avec mes taches. Pissant sur moi peut-être, pardon de déparer la beauté du vieillir, tout désarticulé peut- être, tout égrotant, tout mal foutu, la pine pantelante, la bouche édentée, mais un livre à la main, Bon Dieu de Bon Dieu, un livre à la main et la page cornée pour en poursuivre la lecture in pardisum. (Page 192)
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Car vivre c’est quitter, pas d’autre issue pour l’homme ... Car vivre c’est quitter père et mère et tout ce qui nous lie jusqu’à nous étrangler. Vivre c’est se quitter, c’est savoir être soi et échapper à soi, c’est savoir être soi et un autre que soi, on n’est un homme qu’à cette double condition, c’est le philosophe qui le dit. (Page 38)
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Cruelle, violente, voluptueuse, vivifiante, raffinée, grinçante, raffinée, ravageuse, légère, légère, radieuse, délicate, ironique, la littérature nous secoue, elle nous fait mal, elle nous brûle, elle nous caresse, nous revigore, nous désespère, elle nous élève, dit BW hésitant, mais est-ce bien le mot ? en tout cas, elle nous rend à nos forces, à nos foudres, à nos failles, elle nous renvoie à nos dilemmes, à nos impasses, à nos enfers, et dans le même temps, nous en arrache et nous emporte bien au-dessus de nous.
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Vidéo de Lydie Salvayre
Rencontre avec Lydie Salvayre à l'occasion de la parution de Depuis toujours nous aimons les dimanches aux éditions du Seuil.


Lydie Salvayre, née en 1946 d'un père Andalou et d'une mère catalane, réfugiés en France en février1939, passe son enfance à Auterive, près de Toulouse. Elle devient pédopsychiatre, et est Médecin Directeur du CMPP de Bagnolet pendant 15 ans. Elle a écrit une douzaine de romans, traduits dans de nombreuses langues, parmi lesquels La Compagnie des spectres (prix Novembre), BW (prix François-Billetdoux) et Pas pleurer (prix Goncourt 2014).
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09/03/2024 - Réalisation et mise en ondes Radio Radio, RR+, Radio TER
Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite (https://ausha.co/politique-de-confidentialite) pour plus d'informations.
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