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EAN : 9782070379934
352 pages
Gallimard (17/09/2009)
3.89/5   18 notes
Résumé :


Jacques Dupin
Que lire après Ballast : Contumace,échancré, le grésilVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Jacques Dupin confiait que "La poésie n'a besoin que de mots. Elle peut exister sans les mots. Elle peut se passer de table, de papier, de tremplin. Elle n'a aucun besoin d'être vendable, d'être lisible. Elle se contente de peu, et de moins encore. Elle vit de rien. Ou de l'air du temps. du désir, et de la mort. Et du vide qui la soulève... Pourtant elle s'adresse à quelqu'un. À un lecteur inconnu. À l'inconnu de tout lecteur".

Effort et préoccupation de tous les instants, pour le lecteur : trouver sa voie, dans celle de l'écriture du poète, dans cette part d'inconnu en lui. C'est cet effort qu'exige tout particulièrement la lecture de l'oeuvre de Jacques Dupin. C'est une poésie brute, asymétrique, toujours en déséquilibre et où le sens fait souvent défaut. Elle peut paraitre déstabilisante voire rebutante à la première lecture. Il y a chez l'auteur le refus d'une écriture utilitaire, centrée sur elle-même et le lecteur. Les mots, l'écriture sont pour l'auteur une voie vers l'inconnu (celui du lecteur), vers le temps d'avant le langage, une poésie minérale, organique, d'un temps à venir. C'est tout ce que j'ai senti et aimé dans ce beau recueil.

Poésie visuelle aussi : dans le style de Jacques Dupin, dans le rapport constant et oppressant à la douleur, à la solitude, j'ai souvent pensé aux oeuvres de Francis Bacon en lisant le recueil. Ironie de l'histoire et des rencontres, le peintre a réalisé un saisissant portrait du poète en 1971. Une écriture mise en image.
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D'une grande beauté....J'ai découvert Dupin il y a peu......
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Citations et extraits (53) Voir plus Ajouter une citation
Je n'écris que toi, dit la ligne absente, la ligne amoureuse, j'attends ton éveil... tu me tires, tu me traces, et tu me brises - tu me plies, tu m'entraves à l'infini... mon corps, mes bonds, ma voix...

... et l'imprécation, la fêlure de la langue, la marche au supplice, la scansion et l'ouverture de mon pas... ce tirant d'eau, ce mouvement de voile, - ce vent de sable, comme une offrande au néant...

Je m'abstrais de toi, je vole au-delà, dit la voix duplice, dit la ligne, la corde maîtresse, dont la vibration s'amplifie, - dit la flamme d'une voix qui ne pourra jamais nous rejoindre...

(extrait de "Fragmes") - p.140
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Proximité du murmure

Comme il est appelé au soir en un lieu tel que les portes battant sans fin facilitent ou dénouent le tête-à-tête
hors de la crypte forestière il la traîne au grand jour, ou plutôt il lui parle
il la dénude parmi les rafales de vent
ou plutôt il commence à se taire
avec une telle fureur dans les rayons
de la lumière verticale
une telle émission de silence comme un jet de sang
qu'elle se montre nue dans sa parole même et c'est un corps de femme qui se fend

Par une allée d'iris et de boue écarlate descendant à la fontaine la tarir...
mais toute l'humidité antérieure
revêtait la roche comme si
nos lèvres s'étaient connues
jadis
sans le feu de la rosée qui monte,
sa dot, l'innombrable et l'évanouie..
transparence têtue elle flambe
elle environne de ses tresses
un pays qui reprend souffle et feu

N'être plus avec toi dès que tu balbuties
la sécheresse nous déborde
le cercle de tes bras ne s'entrouvre que pour mieux
ne rien dire
selon l'heure et le parfum
et quel parfum se déchire
vers le nord, l'issue dérobée...
peut-être ton visage contre le mien,
quand bien même tu me mènerais,
encapuchonné, sur ton poing,
comme aux premières chasses de l'enfer

Au-delà du crissement d'une sandale dans l'allée
soustraite au silence elle a glissé elle aussi à cet oubli de soi qui culmine
et s'inverse en un massif de roses calcinées
aveuglante énumération de ses haltes et de ses périls
réciprocité de dentelles entre son visage et la nuit
j'extrais demain
l'oubli persistant d'une rose
de la muraille éboulée et du cœur sans gisement

Plus lourde d'être nue
ses vocalises meurtrières son rire au fond de mes os
notre buisson quotidien les balafres de la lumière

A se tendre à se détendre sur les traces secourues
omis se dégager femme tout à fait du bestiaire indistinct qui la presse
parmi tant de pieux incantatoires fichés dans le matin roule et grossit le soliloque
de la noue
fade usurpatrice elle dort et me hait j'ai négligé son dénuement elle se tient un peu plus haut
ombre démesurée d'une roue de charrette sur le mur lourdement vivant
Nulle écorce pour fixer le tremblement
de la lumière
dont la nudité nous blesse, nous affame, imminente
et toujours différée, selon la ligne
presque droite d'un labour,
l'humide éclat de la terre ouverte...
étouffant dans ses serres l'angoisse du survol le vieux busard le renégat incrimine la transparence vire
et s'écrase à tes pieds
et la svelte fumée d'un feu de pêcheurs brise un horizon absolu

Sinon l'enveloppe déjà déchirée avec son précieux chargement
le heurt sous un angle stérile de la hanche qui luit
comme si l'étrave en était lisse sous la ligne de flottaison
mais

Le mouvement de la barque rendit
plus assurés l'écriture l'amour
tels un signe tracé par les oscillations du mât
au lieu des étoiles qui sombrent entre le rideau bruyant
et l'odeur de ses mains sur la mer

Sous le couvert la nuit venue mon territoire ta pâleur
de grands arbres se mouvant comme-un feu plus noir
et le dernier serpent qui veille en travers du dernier chemin
fraîcheur pourtant de la parole et de l'herbe comme un souille la vie durant

Ce qu'une autre m'écrivait
comme avec une herbe longue et suppliciante
toi, toute, en mon absence, là, dans le pur égarement d'un geste hostile au gerbier du sang, tu t'en délivres
tel un amour qui vire sur son ancre, chargé
de l'ombre nécessaire,
ici, mais plus bas, et criant
d'allégresse comme au premier jour
et toute la douleur de la terre
se contracte et se voûte
et surgit en une chaîne imprévisible
crêtée de foudre
et ruisselante de vigueur

Musique éclatée ciel sifflant dans un verre fraîcheur du soleil sous la brûlure de la peau
le même sifflement mais modulé jusqu'au silence qui sourd de tes plissements de granit, scintillante écriture le même sifflement
lance le tablier du pont sur ses piles de feu
où tombera-t-il noir le fruit méridien si je franchis le bras de mer
une pierre l'étreint et s'efface
le livre ouvert sur tes reins se consume avant d'être lu

Agrafes de l'idylle déjà exténuée pour que ce qui fut immergé respire à sa place, dans l'herbe, à nouveau,
et de la terre, toute, presque anéantie
ou comblée bord à bord
par l'enracinement de la foudre
sauf la respiration de cette pierre nocturne, le théâtre tel que je me vois, l'anticipation d'un brasier
sans son cadavre retourné
un autre traversera la passe
dans la mémoire de grandes étendues de neige
brillent
entre chaque massacre

Sorbes de la nuit d'été
étoiles enfantines
syllabes muettes du futur amour
quand les flammes progressent de poutre en poutre sous nos toits
exiguë
la définition du ciel

Nous dégageant, nous, de l'ancienne terreur
ou de cet enrouement par quoi les racines mêmes
s'expriment, — s'allégeant...
que ce soit le silence ce qui était présent, là, trop exposé depuis l'aube, sur le sol fraîchement retourné, l'ingratitude ou la légèreté des
hommes, avec le vent,
je me dresse dans l'étendue, seul, contre cette lumière qui décline, le bâillon rejeté
... que ce soit le silence lentement déployé qui règne déjà nécessaire, déjà opprimant

Par la déclivité du soir le secret mal gardé
je la blesse au défaut de sa lecture le vent répare les accrocs
enclume ou catafalque d'étincelles
avec ce qui naît et meurt au bord
de sa lèvre acide
ciel pourpre et montagne nue
elle se penche et je vois au-delà de la ligne de son épaule
mon enfance troglodyte
dans la paroi violette où le soleil couchant se brise comme un pain.

elle se penche je vois...
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CONTUMACE
Le désœuvrement


Consumé ou en partance
un amour de bruyère, un genou
dans l’humidité
les fougères bordant l’eau


j’ai cueilli tôt le matin
la mirabelle
et donné l’orge aux chevaux



les rêves sont insipides
quand ils dorment seuls

mais il prennent appui sur le corps
sur la forêt, sur la mer

ils ne parlent pas ma langue
ils ahanent, ouvrent des yeux

il tirent
la force, de cette invisible

poussée de poussière
de ma vie détruite

dans la commotion de l’air
le sommeil troué

p.244-245
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L’issue dérobée

Marmonnement
profonde route ravinée du soleil
l'un de nous s'appauvrit et nous devance une immense aversion pendulaire le tirant
plus jamais la terre nue, seule à seul, affrontant le langage désert
de son propre puits paludéen le tirant
l'un de nous
que chaque mot torride a saisi

Une forêt nous précède et nous tient lieu de corps
et modifie les figures et dresse
la grille
d'un supplice spacieux
où l'on se regarde mourir avec des forces inépuisables
mourir revenir
à la pensée de son reflux compact
comme s'écrit l'effraction, le soleil toujours au cœur et à l'orée de grands arbres transparents

Nous courûmes
des trombes de soleil
mirent en pièces
jusqu'au fond de nous la barque
la terre un unanime roulement de saveurs s'éloignait
dans la lumière des portes arrachées, trombes
comme si je naissais, éclairs
pour fêter un roi
et toutes les étoiles s'enfonçaient dans la mer
pour dissiper l'illusion
élémentaire, et favoriser le ressac

Sous la frayeur du récit inarticulé
le soleil
la signification de l'octroi
aphasique moyeu
ton règne
depuis que la roue me broie
je le nie
quelle que soit l'odeur putride des quartiers neufs et les instruments de déclin étalés à nos pieds
nous dévorons le mâchefer ce qui s'écrit sans nous en contrebas
l'éraflure et la saveur contiguës et désaccordées
ce qui s'écrit obliquement sournoisement établissant le calme
comme une pyramide sur sa pointe

Sans le soleil, en contrebas
ce qui s'écrit c'est un corps dont le soubresaut, dont le souffle dont les crocs incestueux...
un corps où se creuse la route
de quelle plume trempée
dans les menstrues de quelle monstre
à travers quelle grille
caniculaire
un corps qui s'éboule, éclate et s'agrège autour de sa crampe
à nouveau, et se dresse
faille du ciel effervescent

Ni conscience, ni lieu, ce qui suit,
la fin de quelqu'un, son corps
et dans ce glissement de collines la source
se dérobe. — ne se résout pas
un corps lu avec enjouement sous les vagues le tison, la contre-prophétie cpinglée sur le mur de chaux
ou dans le tiroir un libelle attendant son heure

Mettant à profit ce laps comme en pleine face une pierre franchirons-nous l'intervalle égarant
la césure d'un meurtre
qu'il nous incombe de réitérer sans retard
nous sommes de retour, la nuit tombe, la mer...
bêtes descendues du soleil
comment tenir fermée la cage où leurs ombres s'entre-dévorent

Une branche bat devant le mur blanc
neuve antériorité surgissante parmi les embus de son cri
un grand corps machinal bouge fleuve aux membres séparés à la musculature jaune prisonnière comme des nœuds vieux dans le bois
un enchevêtrement de lettres en filigrane dans ses eaux

Détaché de la nudité balistique
dehors, dedans se rétracte neutre inondé
rasant les murs
de son ombre violente
écriture d'arpenteur pour rejoindre la horde
besogne de bornage et d'illusion autour des foyers qu'elle résorbe
indice, la lèpre du mur avancé, du mur volatil dont nous sommes solidaires
jusqu'au bout, jusqu'aux commissures du brouillard...
retour au signe, à la pierre équidistante
— et le mètre étalon pour un arpent de félicité

Le soleil le dos tourné
une ligne nous absout
ta mort donne le signal : l'évulsion la trajectoire derrière une vitre sanglante et la grande retombée planeuse des éclats emblématiques
débris de soleil sur le remblai

Toi, cru mort, seulement dévoyé vers une cible inverse un chemin de ronde avec la salive sèche du renégat
scrute ta comptabilité stellaire elle atteint l'obscénité

De ce qui hors du temps s'accumule osselets plutôt qu'ossements l'inscription
se retire erre dans la forêt comme une bête une borne qu'on déplace
restreinte puis scindée
par la banalité d'un mort
sans griefs
et replongée dans son identité violente
pour en resurgir
non moins ruineuse que le texte dilacéré du soleil

Qui ravaude l'aigre tranchée manteau fendu dans sa longueur contre l'accolade
la boue enfante un oiseau
et

La conspiration de l'air maternel bien que réprouvé, bien qu'éblouissant
dur horizon rapproché
d'un cristal intelligible il résume le voyage
la piqûre du serpent
a déposé sur nos langues un immense oiseau entravé

Nos mains broyées
par les outils insaisissables
et la lumière s'éloigne de la plaie
nos mains énigmatiques
à force de froisser le plan du temple de
Louqsor
qui bifurque et bourgeonne à chaque dynastie jusqu'à nous
le soleil
au-delà l'insoutenable
entre chaque vertèbre explosant
vivants irréductibles
— et la lumière s'éloigne de la plaie
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Lichens

Même si la montagne se consume, même si les survivants s'entre-tuent…
Dors, berger.
N'importe où.
Je te trouverai.
Mon sommeil est l'égal du tien.
Sur le versant clair paissent nos troupeaux.
Sur le versant abrupt paissent nos troupeaux.

Ce que je vois et que je tais m'épouvante.
Ce dont je parle, et que j'ignore, me délivre.
Ne me délivre pas.
Toutes mes nuits suffiront-elles à décomposer cet éclair ? Ô visage aperçu, inexorable et martelé par l'air aveugle et blanc !

Les gerbes refusent mes liens.
Dans cette infinie dissonance unanime, chaque épi, chaque goutte de sang parle sa langue et va son chemin.
La torche, qui éclaire et ferme le gouffre, est elle-même un gouffre.

Ivre, ayant renversé ta charrue, tu as pris le soc pour un astre, et la terre t'a donné raison.

L'herbe est si haute à présent que je ne sais plus si je marche, que je ne sais plus si je suis vivant.

La lampe éteinte est-elle plus légère ?

Les champs de pierre s'étendent à perte de vue, comme ce bonheur insupportable qui nous lie, et qui ne nous ressemble pas.
Je t'appartiens.
Tu me comprends.
La chaleur nous aveugle...

La nuit qui nous attend et qui nous comble, il faut encore décevoir son attente pour qu'elle soit la nuit.

Quand marcher devient impossible, c'est le pied qui éclate, non le chemin.
On vous a trompés.
La lumière est simple.
Et les collines proches.
Si par mégarde cette nuit je heurte votre porte, n'ouvrez pas.
N'ouvrez pas encore.
Votre absence de visage est ma seule obscurité.

Te gravir et, t'ayant gravie — quand la lumière ne prend plus appui sur les mots, et croule et dévale, — te gravir encore.
Autre cime, autre gisement.

Depuis que ma peur est adulte, la montagne a besoin de moi.
De mes abîmes, de mes liens, de mon pas.

Vigiles sur le promontoire.
Ne pas descendre.
Ne plus se taire.
Ni possession, ni passion.
Allées et venues à la vue de tous, dans l'espace étroit, et qui suffit.
Vigiles sur le promontoire où je n'ai pas accès.
Mais d'où, depuis toujours, mes regards plongent.
Et tirent.
Bonheur.
Indestructible bonheur.
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Videos de Jacques Dupin (7) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Jacques Dupin
Jean Frémon La Blancheur de la baleine éditions P.O.L où Jean Frémon tente de dire de quoi et comment est composé son nouveau livre "La Blancheur de la baleine" à l'occasion de sa parution aux éditions P.O.L et où il est notamment question de Michel Leiris, David Hockney, Emmanuel Hocquard, Bernard Noël, Alain Veinstein, Etel Adnan, Louise Bourgeois, Jannis Kounelis, Jacques Dupin, Claude Esteban, Samuel Beckett, Marcel Cohen, Jean- Claude Hemery, Jean- Louis Schefer, David Sylvester, Edmond Jabès à Paris le 2 février 2023
"Ce sont des écrivains, des peintres, des sculpteurs.
Aventuriers de l'impossible. Ce sont des bribes de leurs vies. Tous des chercheurs davantage que des trouveurs. J'ai eu le privilège de les côtoyer. Ce qu'ils poursuivent est ce qui toujours se dérobe. La grâce est une fieffée baleine blanche."
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