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EAN : 9782020184175
222 pages
Seuil (02/03/1994)
4.31/5   8 notes
Résumé :
Ce livre de la collection "Solfèges" présente une biographie du compositeur hongrois Bela Bartok ainsi qu'une présentation détaillée de son oeuvre.
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Comme chacun des livres que j'ai lus de cette collection "Solfèges" alors que j'essayais d'approcher la culture musicale dite classique, ce "Bela Bartok" de Pierre Citron est un équilibre parfait entre la présentation de la biographie du compositeur hongrois (1881-1945) qui n'est pas a priori aisément abordable, une analyse précise et succinte de son oeuvre fortement influencée par le folklore de son pays natal la Hongrie, ainsi que l'inventaire du catalogue de ses compositions. Il comporte également un panorama discographique actualisé à la date de parution du livre, soit 1994.
Le texte est richement illustré de photos jalonnant le propos, c'est pédagogique, intéressant, et donne envie de poursuivre la connaissance de l'oeuvre de Bartok dont un des non moindres mérites fut de collecter avec son ami le compositeur Kodaly plus de 8000 chants folkloriques des pays des balkans.
Lien : http://parures-de-petitebijo..
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
Encouragé par des exemples, Bartók se forma une langue mélodique d'une gradation infiniment variée qui va du rythme perçant des Burlesques jusqu'à des inflexions d'une extrême sensibilité. Peut-être ces mélodies ne suivent-elles pas toujours la voie qu'escomptent nos oreilles, esclaves du passé. Mais, si nous n'avons pas perdu toute réceptivité, nous finissons par reconnaître le « melos » spécial de ces airs, très différents de la coupe classique, et pourtant soumis à des lois plus durables que les exigences d'un style variable d'un siècle à l'autre. Bartók ne «travaille» pas les mélodies populaires comme des thèmes, mais, pénétré de leur esprit, il en forme, comme d'une matière amorphe, sa musique à lui. Sans préoccupation théorique, il se laisse guider par un instinct sûr. On a essayé en vain de faire dériver de ses oeuvres certaines gammes exotiques ou factices. Même les formules pentatoniques, d'ailleurs de plus en plus fréquentes en musique depuis la fin du siècle, ont paru dans sa musique longtemps avant d'être reconnues de lui comme telles.

Revenons aux dissonances. Bartók qui a vécu tout le développement moderne de l'harmonie depuis Tristan, tient de Bach son fond harmonique, et a pris Reger pour quelqu'un qui semble professer que Bach, même après Wagner, avait encore quelque chose à nous dire. Inévitablement, le changement du style mélodique ne devait pas rester sans influence sur l'harmonie. Certaines affinités nouvelles de sons, établies dans le « successif », se font valoir aussi dans le « simultané ». Nous acceptons comme définitives certaines harmonies qui paraissaient naguère incompréhensibles sans résolution.

Mais la plupart de ces dissonances « exécrées » sont d'origine mélodique. Les heurts, les âpretés sont causés par les combinaisons de deux ou plusieurs mélodies. On a dit du style de Bach: « Chez lui, il n'y a pas seulement des notes, mais des mélodies entières de passage: et non seulement la suspension d'une note ou d'un accord isolé mais celle de toute une progression mélodique de notes. »

Voilà le secret des dissonances de Bartók

Depuis Bach, nous avons perdu l'habitude de suivre deux parties également importantes; la subordination a remplacé la coordination. Notre attention est fixée sur le vertical, nous cherchons l'accord parfait le plus proche du groupe de sons que nous entendons à la fois. Ce n'est pas ainsi qu'il faut écouter une musique essentiellement mélodique. Si nous parvenons à embrasser d'un coup d'oeil de plus grands espaces, à entendre horizontalement, aussitôt l'agacement des dissonances disparaît. Certaines dissonances, soudainement attaquées, font l'effet de batteries chargées qui se divisent en mélodies, se précipitent vigoureusement vers leur but. Le heurt de deux mélodies souligne tel accent mélodique et, en en redoublant l'énergie motrice, fait mieux valoir l'une ou les deux à la fois. C'est là ce qui donne au style de Bartók ce caractère serré, cette logique irrésistible, cette expression de nécessité absolue.

Mais on se tromperait en le croyant polyphoniste exclusif. Il n'a pas de « système ». A côté de pages compliquées, on en trouve d'une extrême simplicité, toujours selon l'idée à exprimer. On le voit même simplifier son style en partie à l'exemple de l'école française qu'il commence à connaître depuis 1907. Quelquefois, il se passe entièrement d'harmonie. On découvre souvent des unissons à partir de la IXe Bagatelle jusqu'au plus merveilleux passage du 1er Quatuor (le scherzo) qui, malgré l'absence d'harmonie et d'orchestre, rayonne de couleurs.

Il est inutile de prendre au sérieux l'objection du désordre, du décousu. On rencontre certaines profusions démesurées, à la Schubert, dans les oeuvres de la première période, mais où trouver, depuis Beethoven, la construction ferme et concise du 1er Quatuor? L'unité des mouvements, maintenue au cours du XIXe siècle par des procédés de plus en plus extérieurs, y est établie à la manière des maîtres anciens : par l'homogénéité de la matière musicale, avec quelque chose de plus, que j'appellerai « l'unité psychologique ». Le 1er Quatuor est la représentation d'un drame intime, une sorte de « Retour à la vie » d'un être arrivé au bord du néant. Une musique à programme, mais qui n'a pas besoin de programme, tant elle s'explique d'elle-même.

Le dernier argument des adversaires de Bartók, suivant lequel cette musique ne serait pas hongroise, nous rappelle une lettre de Liszt, datée de 1860, où il est question de certains patriotes « pour lesquels la Rákóczi Marsch est à peu près ce qu'était le Coran pour Omar et qui brûleraient volontiers . . . toute la musique germanique en vertu de ce bel argument: ou bien cela se trouve dans la Rákóczi-Marsch ou bien cela ne vaut rien ». Ces patriotes, dont le Coran s'est d'ailleurs un peu élargi depuis 1860, existent encore et disent: « Ou bien cela me rappelle les cent une chansons populaires que je connais, ou bien cela n'est pas hongrois! »

Or, les oeuvres de la première période rappellent encore certaines chansons connues. Celles du nouveau style se fondent d'abord sur des chansons moins connues, voire inconnues2, puis présentent une telle sublimation que l'au-diteur ne reconnaît plus en elles des fragments de chanson. Au lieu d'un magyarisme purement matériel, elles révèlent un autre magyarisme qui est d'un ordre plus élevé. Cette musique est hongroise en ce qu'elle est déterminée par le pays, l'éducation, les idées et les courants spirituels de la Hongrie. C'est la musique d'un homme qui a vécu toute la vie, souffert toutes les souffrances de la nation. Et s'il a reconnu dans les vieilles chansons une langue maternelle longtemps oubliée, c'est parce qu'elles reflètent encore la santé robuste, la noblesse fière et humaine, la force et la grandeur de l'ancienne Hongrie.

Les Deux images présentent une écriture orchestrale complètement changée et d'une maîtrise supérieure. A l'orchestration un peu inégale et surchargée des premières oeuvres se sont substitués un sentiment des timbres, une économie artistique, qui ne le cèdent en rien à l'école française. C'est alors que Bart6k se consacra à l'oeuvre qui forme le sommet de cette période et qui marque une nouvelle époque dans notre musique. Cet opéra en un acte, le Château de Barbe-Bleue, est pour nous ce qu'est Pelléas pour la France. Si l'on a pu dire que, malgré le glorieux passé du théâtre lyrique français, une déclamation musicale conforme à la langue n'existait pas avant Debussy, combien cela n'est-il pas plus vrai de notre art lyrique? Depuis les premiers opéras écrits en hongrois (1822), le nombre des oeuvres originales a toujours été restreint et le répertoire est demeuré encombré d'oeuvres étrangères dont les traductions détestables étaient un perpétuel défi à notre langue. Les auteurs d'opéras originaux n'arrivaient pas à se libérer de ce « dialecte d'opéra ». Le grand mérite de Bar-ta consiste justement dans le fait qu'en observant dans les parties récitatives la musique naturelle de la langue, et, dans les parties plus stylisées, les indications du chant populaire, il a frayé une nouvelle voie.

Mais, en même temps, il a créé dans le Château de Barbe-Bleue une oeuvre d'une puissance suggestive, irrésistible de la première mesure jusqu'à la dernière, la plus expressive qu'il ait jamais écrite. Les sept portes, ouvertes l'une après l'autre, fournissent l'occasion d'autant d'images musicales, non pas extérieurement descriptives, mais toutes du sentiment le plus intime. Seuls d'impénitents « cérébraux » peuvent continuer à se demander « si c'est un opéra ou non ». Qu'importe! Nommez-la une « symphonie à tableaux » ou un « drame accompagné d'une symphonie », ce qui est sûr, c'est que les séparer est impossible et qu'il y a là un chef-d'oeuvre, un geyser musical_ de soixante minutes, d'un tragique comprimé, qui ne laisse qu'un désir: celui de le réentendre.

Ce fut une révélation. On découvrait l'homme au sentiment profond et ardent en qui jusque-là on n'avait vu que le maître spirituel du grotesque. La nouvelle génération, ravagée par la guerre, si tourmentée et agitée, mais d'une si ferme et si bonne volonté, y reconnut son âme. Ce n'était pas un succès qui fait de l'argent: c'était un enrichissement moral. Peu à peu, les dernières objections allèrent s'affaiblissant: Bartók était « arrivé ».

... Mais le succès ne s'imposa que plus tard. En attendant, un jury de concours refusait l'oeuvre qui, stigmatisée comme inexécutable, ne parvint à la scène qu'en 1918. Les sept années intermédiaires furent les plus dures. L'opposition tournait à la persécution. On parlait d'un « grand talent égaré, perdu dans une impasse », de « tendances maladives », bref, on entendait toutes les bourdes que peuvent inventer le philistin déconcerté et le routinier sournois. On en vint à regarder Bartôk comme un fou. La critique, qui occupe (ou abuse) dans nos quotidiens une place plus large qu'en France, se faisait l'écho de ces opinions qu'elle variait à l'infini et agrémentait de méchants bons mots du plus mauvais goût.

Rien de plus naturel qu'une société de musique, fondée sous les auspices de Bartôk dans le dessein de cultiver la musique moderne et la musique ancienne inconnue, échouât après un ou deux concerts, où Bartôk avait mis ses rares qualités de pianiste au service de la nouvelle musique française, parfaitement ignorée jusqu'alors. Après de telles déceptions, il se retira complètement de la vie publique et se consacra entièrement à ses travaux de folklore musical. Depuis quelque temps, il avait commencé à s'intéresser à la musique des autres peuples vivant sur le sol de la Hongrie, et recueillait des milliers de chansons slovaques et roumaines, toutes inédites, sauf un petit recueil roumain publié par l'Académie de Bucarest, sans compter quelques cahiers d'arrangements pour piano, faciles et très intéressants, accumulant ainsi un matériel inappréciable pour les études comparées de folklore.
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Sa curiosité s'étendit peu à peu à la musique populaire de tous les peuples. En 1913, il rapporta d'un voyage en Algérie des chansons arabes des environs de Biskra. En 1914, il se rendit à Paris, cherchant en vain quelqu'un qui s'intéressât à ce recueil. Avec Jules Écorcheville, on a causé projets de concerts, mais la guerre survint...

Il ne pouvait revenir que lentement à ses travaux de composition. L'intendant de l'Opéra, le comte Bânffy, inspiré par le succès du ballet russe à Budapest, lui avait confié dès 1913 la composition d'un poème chorégraphique de Béla Balàzs : le Prince en bois. Bartók ne le termina qu'en 1916. La première eut lieu le 12 mai 1917. Parallèlement, il composait les deux séries de Cinq mélodies, la Suite pour piano, op. 14 (1916), et le IIe Quatuor, op. 17 (1915-1917).

Toutes ces oeuvres marquent une manière nouvelle. L'isolement, le travail incessant ont exercé sur Bartôk l'effet analogue que la surdité chez Beethoven.

Devenu étranger à la vie extérieure, replié sur lui-même, il a plongé dans les mystères de l'âme. Il connut des souffrances qui inspirèrent aux poètes des beautés inouïes, tout en absorbant leur vie. C'est alors qu'il pare de musique congéniale certains poèmes d'Ady (1877-1919), le plus grand poète lyrique hongrois depuis Petófi. C'est alors qu'il dépeint la désolation de son Prince avec des accents qui ont fait frémir les auditeurs, et ont fait dire à certains critiques que l'oeuvre était manquée, que la musique en était trop tragique pour un sujet de conte de fée. C'est enfin à cette même époque qu'il termine son IIe Quatuor.

L'analyse technique n'est pas le moyen de nous rapprocher de telles oeuvres ésotériques; il n'est que d'entendre et de sentir. A quoi bon constater qu'il est devenu plus « Bach » que jamais ? A quoi bon parler d'une influence de Stravinsky et de Schinberg, qui, si elle existe, ne touche que la forme extérieure, car il n'a connu du premier que le Rossignol et le Sacre du Printemps en réduction pour piano, et du second presque rien ? A quoi bon commenter la souplesse et la liberté du rythme et l'expression mélodique ? « Wenn Ihr's nicht fühlt, Ihr werdet's nicht erjagen » – dit Goethe.

La première du Prince n'a pas été sans influence sur la situation de Bartôk dans le monde musical. Grâce à l'incomparable réalisation de l'oeuvre, due au travail assidu du chef d'orchestre Egisto Tango, la critique, sans se départir de ses réserves, change de ton; elle n'ose plus attaquer. Elle a admis le génie de Bartôk dans ses « danses grotesques », surtout dans celle de la poupée en bois, mais elle n'a pas su rendre justice aux scènes expressives qu'elle trouve froides. Puis la direction de l'Opéra eut le courage de monter le Barbe-Bleue auquel le public réserva un accu il si chaleureux que la critique, mise cette fois en déroute, prit peu à u le caractère d'un choeur de louanges.

A partir de 1918, des difficultés continuelles entravèrent le travail de Bartôk. Après les Études (op. 18) qu'on peut nommer, comme Liszt son « op. I, d'exécution transcendentale » et qui terminent une longue série d'oeuvres pour piano, digne d'une analyse spéciale, il achève en 1919 les esquisses d'une pantomime de Menyhért Lengyel, le Mandarin merveilleux, oeuvre qui, tout en marquant le point culminant de son dernier style, ouvre déjà de nouvelles perspectives, surtout en certaines scènes d'une vie tumultueuse. Depuis lors, la situation intérieure du pays explique suffisamment son silence.

Cette oeuvre artistique, dont nous avons tâché de retracer les plus importantes étapes, représente tout autre chose qu'une combinaison d'éléments nationaux ou qu'un modernisme d'intérêt passager. Sur une solide base nationale, Bartók a élevé un édifice où toutes les grandes écoles ont collaboré. Rempli de la musique du sol natal, il fut d'abord l'élève des grands Allemands. Il n'a pris à cette école que ce qui fait ses avantages, et, laissant de côté la lourdeur et le pédantisme, il en a trouvé le contrepoids dans l'esprit latin. Placé par sa race et par sa culture entre les deux pôles du Nord germanique et du Midi latin, il affirme par son oeuvre un progrès si considérable de la musique entière que le monde musical ne peut plus l'ignorer.
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On insiste trop sur ses trouvailles de style, sur ses innovations techniques. Bartók en a autant que quiconque. L'essentiel, c'est qu'il les anime d'une vie chaude et ardente: il dispose de toutes les nuances de la vie, du frisson tragique jusqu'au simple jeu, il ne lui manque que le sentimentalisme, la mollesse caressante, tout ce qui « berce ». D'âme classique au fond, mais né en plein romantisme, il a été entraîné dans le mouvement de révolte contre la vieille routine qui caractérisa l'Europe musicale de 1900, dernière vague de la tempête soulevée par Berlioz, Liszt et Wagner. Mais nous le voyons se détacher du groupe des chercheurs éternels, et parvenir à un style toujours plus clair et plastique, où une sincérité impressionniste est contrôlée par une volonté de fer. En s'assimilant les avantages de toutes les grandes écoles, il est parvenu à une universalité devenue rare depuis les grands maîtres viennois, heureux produit d'un équilibre merveilleux entre les cultures des races germanique et latine. La musique des maîtres viennois décèle aussi cet équilibre parfait d'éléments qui, après eux, se sont développés, mais presque toujours aux dépens les uns des autres. Nous en sommes encore à l'époque du timbre, mais divers symptômes montrent que le temps du rétablissement de l'équilibre approche, et la musique de Bartók en est un.
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Celui qui veut vraiment sentir la pulsation de la musique populaire hongroise doit en quelque sorte la vivre, ce qui n'est possible que par un contact direct avec les paysans. Pour que le charme de cette musique vous saisisse tout entier, dans toute sa puissance, il ne suffit pas d'en apprendre les mélodies.
Bela Bartok
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