J'avais déjà beaucoup aimé "
Mal de pierres", alors quand "
Battement d'ailes" est sorti, je l'ai acheté.
J'ai retrouvé la belle écriture sensible de
Milena Agus, pour une escapade en Sardaigne, décor toujours aussi prégnant.
Dans ce second roman traduit en français, on change d'époque, l'île nous est présentée aujourd'hui à travers les yeux de personnages qui y sont profondément attachés.
Il s'agit d'un petit monde reclus dans de vielles maisons sardes, perchées sur des hauteurs qui surplombent une mer éclatante et bleue toute l'année.
Heureusement que ce paradis existe pour mettre du baume au coeur de ces individus malmenés par la vie, et en butte avec les difficultés de l'être.
Une jeune fille de quatorze ans dont le père a disparu après avoir ruiné sa famille nous fait découvrir le petit monde qui l'entoure.
Elle nous parle parfois de certaines de ses nuits où le vent rentre dans sa chambre et transforme les rideaux en ailes d'ange paternel.
Son grand père soutien la famille avec sa retraite d'enseignant et la production de son potager, et il en est heureux, dégustant chaque jour la beauté du paysage et des gens qui le peuplent.
Sa mère est clouée au lit depuis le départ de son père.
Elle est fascinée par Madame, originale et excentrique avec qui elle partage de nombreux moments de sa vie et échange beaucoup.
Elle l'épie aussi, tellement curieuse de savoir ce qui se cache derrière les commérages et les médisances entendus ici ou là.
Madame vit pauvrement, s'habille dans des vêtements qu'elle confectionne elle même avec de vieux rideaux et de vieilles nappes, mange sur son potager et accueille de temps en temps quelques clients dans sa pauvre maison d'hôtes.
Madame a des amants, qui la prennent et qui la jettent, on dit aussi qu'elle se prostituait un temps à l'hôtel du village.
Madame semble avoir deux seules idées en tête, trouver le grand amour, le vrai, et sauvegarder son coin de terre des promoteurs qui le convoitent.
Le personnage central du récit est cette femme mure qui vit en équilibre instable, toujours prête à se jeter à la mer.
Nous pressentons au fil de l'histoire les blessures profondes qui font d'elle un personnage hors norme.
Elle est toute en souffrance, semblant se complaire dans des relations humiliantes et dégradantes tout en attendant l'amour qui ne vient jamais. Et peut-être que s'il ne vient pas, c'est qu'elle le fuit, parce qu'au fond elle ne supporterait pas qu'il vienne à disparaitre. Alors, dès que Madame touche un peu de ce bonheur, elle va se jeter à l'eau en courant.
Le grand-père l'a toujours veillée et sauvée. La jeune narratrice de quatorze ans prendra le relais lorsqu'il mourra.
Il parait qu'un célèbre critique italien a parlé de "Sardo-masochisme",en parlant de ce livre, je trouve l'expression vraiment bien trouvée pour définir autour de quoi tourne cette histoire.
Voilà un petit roman qui sous des airs sucrés et gorgés de soleil, réussit à nous faire voir avec des yeux au bord de la candeur de l'enfance , les monstruosités de l'être, les gouffres noirs qui absorbent les rêves et la souffrance brûlante qui peut surgir du simple fait d'exister.
des images, de la musique et des liens sur mon blog :
http://sylvie-lectures.blogspot.com/2008/06/battement-dailes-milena-agus.html