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EAN : 9782851971777
400 pages
L'Herne (17/09/2014)
4.33/5   3 notes
Résumé :
Maurice Blanchot (1907-2003) est l’un des écrivains et des penseurs majeurs du XXe siècle, mais il reste peu connu du grand public du fait de sa radicale discrétion, par son refus de toute interview, toute photo ; sa vie ressemble – du moins en apparence – à une incarnation possible de l’effacement. Donner une certaine visibilité à ce retrait, en comprendre la nécessité : tel peut être le premier objectif de ce Cahier.
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Citations et extraits (21) Voir plus Ajouter une citation
REFUSER L'ORDRE ETABLI


réponse de Maurice Blanchot à un questionnaire de Catherine David dans le nouvel Obs (spécial littérature mai 1981) le questionnaire avait pour thème l'engagement de l'écrivain


Comment répondre à votre questionnaire alors que l'écrivain est toujours à la recherche d'une question qui ne lui est pas posée d'avance et qui l'oblige, lorsqu'il croit se satisfaire d'une réponse, à se mettre lentement, patiemment, en question face à la question perdue qui n'est plus la même et qui le détourne de lui-même? La littérature engagée : il me semble que je me retrouve trente ans en arrière, lorsque Sartre, par défi polémique (...) plus que par conviction théorique, donna à cette expression un éclat qui la rendit indiscutable, c'est-à-dire la mit hors de toute discussion. D'une manière générale, presque tous les écrivains, j'entends les écrivains de gauche, y étaient opposés et en étaient irrités, qu'il s'agisse d'André Breton, de Georges Bataille, de Roland Barthes (...) Pour m'en tenir à l'histoire que je connais, Sartre lui-m^me fut très surpris lorsque la décision la plus importante de l'après-guerre et qui pesa le plus sur les événements (avant Mai 68), j'entends la "Déclaration des 121" sur le droit à l'insoumission dans la guerre d'Algérie, apparut être l'oeuvre d'écrivains qui pouvaient passer pour non engagés et qui cependant ne pouvaient qu'affirmer et non sans risque une exigence de refus, lorsque le pouvoir tendait à un forme détestable d'oppression. Il s'y rallia d'ailleurs aussitôt, avec l'autorité qui lui était propre, mais je crois qu'il fut amené (il me l'a dit) à remettre en question les formules trop simples par lesquelles il voulait heurter (et avec raison) la bonne conscience littéraire.

Qu'ajouter donc ? Il y a peut-être un pouvoir culturel, mais il est ambigu et il risque toujours, perdant cette ambiguïté, de se mettre au service d'un autre pouvoir qui l'asservit. Ecrire est, à la limite, ce qui ne se peut pas,
donc toujours à la recherche d'un non-pouvoir,refusant la maîtrise, l'ordre et d'abord l'ordre établi, préférant le silence à une parle d'absolue vérité, ainsi contestant et contestant sans cesse.

S'il fallait citer des textes qui évoquent ce qu'aurait pu être une littérature d'engagement, je les trouverais aux époques anciennes où la littérature n'existait pas. Le premier et le plus proche de nous, c'est le récit biblique de l'Exode. Là tout se trouve : la libération de l'esclavage, l'errance dans le désert, l'attente de l'écriture, c'est-à-dire l'écriture législatrice à laquelle on manque toujours, de telle sorte que seules sont reçues les tables brisées qui ne sauraient constituer une réponse complète sauf dans leur brisure, leur fragmentation même; enfin, la nécessité de mourir sans achever l'oeuvre, sans atteindre la Terre promise qui en tant que telle est inaccessible, cependant toujours espéré et par là déjà donnée,. Si, dans la cérémonie de la pâque juive, il est d e tradition de réserver une occupe de vin pour celui qui précédera et annoncera l'avènement messianique du monde juste, on comprend que la vocation de l'écrivain (engagé) n'est de se croire prophète ni messie mais de garder la place de celui qui viendra, d'en préserver l'absence contre toute usurpation, et aussi de maintenir le souvenir immémorial qui nous rappelle que nous avons été esclaves, que, même libérés, nous restons et resterons esclaves aussi longtemps que d'autres le seront, qu'il n'y a donc (pour le dire trop simplement) de liberté que pour autrui et par autrui : tâche certes infinie qui risque de condamner l'écrivain à un rôle didactique et d'enseignement et, par là même, de l'exclure de l'exigence qu'il porte en lui et qui le contraint à n'avoir pas de place, pas de nom, pas de rôle et pas d'identité, c'est -à-dire à n'être jamais encore écrivain.
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Frères, presque indiscernables : insistant, dans une lettre à l'un de ses éditeurs (Jérôme Lindon), sur "le côté commun de Blanchot et Bataille", Georges Bataille se plaira à rappeler la confusion commise par Heidegger, qui aurait dit, vers 1953, que Bataille est aujourd'hui la meilleure tête pensante de France". Heidegger pensait en fait louer Blanchot, dont il avait apprécié l'étude (dans le numéro 7 de critique) consacrée à l'un de ses essai sur Hölderlin.
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Lettre de Nathalie Sarraute


Cher Maurice Blanchot

Il m'a semblé, en terminant la lecture de "A rose is a rose", que mon livre était arraché à toute mesquinerie et la vulgarité dont il était recouvert, et transporté très loin, là où il fait bon exister, là seulement où cela en vaut la peine.
Vous avez éclairé comme vous savez le faire ce qui m'est toujours apparu comme l'essentiel. Vous m'avez donné envie de me joindre au dialogue, juste pour dire, très grossièrement, qu'il me semble qu'écrire c'est jeter et jeter encore sa ligne pour ramener quelque chose qui glisse et se dérobe,et, lorsqu'on la hissé, quand c'est là, étalé au grand jour, cela meurt. Et toujours on recommence. En fin de compte, c'est dans ce mouvement acharné à ramener quelque chose qui est en train de mourir que se concentre "la vie".
Mais vous avez su voir, mettre au point, justifier ce que je ne voyais pas ou n'entrevoyais que confusément. Rien ne m'intéresse davantage que ce que vous dites sur les "vraies pensées" qui ne sont pas des "mouvements de l'existence illogique", qui sont "repris de la pensée naturelle, de l'ordre légal et économique, lequel s'impose comme une seconde nature", de "la spontanéité qui n'est qu'un mouvement d'habitude sans recherche, sans précaution", sur les vraies pensées qui sont "des pensées d'éveil", "des pensées qui questionnent". Et sur l'impossibilité de les développer, et sur ces refus des ressources du développement. Et sur la répétition...
Je voudrais tout répéter.
Et comme vous avez su, en peu de mots, éclairer à mes yeux mes tentatives dans "les fruits d'or". Que vous rapprochiez ce livre de Tropismes me touche beaucoup, car c'est vers eux que j'avais l'impression de revenir en écrivant ce dernier livre, renonçant à m'efforcer, comme dans mes romans précédents, de saisir les pensées et aussi de les suivre dans leur mort.
Il est difficile de paraître sincère dans une lettre. Tout se fige aussitôt en formules convenues. Il faut donc me résigner à vous dire que vous m'avez donné une grande joie, une de celle auxquelles on retourne souvent, auxquelles on demande de l'aide dans les moments d'abattement.
Je vous remercie, et je vous prie de croire, Cher Maurice Blanchot, à mon admiration et à ma sympathie.
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Partout errent des ombres d'événements, des fantômes de conjoncture. Le temps se délègue en intermittences épuisantes. Les faits poussent de loin en loin les mêmes cris. Dans cette forêt impénétrable des origines, les plus puissantes figures sont dévorées par les formes d'une durée illusoire.

Blanchot, Joseph et ses frères, par Thomas Mann.
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"L'écrivain se trouve dans cette situation de plus en plus comique de n'avoir rien à écrire, de n'avoir aucun moyen de l'écrire et d'être contraint par une nécessité extrême de toujours l'écrire... Le signe de son importance, c'est que l'écrivain n'ait rien à dire..."
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Vidéo de  Les Cahiers de l'Herne
Etienne Klein est physicien et philosophe. Il signe dans le "Cahier de l'Herne", consacré à André Comte-Sponville, un texte sur le temps et notre rapport à l'ennui, qui a toujours "une mauvaise réputation", mais qui peut aussi avoir des ressources, être un facteur créatif. le scientifique revient sur les définitions du vide et du néant, deux concepts bien différents qui intéressent les physiciens. Nous ne sommes pas égaux face à l'ennui, face au vide.
Retrouvez l'intégralité de l'interview ci-dessous : https://www.france.tv/france-5/la-grande-librairie/la-grande-librairie-saison-12/1448617-a-quoi-sert-la-philosophie.html
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