Qui sait quel miracle génétique ou éducatif se cache derrière la famille Singer?
Quelle autre question peut-on se poser en lisant les nouvelles de Hinde Esther Kreitman Singer, la soeur aînée des plus célèbres Israel Joshua et Isaac Bashevis, car ses récits sont très similaires à ceux de ses frères. Et pourtant qui la connaissait, jusqu'à il y a peu?
Il est certain que pour une fille juive née avant deux frères écrivains reconnus – dont l'un le fut même par l'attribution du Nobel – se faire une place, se voir reconnue était une gageure impossible à relever.
De quel plaisir de lecture, de quel talent, des générations de lecteurs n'ont ils été privé?
De son humour,
“J'ai dû moisir là neuf mois...Bon, je me consolais en me disant que je me rattraperais plus tard ! Qu'ils me laissent donc entrer dans ce petit monde que Dieu avait créé. Je saurais m'y faire.” (Le nouveau monde)
Hélas, elle ne sut jamais s'y faire à ce monde – il faut ajouter que sa mère fit tout pour cela...
Elle dépeint la vie dans le village avec la même acuité qu'Isaac Bashevis, et y ajoute des détails troublants quand elle parle des vieilles du village qui s'occupent l'après-midi, comme elles le peuvent:
“Elles s'étaient installées sur leur propre sépulture pour tricoter des chaussettes et des gants pour la mort...” (Les Horloges)
Pendant que leurs maris, frères ou fils vivent selon la tradition, à la synagogue: “
On lui avait fait l'honneur de l'appeler pour la sixième montée à la torah.” (Un caftan de satin)
Elles sont belles, émouvantes, tristes, mais jamais sans une point d'humour.
Que de regrets d'en avoir perdu beaucoup de ces nouvelles: dans le train vers Berlin (où l'attendait l'époux qu'on lui avait trouvé), sa mère, Bathsheva a jeté par la fenêtre toutes les histoires écrites par sa fille, de peur, dit-elle, que la police des frontières ne les prenne pour des documents subversifs. En réalité, elle ne pouvait pas supporter les ambitions littéraires de sa fille, à qui elle avait refusé tout accès à l'éducation, à la culture...
Si vous ne connaissez pas
Esther Kreitman, elle mérite de passer avant tout ce qui est publié actuellement...
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