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EAN : 9782867463211
92 pages
Liana Lévi (19/03/2003)
3.62/5   16 notes
Résumé :
Nous sommes au bord de la voie ferrée, dans un hôtel du Nebraska, au milieu de nulle part. C'est dans cet hôtel à la couleur insolite que des Américains qui n'en sont pas encore se rencontrent, et que se fabrique l'Amérique. Il y a le propriétaire irlandais et son jeune fils, le Suédois, l'homme de l'Est, et l'incontournable cow-boy. Tandis qu'au dehors souffle un violent blizzard, ils improvisent une table près du poêle et jouent aux cartes. Mais, dans ce huis clos... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
C'est quoi cette escroquerie ?
Pour moi, il ne pouvait y avoir qu'un Blue Hôtel : celui chanté par Chris Isaak, ce crooner au nez cabossé par la boxe et croisé avec James Dean qui a eu l'audace de me souffler sous le nez (pas cassé) Helena Christensen dans le clip le plus chaud de l'histoire (« Wicked Game »), et dont il est impossible de ne pas fredonner les airs de façon ridicule pendant des heures dès qu'un morceau passe à la radio.
Et qu'est-ce que j'apprends ? Qu'un texte court de Stephen Crane, l'auteur de l'excellent « L'insigne rouge du courage », billeté par bibi il y a quelques semaines, porte le même titre. Comme l'auteur est mort en 1900, difficile de l'accusé de plagiat, le bougre.
Alors que le tube gominé de Chris Isaak est un hommage mélancolique à un ami qui s'est suicidé d'un coup de révolver dans un hôtel à priori…bleu, le récit de Stephen Crane nous transporte lui dans un trou perdu du Nebraska en 1898. Au milieu de nulle part, le Palace Hôtel attire le regard et plusieurs voyageurs sont hameçonnés par le propriétaire, le dénommé Scully, pour y passer la nuit.
Un suédois fébrile, un homme de l'est taiseux, un cow-boy à l'ancienne et le fils de Scully se retrouvent autour d'une partie de cartes dans l'hôtel dans une ambiance digne d'un film de David Lynch. Un engrenage fatal va se mettre en place. Tricher, c'est jouer… avec le feu, n'en déplaise à ce dicton oublié dès la première partie de billes dans la cour de récré. Persuadé qu'il va se faire assassiner avant l'aube, un des joueurs pique une petite crise de démence.
De façon très habile, Crane interroge façon « western d'intérieur » la force inéluctable du destin. J'ai apprécié ces personnages mystérieux, apatrides qui semblent perdus dans les limbes du rêve américain. Ils fuient un passé, transitent par le présent et avancent les yeux bandés vers un futur qui ne les attend pas. J'ai parfois eu l'impression de suivre une histoire de fantômes.
Blue Hotel ,On a lonely highway, Blue Hotel, Life don't work out my way… Et voilà, je me ressasse en boucle cette chanson en troussant ces quelques lignes. Tapage nocturne et les chats du voisin miaulent croyant entendre un congénère. Finalement, je me rends compte que la voix puissante de Chris Isaak, son rockabilly assaisonné de rythm'n blues s'accorde bien au tragique des personnages du récit.
Pour trinquer après cette lecture, je vais boire un petit verre de Curaçao. Ma période bleue surement.
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🏨 « Vous avez dit que je trichais ?
- Oui, fit le suédois en découvrant les dents.
- Alors on va se battre.
- Oui, se battre, rugit le suédois qui avait l'air d'un possédé. Oui, se battre. Je vais te faire voir à qui tu as affaire ! Je vais te faire voir de quel bois je me chauffe ! Tu crois peut-être que je sais pas me battre ! Tu crois peut-être que je sais pas ! Je vais te faire voir, espèce de canaille, espèce de tricheur ! Oui, t'as triché ! T'as triché ! T'as triché ! »
(P.51)

🏨 Blue Hotel… Situé a Fort Romper, dans le Nebraska, le Palace Hotel, remarquable pour sa couleur bleue, hurle sa présence dans la morne grisaille ambiante. Quel que soit le temps, qu'il neige ou qu'il fasse beau, ce bleu ressortait toujours, et révélait ainsi l'étrange et perspicace magnanimité de celui qui l'avait choisi. Les voyageurs empruntaient inévitablement la route qui menait au Blue Hotel, et cette couleur criarde suscitait à la fois des rires incontrôlés et une admiration éphémère. Pour les habitants du village, le propriétaire de l'hôtel, Scully, avait « réalisé un exploit » (p.8).

🏨 En cet hiver glacial, l'hôtel est occupé par des personnages aussi étranges qu'improbables : Scully et son fils Johnnie, l'homme de l'est, le cowboy et le Suédois. Transformée en refuge face au blizzard qui sévit à l'extérieur, la maison devient le théâtre d'événements étranges, de comportements incompréhensibles. Alors qu'ils jouent aux cartes pour tuer le temps, le Suédois, méfiant depuis le début, hurle au complot : il sait qu'il mourra ici. Il n'en faut pas plus pour que l'atmosphère devienne lourde et étouffante, malgré le froid qui souffle au-dehors. Chacun autour de la table s'interroge ; le lecteur aussi. Une intuition peut-elle changer le cours du destin et faire basculer la vie de chacun de ces hommes ?

🏨 Courte nouvelle publiée aux États Unis en 1898, L'hôtel Bleu est une merveille de suspens, véritable mélange des genres. Huis clos angoissant, elle met en scène cinq hommes en proie au froid, et qui, pour se réchauffer, ont recours à l'alcool ou au poêle commun… le Suédois est le premier à déclencher le malaise en devinant sa mort prochaine, malaise qu'il contribue à développer en accusant Johnnie de triche et qui mènera les deux hommes à se battre. L'hôtel est petit, mais les groupes se font et se défont sans que le lecteur puisse entièrement comprendre si oui ou non, une véritable menace plane… Impossible à lâcher, cette terrifiante nouvelle aux allures de mini thriller psychologique est un chef d'oeuvre trop peu connu, que je vous conseille vivement !


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Un hôtel d'un bleu incongru se dresse près de la gare d'une petite ville grise du Nebraska, au coeur des États-Unis, en cette fin de XIXème siècle.
Le patron va chercher ses rares clients au train et les accompagne, battus par le vent et le grésil jusqu'au Palace Hotel .Se chauffant près du poêle rougeoyant, les hommes tapent le carton, avec le fils du patron et un vieux fermier.
Des mondes différents se confrontent, dans la manière de claquer les cartes sur la table, dans les exclamations, les borborygmes, les postures. Les manières de la côte Est se frottent à la rusticité des cow-boys. La loi s'accommode du règlement de comptes, à condition que le combat se fasse à la loyale. Mais il y a les manières étranges et étrangères du voyageur aux nerfs à vif : le Suédois. "C'était une vénérable coutume du pays que de qualifier de Suédois tous les hommes aux cheveux blonds et à l'accent trainant... "

Fort Romper (ville imaginaire), avec ses quelques maisons basses et grises, presqu'invisibles dans ce paysage horizontal, croit en son avenir : le Palace Hotel, le train, sont les premiers signes d'une prospérité attendue, aux dimensions de cet espace sans limites. Cependant, dans le huis clos du petit salon surchauffé de l'hôtel où les relations s'exacerbent, un drame va se jouer, mais pas exactement là où le lecteur l'attend.

Tous les ingrédients d'un grand texte dans ce récit dépouillé de Stephen Crane. Dialogues à la Beckett, composition picturale digne de Hopper, ambiance lourde de la salle de jeu, comme filmée par les frères Cohen. Incroyable modernité de ce texte écrit en 1899 ! le lecteur jubile d'avoir découvert ce joyau, d'un auteur inconnu de lui : texte “culte”, à coup sûr !
The red badge of courage” (La Conquête du courage) qui avait été publié peu avant par Crane, avait été un immense succès et avait fait connaître ce jeune prodige au monde entier, avant que la tuberculose ne l'emporte à 29 ans. Sa vie est à elle seule un roman. Fils de pasteurs méthodistes qui s'intéressent plus à la religion qu'à leurs enfants, il court le monde comme correspondant de guerre, malgré une santé fragile. Son épouse mène grand train. Il est couvert de dettes. En Angleterre, où ils se sont installés, ils reçoivent magnifiquement dans un château en ruine. La tuberculose l'emporte à 29 ans, plus jeune que Rimbaud, un peu plus vieux que Radiguet. Il laisse une oeuvre considérable, dont quelques trésors et en particulier celui-ci !
Lien : http://diacritiques.blogspot..
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Belle surprise que la découverte de cet auteur talentueux. Ce récit quasiment théatral nous plonge dans l'atmosphère des saloons américains aux relations viriles avec le meurtre d'un inconnu courant à sa perdition. Il s'achève sur une révélation qui questionne la lâcheté de l'inaction et la défaillance morale dans les relations humaines.
Une écriture et une atmosphère proche d'un Jack London.
Vraiment bien.
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La réédition de cette nouvelle de Stephen Crane fait écho à l'imposante biographie que consacrer Paul Auster à cet auteur américain mythique. Par son talent (peu connu en France) et son destin tragique d'artiste mort dans la fleur de l'âge, Stephen Crane est auréolé d'une réputation éclatante. L'Hôtel bleu est même considérée par Paul Auster comme l'un des chefs-d'oeuvre de Crane et même l'une des plus belles nouvelles américaines jamais écrites. Je serai bien incapable de défendre cette place si prestigieuse mais plutôt disposé à exposer le combat mené et emporté par ce texte : la lutte contre le temps.
Plus d'un siècle après sa rédaction et sa publication, cette nouvelle captive encore et toujours. Ce qui intrigue le plus est ce mélange des genres. En quelques pages, l'auteur réunit dans un lieu impressionnant et angoissant des personnalités dont les caractéristiques, banales à première vue, s'amplifient à cause du contexte.
Cette nouvelle est un huis clos sous forme de poupées russes. La maison renferme un groupe d'hommes qui se comprennent peu ou pas, à cause de la langue et des comportements, et qui rapidement décident de s'occuper en jouant aux cartes. La maison encercle cinq hommes qui s'isolent dans une partie de cartes et s'individualisent dans leurs propres repères. Chacun est bien incapable de comprendre l'autre. On doute de l'identité précise, on connaît peu de noms. Seuls le propriétaire et son fils sont vraiment nommés, peut-être même est-ce la propriété de l'hôtel qui leur confère un statut social et une reconnaissance. Chacun est une figure dont le positionnement déplaît légèrement à l'autre. Cette inégalité est perceptible par quelques mots semés par l'auteur.
La nouvelle est donc un chemin semé de mystères, bientôt rongés par des peurs. La maison prend alors des airs de scène de meurtre. Ces tonalités sont ménagées subtilement par Stephen Crane qui use de l'humour pour décompresser un temps avant de plonger dans des parties de cartes sous haute tension. Celles-ci sont écrites comme des scènes de combat là où l'affrontement physique est un numéro de cirque. L'auteur ménage ses effets, n'appuie jamais sur l'évidence pour laisser se diffuser une menace que chaque lecteur·rice pensera réelle ou fantasmée.
Lien : https://tourneurdepages.word..
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Citations et extraits (1) Ajouter une citation
Les bras immenses du vent faisaient des tentatives (...) pour étreindre les flocons en plein vol.
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