Bégaudeau dissèque une nouvelle fois plusieurs éléments sociaux avec précision.
Il explique et détruit l'argumentaire et le lexique libéral, en explique avec une pointe de cynisme les tenants et aboutissants.
La forme du livre est très agréable. Découpé en 42 locutions, il est bien organisé et assez facile à lire. La langue de l'auteur est toujours maîtrisée et difficile parfois à décoder mais donne beaucoup d'éléments de réflexion justement par cette complexité.
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Begaudeau tape souvent juste, sans retenue ou nuances. Son écriture peut être incisive, ironique, corrosive, humoristique, quelquefois savante... Sa dénonciation du capitalisme, de son hypocrisie et de ses injustices est implacable.
A la fin de l'ouvrage, il reste un champ de ruines.
Même si sur les 2 dernières pages, il y a un peu d'autodérision sur l'intellectuel qui sait tout, et qui voit mieux que tout le monde, le pilonnage intensif de tout ce qui bouge, laisse un peu gout d'inachevé. Et maintenant ?
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Formules qui claquent, images qui marquent : Boniments confirme que François Bégaudeau a trouvé, dans ces essais modelés en écrivain et non en théoricien, la forme qui lui réussit le mieux depuis Histoire de ta bêtise
Lire la critique sur le site : LeMonde
À nos enfants, l’enseignant objectif ferait mesurer l’incommensurable différence entre une radio publique et une radio privée. La publique est tenue à la neutralité, étant la propriété de l’État, qui est neutre ; tandis qu’une station de radio privée est libre de son prosélytisme, étant la propriété d’un milliardaire, qui est neutre de droite.
À l’avant-garde des forces révolutionnaires, l’intellectuel, clavier au clair, s’en va décrypter la langue du pouvoir, débunker ses mensonges, détordre ses distorsions. Bientôt les mots du pouvoir n’ont plus de secret pour lui. Il a nommé tous les pièges nominaux, verbalisé toutes les escroqueries verbales. La langue dominante égare tout le monde sauf lui. Moyennant quoi s’impose à lui la mission de mutualiser sa clairvoyance. Puisque les gens sont embrouillés par l’embrouille, il expliquera l’embrouille aux embrouillés.
Au livreur Uber, l’intellectuel critique explique qu’il s’est laissé abuser par les éléments de langage boutiquier comme fluidité, risque, concurrence non faussée, cryptomonnaie, autonomie, territoires. Aussitôt le livreur stoppe sa course, abandonne son vélo sur le trottoir, jette son téléphone connecté dans la première benne. Il est désenvouté. Il est affranchi. Il est libre.
En première analyse, « J’assume » est le cri de ralliement de la droite décomplexée. Postée à l’avant-garde de l’offensive dite néolibérale, la dame Thatcher est de fer parce que son libéralisme est sûr du bon droit de sa violence. Maggie ne cède pas devant les enfants de mineurs affamés par des mois de grève parce qu’elle a raison de bazarder les mines. Maggie ne cède pas à la sensiblerie devant l’agonie de Bobby Sands en prison parce que l’Irlande du Nord est britannique, point barre. Maggie ne lâche rien. Il va crever et elle assume. S’ouvrent alors des décennies où le capital n’aura de cesse que d’assumer. La guerre froide est gagnée, les forces contestataires épuisées, la voie libre, le bar ouvert, il n’y a qu’à se servir.
Le totem et le tabou sont les deux phases d’une opération de disqualification. Je prends une convention, ou une loi, ou un droit, je les nomme totem pour taxer de fanatismes ceux qui s’accrochent à ces vaches sacrées, puis je nomme leur éventuelle réforme tabou pour taxer les réfractaires de conservatisme, et m’ériger a contrario en progressiste, en révolutionnaire. Je peux ainsi me piquer d’une ouverture d’esprit qui, à y bien regarder, consiste exclusivement en une disponibilité gourmande à l’ouverture des marchés. Comme toujours le registre moral — je n’ai pas de tabou — est la devanture d’une intention marchande. La libre pensée du libre penseur est l’habit du libre marchand.
Dès ses prémisses, la pensée libérale préconise d’un même trait de plume la liberté politique et la liberté économique. Libérer les peuples, libérer l’économie. Soustraire les sujets à la tyrannie, soustraire les marchands aux rentes féodales et royales. Faire advenir des citoyens, faire foisonner des échoppes. Depuis lors, on ne sait jamais si celui qui se proclame libéral parle de ceci ou de cela. Feint de parler de ceci pour mieux parler de cela. Où est le ceci, où est le cela ? Dans ce bonneteau à deux cartes, on se perd, et c’est le but.
C'est par la poésie que Gaëlle Josse est entrée en littérature. Elle a publié plusieurs recueils, jusqu'à ce jour où elle découvre un tableau d'un peintre flamand qui la happe littéralement. Sur cette toile, une femme, de dos, dont il devient urgent pour Gaëlle Josse de raconter l'histoire. Son premier personnage est là et le roman naît. Les Heures silencieuses paraît en 2011. En treize ans, treize autres livres suivront : des romans, des essais, un recueil de microfictions. Tous nous embarquent dans des univers différents, font exister des personnages -réels ou fictionnels-, disent la force de l'art -pictural, photographique ou musical-, et mettent des mots sur nos émotions avec une grande justesse.
Au cours de ce deuxième épisode de notre podcast avec Gaëlle Josse, nous continuons d'explorer son atelier d'écrivain : ses obsessions, son processus d'écriture, la façon dont le désir d'écrire naît et grandit. un conversation émaillée de conseils de lecture et d'extraits.
Voici la liste des livres évoqués dans cet épisode :
- Et recoudre le soleil, de Gaëlle Josse (éd. Noir sur blanc) : https://www.librairiedialogues.fr/livre/20108563-et-recoudre-le-soleil-gaelle-josse-les-editions-noir-sur-blanc ;
- À quoi songent-ils, ceux que le sommeil fuit ?, de Gaëlle Josse (éd. Noir sur blanc) : https://www.librairiedialogues.fr/livre/23044434-a-quoi-songent-ils-ceux-que-le-sommeil-fuit--gaelle-josse-les-editions-noir-sur-blanc ;
- La Nuit des pères, de Gaëlle Josse (éd. Noir sur blanc/J'ai lu) : https://www.librairiedialogues.fr/livre/22564206-la-nuit-des-peres-gaelle-josse-j-ai-lu ;
- Ce matin-là, de Gaëlle Josse (éd. Noir sur blanc/J'ai lu) : https://www.librairiedialogues.fr/livre/20840891-ce-matin-la-gaelle-josse-j-ai-lu ;
- L'Amour, de François Bégaudeau (éd. Verticales) : https://www.librairiedialogues.fr/livre/22446116-l-amour-francois-begaudeau-verticales ;
- La Sentence, de Louise Erdrich (éd. Albin Michel) : https://www.librairiedialogues.fr/livre/22512129-la-sentence-louise-erdrich-albin-michel.
Invitée : Gaëlle Josse
Conseils de lectures de : Anthony Cerveaux, bibliothécaire à la médiathèque des Capucins, à Brest, et Rozenn le Tonquer, libraire à la librairie Dialogues, à Brest
Enregistrement, interview et montage : Laurence Bellon
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Les Éclaireurs de Dialogues, c'est le podcast de la librairie Dialogues, à Brest. Chaque mois, nous vous proposons deux nouveaux épisodes : une plongée dans le parcours d'un auteur ou d'une autrice au fil d'un entretien, de lectures et de plusieurs conseils de livres, et la présentation des derniers coups de coeur de nos libraires, dans tous les rayons : romans, polar, science-fiction, fantasy, BD, livres pour enfants et adolescents, essais de sciences humaines, récits de voyage…
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