ADRESSE
En deçà et au-delà
De nos identités originales
De nos appartenances communautaires,
En deçà et au-delà
De nos langues détournées, transgressées,
De nos noms reconnus, ressourcés,
Des terres de nos îles morcelées, archipélagées, dispersées,
En deçà et au-delà
De nos ruptures, brisures, cassures,
Des clans guerriers, clans paroles, clans écritures,
Clans mémoire, clans histoire,
En deçà et au-delà
Des mélopées funèbres, désespérances de nos béances,
Manques dans nos corps, de l’âme et de l’esprit en nos sociétés
multiples,
En deçà et au-delà
De tout ça qui fonde et nourrit nos interventions et écritures
particulières,
Nous gardons et emporterons dans nos bagages quelque essence
qui est :
Sur nos chemins de partage,
L’apport par chacun de son brin de conscience,
De réflexion, d’humanité,
Pour commencer à dire ensemble,
Avec nos mots, nos sonorités, nos musiques intérieures,
La chose à transmettre,
L’esprit de juste mémoire :
Tailler, ajouter, renouer, rénover,
Aplanir, étendre et retresser la natte humaine.
Flora AURIMA DEVATINE - Littérama’ohi, n°5, 2004
S’ABSENTER
Partir est toujours une façon d’être là,
on le sait par les trains, les bateaux et les pas,
le coeur en alarme et le regard accroché
à ce port qui s’éloigne, à l’amarre d’un quai.
Mais rester à demeure est aussi ambigu :
demeurer en rêvant à des pays perdus
au fin fond de l’enfance et de la vie flouée
est un moyen naïf d’encore s’absenter.
On marche comme on s’arrime à la terre, on va
pour appartenir au chemin, trouver sa place
dans le paysage incertain. On tourne en rond
en quête de la présence, d’un gué, d’un pont.
Que l’on s’arrête alors le monde devient plat
Et soi-même on se perd en recouvrant ses traces.
Michel BAGLIN
Un présent qui s’absente, 2013
CERTAINS JOURS…
Certains jours
Le jour est si bleu
Qu’on voit l’avenir
À sa porte
Il fait froid
Mais la sève éclate
Une fois encore
La terre gonfle ses jupes
Pour de nouveaux matins
Mille projets sont dans l’air
Et la vie s’active
Que vas-tu faire
De tes mains
Sans amour ?
Hélène CADOU - mise en musique par Martine Caplanne
Mise à jour, 1989
Le temps perdu
Devant la porte de l’usine
le travailleur soudain s’arrête
le beau temps l’a tiré par la veste
et comme il se retourne
et regarde le soleil
tout rouge tout rond
souriant dans son ciel de plomb
il cligne de l’œil
familièrement
Dis donc camarade Soleil
tu ne trouves pas
que c’est plutôt con
de donner une journée pareille
à un patron ?
//Jacques Prévert
LE CHAT ET LE SOLEIL
Le chat ouvrit les yeux,
Le soleil y entra.
Le chat ferma les yeux,
Le soleil y resta.
Voilà pourquoi, le soir,
Quand le chat se réveille,
J’aperçois dans le noir
Deux morceaux de soleil.
MAURICE CARÊME
Poésie - Mon arbre à moi - Christian POSLANIEC