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EAN : 9782847422139
128 pages
PASSAGE (10/01/2013)
3.71/5   7 notes
Résumé :
Ours à visage humain ou homme dans une peau d’ours ? Femme-oiseau ou danseuse prodige ? Serpent ou fou dangereux ?
Du fantasme à la réalité, chaque scène de ce Cabaret sauvage retrace une rencontre entre l’homme et l’animal.
Dans un bruissement d’ailes, enfouis sous les pelages, ou derrière des écailles, oiseaux, fauves, reptiles et autres créatures traversent le miroir.
Les cages s’ouvrent, les pièges se referment, l’instinct s’éveille face à l... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
ISABELLE KAUFFMANN cabaret sauvage Éditions le passage ( 14€ -144 pages)

Après deux romans, Isabelle Kauffmann s'essaye à la nouvelle avec brio. Elle y déroule une variation autour de l'animalité et se livre à l'exploration du dédoublement de personnalité.
Le titre relève de l'oxymore et nous plonge dans l'inconnu. D'un côté le mot cabaret symbolise la convivialité, de l'autre sauvage éloigne du civilisé. En bandeau , un détail de la Terre d'Arcimboldo, cette tête anthropomorphe, représentant différents traits de caractères.
La jalousie, l'amour, le désamour, l'addiction, la dépendance, la soumission, la domination , la domestication jouent le trait d'union entre les neuf nouvelles. Des thèmes qui épousent le vie avec ses caresses et ses âpretés et que l'auteure explore avec une intensité poignante.

Parmi les personnages rencontrés, plusieurs souffrent de carence affective, de rejet, d'indifférence à leur égard et se retrouvent condamnés à la solitude. Comme l'affirme Baltasar Gracián y Morales: « Il n'y a point de désert si affreux que de vivre sans amis ».

D'autres sont victimes de leur handicap, comme Aldo « nain sans grâce » dont le physique ingrat( « une laideur sans espoir ») devient un atout lors de ses prestations en ourson et lui permet de prendre une revanche sur la vie, de retrouver confiance en lui. Réussira-t-il à conquérir Reine, à gagner son affection quand elle aura vu sa prestigieuse performance? N'est-il pas devenu la mascotte, « le clou du spectacle », ovationné à tout rompre? de quoi lui mettre du baume au coeur.

Par contre Isabelle Kauffmann sait entretenir le mystère autour de certains de ses portraits, les
désignant par 'il ' ou 'elle'.On croise Nora, danseuse émérite, « à la grâce angélique », qui refuse de se dénuder les épaules. Son secret sera-t-il débusqué? Puis, Jojo, cette étrange créature qui rampe, qui siffle, est-ce un psychopathe qui aurait perdu l'usage de ses jambes, à l'affût de sa proie?
La nouvelliste campe ses protagonistes dans des paysages idylliques comme une clairière « baignée de soleil », « à l'herbe tendre et anisée » où trois lapins bondissaient de joie. D'autres ne connaissent qu'une cellule étriquée à l' horizon bouché par de «  hauts murs, froids et sales ».
Elle ajoute parfois une touche de poésie: « le ciel strié des lueurs du soleil couchant ».
La coupole du théâtre « dans un dégradé céleste », les «  constellations peintes » rappellent le firmament étoilé de Grand Huit. Par contre les indications géographiques restent vagues.

L'héroïne orpheline de Trapèze-moi, Roselita fait songer à La petite fille de Monsieur Linh de Philippe Claudel. Elles ne parlent pas. On ne peut qu'interpréter leurs silences. Les gestes, les signes remplacent les mots. L'amitié, la complicité de Roselita avec les chevaux qui « lui donnaient la force de surmonter ses peines » lors de ses numéros se passent de mots. En filigrane, la jalousie, le sentiment de trahison de Roselita ( Jenny lui ravissait Franck, son coach) précipitent l'épilogue des plus surprenants, car Isabelle Kauffmann a réussi à nous mystifier comme Philippe Claudel. Nous voici embarqués dans l'univers féérique du cirque pour mieux accélérer la chute tragique.

Certaines nouvelles peuvent être lues comme une fable ou un conte. Une morale s'en dégage .
Par exemple: Tel est pris qui croyait prendre, dénonçant la cruauté de cet enfant « prestidigitateur » envers les bêtes qu'elle avait hypnotisée par sa musique. Dans celle intitulée La clé, construite comme un polar,est abordée le dilemme suivant: Que choisir? Être libre mais seul ou être captif mais avec la présence proche d' « un doux compagnon affectueux et fidèle »?

Cabaret sauvage soulève de nombreuses interrogations: La beauté intérieure peut-elle éclipser la laideur? le succès, la notoriété suffisent-ils à compenser le désert affectif? Peut-on se construire privé d'amour maternel? La tendresse, les caresses, dispensées par les humains ne seraient-elles que mensonge et illusion? Pourquoi cette propension à rechercher la compagnie animale? Pour fuir les humains capables de cruauté? Ce qui rappelle la phrase en exergue « La bête ne ment jamais».
Autre objet,qui ne triche pas, récurrent dans l'oeuvre d'Isabelle Kauffmann: le miroir. Que renvoie-t-il? un faciès difficile à accepter par un narrateur, en souffrance, dans la nouvelle inaugurale.


Réciproque, la nouvelle qui clôt le recueil réunit trois êtres vivants et oppose la jeunesse (l'enfant gracieux « à la peau diaphane ») et la vieillesse ( Monsieur Pablo « prisonnier d'une demeure presque centenaire à la façade délabrée »). L'évocation de la déliquescence du corps fait écho au film Amour. Isabelle Kauffmann montre que humains et animaux sont égaux devant l'inéluctable et impuissants face au destin, au « temps qui frappe, qui blesse »,au « temps qui poursuit son oeuvre », soulignant la finitude des êtres. Elle efface peu à peu les frontières entre l' humanité en questionnement et l'animalité côtoyée et nous offre une peinture insolite des passions humaines et animales. La romancière met en scène le summum de la détresse humaine dans « cette succession impitoyable d'espoirs et de déceptions ».

Isabelle Kauffmann excelle dans l'art du portrait (distillant moult détails), dans l'insolite qu'elle dépose au creux de métaphores: « L'hiver ressemblait à un accordéon avec de la nacre... ».
La nouvelliste se joue du lecteur en mêlant fiction et réel. Elle nous dérange en traquant la part animale, la sauvagerie enfouie en nous, notre dualité. Humains et animaux se croisent, se répondent.
D'ailleurs ne dédie-t-elle pas cet opus à « son animal » avec un soupçon d'auto dérision?
L'auteure sait exploiter un détail, une faille, un comportement décalé pour faire basculer le récit. Elle manifeste avec virtuosité un sens implacable du suspense et de la chute percutante.
Elle a su insuffler du mouvement par un tourbillon d'actions qui donne le vertige. Elle orchestre une véritable chorégraphie avec ses protagonistes. Ils pirouettent, virevoltent, se contorsionnent,se trémoussent, sous nos yeux,ou effectuent des « pas chassés, entrechats » plus vrais que nature.

Les odeurs de patchouli ambré, d'amande, de sous bois qui traversent le recueil émoustillent.
Des airs de Stravinsky, de Dizzy Gillepsie se mêlent aux rugissements, aux applaudissements.


Avec Cabaret Sauvage,Isabelle Kauffmann change de registre et signe un recueil déstabilisant, composé de nouvelles surprenantes, déroutantes, parfois cruelles (eros face à thanatos), noires, mais toutes pleines d'inventivité, servie par une plume grinçante Une réussite flagrante.
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Qu'est-ce qu'un cabaret? Un endroit où l'on boit et l'on mange tout en profitant du spectacle.
C'est donc avec une coupe de champagne et quelques amuse-bouches (en vrai, un Earl grey et une tablette de Lindor, moins glamour, mais je suis une vieille fille...) que je m'installe pour découvrir le cabaret que propose Isabelle KAUFFMANN, avec d'autant plus de frissons que celui-ci est "sauvage", c'est-à-dire "atroce, barbare, bestial, féroce, indompté, violent" (selon mon dictionnaire).
Et j'en ai pris plein la vue au cours de ces neuf nouvelles où l'homme et l'animal se rencontrent, se lient, se mêlent, pour le meilleur et surtout pour le pire.
Car des deux, qui est le plus féroce, le plus bestial, le plus barbare? le lion qui rêve de retrouver la savane ou la charmante petite fille qui veut faire un civet de ses amis lapins? La guenon amoureuse ou le journaliste qui traque une danseuse étoile?
Etonnantes car toujours à contre-pieds, ces nouvelles se savourent comme des contes de fées ou des poèmes qui auraient mal tournés. J'en ressors éblouie, époustouflée, comme après un excellent spectacle de cabaret où les numéros se succèdent, tous différents, tous époustouflants.
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"Dans ce monde cruel, il n'y a pas de place ni d'indulgence pour ceux qui ne sont pas tout à fait comme les autres".
C'est cette a-normalité tissée d'animalité voulue ou non, réelle ou pas, qu'aborde Isabelle Kauffmann (auteur et chirurgien laryngologiste) dans les neuf nouvelles de Cabaret sauvage.
Thème du double perçu, dans le miroir de celui qui se méprise, "monstre" à punir; relation sado-masochiste du nain soumis, sous sa peau d'ours d'acteur, au bon-vouloir de sa "Reine"; "étoile du ballet", se prenant pour un oiseau, traquée par un caméraman indiscret; prisonnier désespéré dont le seul compagnon d'infortune s'avère être un rat; solitaire vivant chez lui en parfaite harmonie avec un lion évadé d'un zoo; reptations d'un interné sifflant comme un serpent; lapins peu enclins à finir en civet même si une violoniste ingénue leur joue de la musique à damner un saint; guenon jalouse "star du trapèze volant", vieillard en régression accomplissant sa mue....les animaux abondent au fil des pages. Fantastique, folie, rêve,introspection...où est la réalité? Où est la psychose?
Solitude,désert affectif,vieillissement, violence refoulée...la frontière est mince pour passer du normal à la bestialité semble suggérer Isabelle Kauffmann. Et encore les animaux sont moins menteurs, moins cruels que les hommes ....à moins qu'ils ne s'appellent Roselita et ne tombent amoureux.
Bizarre! Bizarre, ce...... Cabaret sauvage entrainant le lecteur au coeur d'une sauvagerie suggérée, sournoise, incidieuse qui le met forcément mal à l'aise!
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L'Homme est, pour reprendre librement les mots d'Aristote, un animal doué de Raison. Et si la Raison reste ce qui le caractérise dans le règne animal, il n'en reste pas moins un de ses multiples représentants. Mais paradoxalement, ce qui constitue en définitive le propre de l'Homme, c'est sa capacité à se mettre en perspective de sa condition animale, constamment à la repousser loin de sa Raison, peut-être pour ne pas la contaminer, qu'elle reste à jamais dans cette illusion très proprement humaine qu'être un Homme, c'est en définitive très différent que d'être un animal. Et face à cette forme d'ùbris au sens le plus tragique du terme, L'Homme continue à y voir sa justification pour continuer à considérer l'animal dans sa fonctionnalité, pris à jamais dans cet anthropocentrisme de la création, fondement inaliénable de notre modernité. Nous ne sommes pas prêts d'en avoir fini avec l'animal-machine cartésien !

C'est cette altérité animale qu'explore dans ce remarquable recueil de nouvelles Isabelle Kauffmann, cette altérité qui reste tout de même moi, puisque constitutive de mon être, mais avec laquelle... La suite sur www.livredelire.com
Lien : http://livredelire.com/2013/..
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livre qui a pour seul mérite d'être très bien ecrit,avec une précision chirurgicale qui laisse une impression malsaine; ce cabaret n'évoque que la noirceur, la part d'animalité de l'homme.
On est content d'avoir fini ce livre heureusement court et de reprendre gout à la vie
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critiques presse (1)
LePoint
22 janvier 2013
Au lieu de livrer son imagination d'un bloc, Kauffmannn la manipule, la travaille, la décortique, la séquence, et cela donne des microfictions originales et hyperscénarisées qui décoiffent.
Lire la critique sur le site : LePoint
Citations et extraits (5) Ajouter une citation
Façade, est-ce ta loi qui régit le monde? J'ai lutté ma vie durant contre ton masque, contre tes mensonges et l'illusion primaire,ce voile que tu déploies sans faillir sur les yeux des gens.
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Faust, mon ami,pourquoi est-ce soudain si cruel pour moi?L'éclatante beauté est devenue laideur extrême.Le même être,la même chair,le même sang,mais tout s'oppose!Evolution, involution, temps qui frappe,qui blesse,et vanité humaine...
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Dans ce monde cruel, il n'y a pas de place ni d'indulgence pour ceux qui ne sont pas tout à fait comme les autres.
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La danse est une cage où l'on apprend l'oiseau.

Claude Nougaro
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La bête se moque de la vérité, et pourtant elle ne ment jamais.
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Videos de Isabelle Kauffmann (2) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Isabelle Kauffmann
Isabelle Kauffmann - Les corps fragiles .Isabelle Kauffmann vous présente son ouvrage "Les corps fragiles" aux éditions le Passage. Rentrée littéraire 2016. Retrouvez le livre : https://www.mollat.com/livres/75175/isabelle-kauffmann-les-corps-fragiles Notes de Musique : Time Passing By by Audionautix . Free Music Archive. Visitez le site : http://www.mollat.com/ Suivez la librairie mollat sur les réseaux sociaux : Facebook : https://www.facebook.com/Librairie.mollat?ref=ts Twitter : https://twitter.com/LibrairieMollat Instagram : https://instagram.com/librairie_mollat/ Dailymotion : http://www.dailymotion.com/user/Librairie_Mollat/1 Vimeo : https://vimeo.com/mollat Pinterest : https://www.pinterest.com/librairiemollat/ Tumblr : http://mollat-bordeaux.tumblr.com/ Soundcloud: https://soundcloud.com/librairie-mollat Blogs : http://blogs.mollat.com/
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