"Lettres à sa fille" de
Calamity Jane.
Certains d'entre vous ont peut-être déja lu ses confessions intimes, chez Rivage ou un autre éditeur, récit épistolaire apportant une dimension ironiquement plus féminine au célèbre personnage de l'Ouest sauvage
Calamity Jane et ce par le truchement de la maternité.
Les jeunes lecteurs auront sans doute repéré la seule et unique femme dégainant le colt et le fusil aussi bien qu'un homme dans les bande-dessinées de Lucky Luke.
Calamity Jane.
C'était une grande particularité dans cet univers de grands bouleversements américains où la femme se partageait le rôle d'entraîneuse de saloon, d'épouse dévouée ou de nonne.
Martha Jane Canary a tracé sa route et elle est devenue aussi célèbre que ses homologues masculins, Wild Bill Hickock ou Buffalo Bill, guides et intermédiaires précieux sur le territoire indien.
Cette période d'exploration une fois révolue, ne nécessitant plus leur expertise pour ne pas se faire scalper le sommet du crâne, sans doute ces grandes légendes de l'Ouest auront-elles eu quelques regrets après avoir marqué la grande Histoire, nous le supposons, défilant ainsi dans les villes comme d'anciennes stars modernes faisant la réclame dans les supermarchés, se raccrochant à leur ancienne popularité par le biais de spectacle sur l'Ouest sauvage.
Oui, nous pouvons supposer que
Calamity Jane a eu son lot de regrets, devenir une légende de l'Ouest Sauvage a peut-être un prix et Martha ne pensait pas être une mère à la hauteur de ce que l'on pouvait attendre à cette époque.
Ainsi fit-elle adopter sa fille pour lui promettre une vie plus épanouie, selon elle, avec une famille qui saura faire d'elle une demoiselle comme il faut.
Néanmoins, le coeur devait y être tout de même et elle se prit à tremper sa plume dedans pour transmettre des choses à sa fille à sa façon.
Il est appréciable que l'auteur
François Roca s'attache à remettre en avant cette relation où l'intention sincère y était. Pour une fois, nous ne verrons pas
Fred Bernard sur ce projet.
Les jeunes lecteurs auront l'impression de se plonger dans un journal intime mais ce sont bien des extraits de correspondance adressés à Janey, la fille de Martha.
C'est extrêmement touchant de lire ce qui ne devrait concerner que deux personnes et nous lisons clairement que "loin des yeux, près du coeur", Janey ne quitte jamais les pensées de Martha.
Contrairement à ce que l'on aurait pu penser, la "mère" n'a jamais été démissionnaire, gagnant de l'argent à sa façon pour les frais d'éducation de sa fille et couchant sur le papier toute l'histoire de sa famille et de sa naissance.
Nous déterminons des éléments dans les lettres qui ajoutent à la qualité du personnage, sur sa route, elle n'en aura pas fini avec les enfants, ceux des autres et nous comprenons que ses attentions la rapprochent de sa propre fille.
L'authenticité des correspondances de Martha restent selon les experts encore à confirmer mais peu importe, nous adhérons complètement à ce personnage qui, pour le bien de sa fille selon ses critères, décide de lui offrir les meilleurs chances d'une autre vie, loin du quotidien exubérant et dangereux de l'Ouest.
C'est ce courage qui ressort à la lecture tout du long.
Il ne faut pas oublier aussi qu'elle décide de ne pas garder l'enfant de son grand amour, Wild Bill Hickock.
Nous tentons de nous mettre à la place de Janey, si jamais elle avait pu lire ces lettres et récupérer les effets personnels qu'elle lui a laissé. Comment se sentir avec deux grandes légendes de cette nature mystérieuse qui jurent, jouent des poings et du colt, vivant au grand air des choses aux antipodes de son quotidien?
Les illustrations de
François Roca restent superbes, immortalisant une nouvelle romance singulière.
Nous vous renvoyons à "
l'indien de la Tour eiffel", "
Jesus Betz" et "
Rose et l'automate de l'opéra".
Un bel hommage que ce roman illustré et un beau portrait de femme.