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EAN : 9782491791445
258 pages
Éditions Nèg Mawon (01/07/2022)
5/5   1 notes
Résumé :
Si l'on considère que l'histoire du sport, observée dans ses petits détails nous permet de voir la texture culturelle d'un groupe humain, l'auteur a voulu, à partir de l'épopée de Camille Daridan, saisir la pratique du cyclisme en tout ce qu'elle comporte d'émotions et d'expériences sociales, dans la vie d'une Guadeloupe, au sortir de la Seconde Guerre mondiale.
Cet ouvrage n'a donc pas pour objectif premier de relater le parcours d'un champion cycliste du dé... >Voir plus
Que lire après Camille Daridan, le plus fort : Histoire sociale d'une épopée cycliste dans la Guadeloupe des années post Seconde Guerre mondialeVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Quiconque s'est un jour trouvé en Guadeloupe à l'époque de la tenue du tour cycliste de la Guadeloupe peut en témoigner : l'enthousiasme - frisant le délire parfois - de la population à l'endroit de la course et des coureurs est tel que celui manifesté par les spectateurs du bord de la route sur le passage du Tour de France pourrait, en comparaison, être qualifié "d'indifférence polie".

Franck Garain, sociologue et historien guadeloupéen, presque - sinon autant - apprécié de ses compatriotes que les équipes locales du tour cycliste - et tout autant connu des Guadeloupéens (au point que l'éditeur de Camille Daridan, le plus fort : histoire sociale d'une épopée cycliste dans la Guadeloupe des années post Seconde Guerre mondiale n'a à aucun moment jugé bon de le présenter, en quatrième de couverture ou au début du livre, comme souvent, tant il ne doit pas y avoir quiconque ici, jusqu'à la dernière petite souris de Guadeloupe, à ne pas savoir qui est Franck Garain) a choisi de nous présenter, à travers l'histoire d'un champion cycliste issu de la commune dont il est originaire - Morne à l'Eau - la naissance de ce sport en Guadeloupe et la société guadeloupéenne de l'époque.

Dans le style fluide qui fait le succès de ses causeries publiques (il détesterait le mot "conférence", en homme humble et modeste qu'il est), Franck Garain nous fait revivre une histoire pas si lointaine - celle des années 1920 à 1950 - où la Guadeloupe ne vivait toujours que par et pour le sucre, où l'industrialisation de cette production dans les usines centrales (L'Usine comme on disait alors, et la majuscule et le singulier disent beaucoup) rythmait la vie de tous les Guadeloupéens ou presque (alors qu'en 2022 il ne reste plus que deux usines sucrières en Guadeloupe : une à Marie-Galante, et l'autre en Guadeloupe "continentale" comme on dit ici).

Ce livre de 250 pages, illustré par de nombreuses photographies d'époque, ne ravira pas seulement les passionnés de la petite reine. Il est surtout, pour ceux d'entre nous qui ne sont pas originaires de ce département (lequel est devenu un département français en 1946 seulement) une formidable illustration de la vie de l'époque, des conditions matérielles de la population (logement, alimentation, transport, ...) et du rôle que le vélo, en tant que moyen de transport des ouvriers vers LIZIN (l'usine) a joué dans le développement de ce sport, qui, il y a six semaines à peine, faisait vibrer à l'unisson l'âme des Guadeloupéens (le 71è tour cycliste de la Guadeloupe s'est achevé ce 13 août 2022).

Un livre à découvrir, assurément (et ce n'est pas parce que je vis en Guadeloupe, à Morne à l'Eau que je vous le conseille !)
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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
Le fait dominant de l'histoire économique antillaise dans la seconde moitié du XIXe siècle réside dans la disparition des vieilles habitations-sucreries de l'époque esclavagiste et leur remplacement, comme structure de base de la production sucrière, par les usines centrales modernes.

Ce changement de socle industriel va engendrer des combinaisons sociales nouvelles : une nouvelle division et organisation du travail, de nouveaux rapports de production.

En effet, les sucres coloniaux d'usine, fabriqués selon des méthodes modernes, exigent une main d'oeuvre différente, fonctionnant sur le système des 3 fois huit, les fameux quarts.

A côté des laboureurs, charretiers, hommes d'instruments, valets de charrue, chefs de gardiens de troupeaux, amarreuses, coupeurs, porteuses d'eau, glaneuses, surveillants, géreurs, économes, peseurs, employés à la voie ferrée, aides-gardeurs, palefreniers, faucheurs, hommes aux pikwa [pioche], sarcleurs, fourchetteurs, chefs d'atelier ... il se crée une nouvelle catégorie de travailleurs, les ouvriers, dont le recrutement s'opère au-delà du champ-clos de l'habitation.

La Centrale durant la récolte fonctionne en continu, et a besoin de ces bras qu'il convient de former le plus souvent : ferrailleurs, tonneliers, arrimeurs, soudeurs, portefaix, etc.

Si certains sont logés sur l'habitation, dans des maisons appartenant à l'usine, ils sont nombreux à résider hors du champ de celle-ci et doivent se rendre à leur activité.

Travailler à l'Usine suppose une rupture entre lieu de travail et résidence, et une vie tout autrement rythmée et partagée.

Ce sont des départs matinaux, des rentrées tardives, des déplacements dans la nuit, cadencés par la sirène de la Centrale, une existence totalement écartelée.

On s'y rend généralement à pied, parcourant en groupe des dizaines de kilomètres parfois, nous confie Camille Daridan auquel nous consacrons cet ouvrage.

Les routes sont en mauvais état et on sort crottés des hameaux qui conduisent dans les bourgs [...]
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[Camille Daridan ] est un cycliste laborieux qui n'a pas une image de classe aérienne, dégagée, et son corps porte en lui toutes les vertus fondamentales du pays profond, où l'endurance et la souffrance jointes à un sens aigu de l'économie confinent à un art de vivre, cette manière de conjurer les déboires du quotidien, de façader [regarder en face à face] avec la misère en espérant des jours meilleurs, pour soi ou pour les siens, dans l'attente de ce que le Guadeloupéen appelle la faveur, qui n'est pas la main tendue, mais tout simplement un adoucissement de son sort. Pour le bon sens populaire, la faveur se prend, elle se mérite, car on va la chercher. C'est en fait saisir sa chance.
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[...] la pratique du vélo se transforme au fur et à mesure de son adoption par des groupes sociaux nouveaux [...] Ainsi, ceux qui travaillent dans les bureaux, les employés d'usine, sont fiers d'exhiber leur bécane que l'on chevauche au lieu et place du cheval, jugé "polluant", plus difficile à ranger et laissé aux "nègres des habitations".

[...] Il ne s'agit pas de pédaler comme un forcené, mais plutôt d'offrir au regard sa machine, nouvelle conquête d'une classe sociale, d'adopter par conséquent une conduite légère qui donne le temps au spectateur de fantasmer, de débattre autour de la marque, de la solidité de l'engin et de l'élégance de son propriétaire.
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L'épopée de Camille Daridan est un pan de l'histoire sociale d'une Guadeloupe des lendemains de la Seconde Guerre mondiale. [...] une Guadeloupe corsetée par l'usine, à la fois mère dévoreuse et mère nourricière. En effet, c'est sur les routes menant à la Centrale que des jambes tournant comme des moulins [clin d'oeil de l'auteur aux moulins à vent qui servaient auparavant à broyer la canne à sucre] ont donné un rythme nouveau à une activité qui de ludique, devenait sportive pour franchir la ligne débouchant sur la compétition, avec en fond, la rivalité entre marchands de cycles, et ce en pleine assimilation institutionnelle.
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Généralement, on ne prête pas son vélo à n'importe qui, dans les classes populaires ; Jaurès [on trouve souvent dans la Guadeloupe de cette époque, des noms de grands hommes qui sont donnés comme prénoms aux enfants : ainsi Périclès ou Charlemagne] Milon, dans la région de Morne-à-l'Eau mettra dans les années 70, cette inscription dissuasive et bien visible sur sa machine : On sèl bonda (une place et une seule) [l'auteur est très poli dans sa traduction du créole, car l'expression veut dire littéralement "Un seul cul"...]
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