Des solitaires affamés, en chasse de l’Autre à embrasser au coup de minuit. Goulûment. Avidement. Dégoûtant. Sans demander la permission. Car ce soir-là, tout était permis. Même l’interdit. Les nouveaux amoureux se brûlaient déjà du regard. En attente fébrile de ce gueuleton buccal. Les laissées-pour-compte rêvaient de régler leur compte avec une bouche qui ne leur appartenait plus depuis des mois. Y plonger avant que la nouvelle occupante ne s’y plonge elle-même. Passer avant elle, alors qu’on passe maintenant après elle. Et moi, le cœur à nu, à vif, je me souvenais. Avec nostalgie. De ce certain soir où la poésie m’avait si follement déballé le caramel et l’avait malaxé. Lisse et velouté.
Je la regardais ainsi s’illuminer de l’intérieur. Ma vieille mère. Le dos courbé. Les seins flasques et d’affreux orteils. Le corps au ralenti. Des rides en cascades sur le visage. Mais une main fine et toute fraîche dans la mienne. Le cœur d’une jouvencelle éternelle. Les yeux pétillants d’une amoureuse. Le sourire d’une coquette. Ma vieille maman avait toujours autant envie d’être amoureuse qu’aux temps de ses premiers frissons. Ça n’avait jamais mûri en elle. Elle avait aimé mon père, qui nous avait quittés trop jeune. Et elle avait ensuite essayé d’en aimer d’autres. Avec toute la force de son cœur et de sa naïveté. Sans succès. Les mêmes spécimens d’hommes qui stagnaient dans ma vie.
Dans le cours de math, tout redevenait simple : 1+1 égalait 2. Rien de plus. Pas de multiplication. Pas de soustraction. Surtout pas de division. Dans mes cours d’algèbre, je prétextais des co-sinus bloqués pour aller me reposer à la maison. Et la petite gripette que j’étais allait faire guili-guili à son Guimauve à qui elle pardonnait soudain toutes ses absences. J’avais à nouveau le caramel bien mou !
Un Homme. À la bouche remplie de mots parfumés. Dont on ne se lasse jamais.Un Homme dans ce qui se fait de mieux. Être sublime enlaçant. Dieu de l’amour qui, lorsqu’il vous tient dans ses bras, presse avec expérience sa main droite sur votre postérieur et sa main gauche simultanément sur votre nuque. Tendresse Harlequine et coquine. Et ce n’est pas tout. Sucre d’orge parlait, mieux encore, il susurrait s’il vous plaît. Collé à mon oreille. Moi à sa langue. Alors, quand, dans un souffle calculé, il m’a charmée de ce sublime poème de Prévert… mon caramel a littéralement fondu entre ses doigts.
Le désespoir de celle qui reste. De celle qui attend. L’attente est un tourment féminin. Subir encore plus les affres de son absence lorsque j’enlaçais son oreiller et qu’il ne ronflait pas. Continuer à l’aimer absent. Par habitude.
Avec le temps, je me suis rendue à l’évidence. Plus je tombais amoureuse, plus je me retrouvais seule. En éternelle pénurie de caramel. En attente. Et je commençais sérieusement à me demander si l’homme avec un grand H existait vraiment. J’avais parfois envie de douter.
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Une série de Danielle Goyette et Mathieu Benoit
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