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EAN : 9782845974722
112 pages
Textuel (25/09/2013)
3.88/5   4 notes
Résumé :
Sommes-nous entrés dans une phase de populisme, comparable aux années 1930, susceptible de mettre en péril la démocratie ? Dans cet entretien avec Régis Meyran, Raphaël Liogier décortique les ingrédients originaux du populisme actuel, nourri par le sentiment de frustration collective qui contamine une Europe, France en tête, définitivement déchue de sa prééminence mondiale. Le populiste s'exprime au nom du peuple tout entier pour le sauver de la chute annoncée, écha... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Contre le théâtre paranoïaque, analyser les rapports sociaux

Pour Raphaël Liogier « Parler au lieu et place du peuple tout entier, voilà ce qu'est le populisme », et l'auteur souligne aussi « le ton imprécatoire et mystique » souvent utilisé ou le mythe d'une communion avec « la vérité populaire »

Les discours « populistes » se déploient, me semble-t-il, dans la simplification et la mystification des réalités, contournent, lorsqu'ils ne les nient pas, les rapports sociaux réellement existants. Les crises systémiques (économique, sociale, de représentation politique et de nos rapports à l'environnement) et l'absence de politique d'émancipation crédible et à vocation majoritaire libèrent des espaces politiques où s'épanouissent des réponses nationalistes, sectaires, religieuses, d'extrême-droite, « populistes », sans oublier les tentations fascistes, qui ne pourront être tenues pour négligeables dans un avenir proche.

Discours au nom du « peuple ». Comme le souligne l'auteur « le peuple n'est rien et il est tout à la fois, partout et nulle part, pourtant chacun semble savoir de quoi l'on parle. L'image fantomatique et omniprésente du Peuple passe par une certaine indétermination, par le flou de sa définition, qui le rend insaisissable et permet de rassembler en son nom, au-delà des distinctions idéologiques classiques, et d'insuffler même une étrange atmosphère d'unanimisme ». En somme, un « nous » artificiellement construit et une vision « manichéenne du monde ». Je partage l'idée qu'il ne s'agit pas seulement d'une posture contestataire mais que « le populisme consiste justement à sortir de la logique de la contestation émanant des marges extrémistes, que ce soit de l'extrême-droite ou de l'extrême-gauche ». Sauf que l'acceptation, par l'auteur, de parallèles entre extrême-droite et extrême-gauche me semble d'une rhétorique faible ou simpliste, et interroge sur son propre point de vue politique.

Quoiqu'il en soit, Raphaël Liogier analyse la place centrale de « l'ennemi omniprésent » dans ces discours : « c'est le Juif dans les années 1930, qui tire les ficelles en secret, dirige le monde, qui est inférieur mais, en même temps, malin, subtil, veule. Aujourd'hui, le musulman a pris la place du Juif ». Il ajoutera, plus avant dans livre que « Nommer sa souffrance, lui donner une circonférence (au demeurant complément chimérique), permet de soulager un peu l'angoisse ».

L'auteur souligne, entre autres, la « suspension du jugement et du regard critique », dimension qui me semble dépasser « le populisme », la notion de l'« âme du peuple » qui me semble caractériser presque tous les nationalismes, la « majorité quantitative » qui « se considère comme minoritaire ». A très juste titre, il montre le renversement construit « les minorités, mêmes les plus faibles objectivement, peuvent être vues comme surpuissantes et toujours plus nombreuses que ce que les apparences pourraient laisser croire ».

L'auteur traite aussi de l'idée du « tous pourris », des « élites corrompues ». Sa dénonciation aurait été autrement plus forte, s'il avait relié sa critique aux mécanismes de corruption bien réels, à la critique de la place auto-attribuée des « élites » ou aux mécanismes institutionnels de confiscation du pouvoir.

Et j'aurais été plus satisfait si les points forts de ses réflexions sur l'antipopulisme avaient innervé la totalité des analyses : « L'antipopulisme se refuse à admettre l'existence d'une entité unique, un bloc total, qui serait « le peuple », dans lequel justement se confondraient – et disparaîtraient ! – les reliefs, les antagonismes, les intérêts multiples et contradictoires de la population », ou des groupes sociaux en rapports asymétriques les uns par rapport aux autres.

Il me semble que Raphaël Liogier schématise le sens des causalités lorsqu'il écrit « L'ambiance populiste actuelle agit comme un acide qui dissout ce qui est constitutif de nos démocraties… » et non que les politiques menées dissolvent les possibles démocratiques et favorisent les discours « populistes » qui renforcent la dissolution, etc.

Plus intéressantes me semblent ses réflexions sur la laïcité, à lire en complément le texte de Christine Delphy et Raphael Liogier : (http://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2013/07/06/nouvelle-laicite-ou-ordre-moral%E2%80%89/), les lois d'exception, la politique modelée par le marketing…
Reste que le terme « populisme » ne me paraît pas adéquat à clarifier les formes politiques qui peuvent se développer lors des crises systémiques du mode production et de reproduction et notamment celles que nous vivons. Peu ancré dans les contradictions des rapports sociaux, le terme reste surtout descriptif et masque, au moins une partie, la matérialité, l'épaisseur des relations sociales et politiques.

Je signale, sans m'y attarder, une série de divergences avec les propos de Raphaël Liogier, entre autres, sur le Front National « Marine le Pen aujourd'hui n'est plus un leader d'extrême-droite, elle qui se dit anticapitaliste », l'auteur reprendra plusieurs fois le terme anticapitaliste pour caractériser le « coeur du discours frontiste », sur la soit-disant idéologie de défense des intérêts du prolétariat par le PCF, sur « le sentiment de frustration collective », sur le niveau d'inflation depuis le passage à l'euro, sur la simple caractérisation de caudillo pour Hugo Chavez au Venezuela, sur la « crise identitaire » comprise comme « crise symbolique », sur la soit-disant moindre tolérance du système actuel des liens entre politique et argent, sur son appréciation du Non à la Constitution européenne, sur la Terreur comme première expérience totalitaire, sa préférence pour un État fort, sa défense d'un certain « libéralisme » non vraiment défini, etc.

Au delà de divergences, un livre qui donne un éclairage intéressant sur quelques formes politiques dangereuses, y compris à gauche, actuellement en plein essor, et qui pourraient se transformer en forces politiques encore plus agressives, plus antidémocratiques avec l'approfondissement de la crise socio-économique. Sans oublier les violences, déjà à l'oeuvre quotidiennement, contre des populations Rroms, des musulman-ne-s ou considéré-e-s comme tel-les, des homosexuel-es et les femmes (pas une nouveauté mais une caractéristique des rapports sociaux de genre).

Je termine cette note par une dernière citation qui souligne une réalité mais aussi l'ambiguïté de l'appréciation : « Quand de plus en plus de politiques prétendent ne pas être vraiment des politiques, c'est le signe que nous sommes immergés dans une atmosphère populiste »

Des débats donc à poursuivre, non seulement sur les analyses mais sur les réponses concrètes à construire et sur l'horizon espéré.
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critiques presse (1)
NonFiction
03 février 2014
Le lecteur pourra cependant regretter quelques digressions dans le cours de la conversation, qui ne favorisent pas la fluidité de l’argumentation.
Lire la critique sur le site : NonFiction
Citations et extraits (3) Ajouter une citation
▪️ Un populiste n'est alors ni plus ni moins qu'un démagogue ?
___
Absolument pas. (…) Le mot 'démagogie' n'est pas synonyme de 'populisme'. La 'démagogie' c'est tenter de séduire le plus possible de gens, cette tentation existant dans tout régime démocratique et visant à caresser les gens dans le sens du poil, à répondre à leur désir : c'est ce que Habermas appelle le 'marketing politique'. Le démagogue ne parle pas forcément au nom du Peuple, il cherche seulement à donner des avantages aux uns et aux autres pour se faire bien voir. Le populiste, lui, s'exprime au nom de l'esprit du Peuple, de la majorité brimée, qui serait réduite au silence, étouffée, dont il se fait le héros (il ose se lever en son nom contre le mal omniprésent, contre la corruption) et le héraut (le porte-parole).
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Le peuple n’est rien et il est tout à la fois, partout et nulle part, pourtant chacun semble savoir de quoi l’on parle. L’image fantomatique et omniprésente du Peuple passe par une certaine indétermination, par le flou de sa définition, qui le rend insaisissable et permet de rassembler en son nom, au-delà des distinctions idéologiques classiques, et d’insuffler même une étrange atmosphère d’unanimisme
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L’antipopulisme se refuse à admettre l’existence d’une entité unique, un bloc total, qui serait « le peuple », dans lequel justement se confondraient – et disparaîtraient ! – les reliefs, les antagonismes, les intérêts multiples et contradictoires de la population
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Vidéo de Raphaël Liogier
Intervenants : Julie Clarini, Olivier Gazalé, Raphaël Liogier, Phia Ménard CC-BY-NC-ND 2.0 Que ce soit dans la série d?albums dédiée à Pascal Brutal comme dans ses films, Les beaux gosses et Jacky au royaume des filles, Riad Sattouf a joué sur les stéréotypes de la virilité pour les questionner. Depuis quelques années, le mythe de l?éternel masculin est interrogé au travers des études sur le genre. Récemment, l?affaire #MeToo a sévèrement remis en cause les présupposés hégémoniques et violents du sexe fort. le masculin implique-t-il des codes et lesquels? Peut-on distinguer masculinité et virilité? L?injonction virile a-t-elle un coût aussi pour les hommes ?
+ Lire la suite
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