Par manque d'imagination et d'empathie, par leur bêtise et leur inculture, par leur incapacité à projeter et se projeter, par leur cynisme et leur médiocrité, nos "gouvernants" sabotent un régime démocratique déjà fragile et abîmé. Leur rôle serait de servir l'intérêt général et non de voler au secours des intérêts particuliers qui les financent, qui les conseillent et les influencent.
Ce sont plusieurs fois par jour que celles et ceux qui devraient éclairer, nourrir le débat et montrer l'exemple prennent ouvertement leurs concitoyens pour des imbéciles. Au lieu de parler et d'affronter l'essentiel (la destruction des services publics et l'explosion des inégalités sociales), ils amusent la galerie par des polémiques stupides, des punchlines indignes ou des propositions insensées.
Être plongé au quotidien dans un tel bruit, dans une telle suite de mots incohérents, de décisions absurdes et d'inactions coupables est plus qu' éprouvant. (...)
On reconnaît là une tactique éprouvée de l'extrême droite américaine qui, par la voix de Steve Bannon, conseiller de Trump et orateur recherché au FN/RN, expliquait élégamment qu'il fallait "noyer les gens dans la merde" (sic) pour qu'ils ne sachent plus quoi faire ni à quoi réagir, version scatologique de l'écran de fumée dont son maître, twitteur compulsif, usait à merveille.
L’été 2022 n’aura représenté, à l’échelle de l’hémisphère Nord, qu’un été de plus, une énième confirmation de ce que nous savons depuis plus de trente ans, depuis le premier rapport du GIEC ; une répétition de ce que nous expérimentons depuis 2018.
Le dérèglement climatique n’est plus une abstraction, mais une dévastation (500 000 hectares de forêts brûlées en Europe occidentale), chaque année plus importante. En ce sens il ne surprend plus, ne nous apprend plus rien, mais il touche, au sens physique et émotionnel, des pans toujours plus vastes de la population : la tristesse, l’effroi et le désarroi dominent, qui peuvent déboucher, au plan psychique, sur des accablements bien compréhensibles et, au plan politique, sur une colère qui peut confiner à la rage.
Rien n'est logique, tout est contradictoire et sophistique: c'est un signe des aberrations d'un système productif et de consommation dont les défenseurs, qui se radicalisent, vont aller toujours plus loin dans l'outrance et le mensonge, à mesure que la réalité géoclimatique, agricole, forestière, infligera des démentis toujours plus violents et douloureux à leurs délires.
Vouloir aménager et manager la catastrophe est une erreur. Il faut changer radicalement, c'est-à-dire en commençant par la racine, les mots et les imaginaires. Peut être faut-il interroger et répudier une certaine mathématisation du monde qui n'envisage la vie que sous le jour, sombre, pollué, du calcul maximisateur, un calcul froid et tranchant, sans imaginaire et sans rêve, qui arraisonne tout à la satisfaction d'une utilité.
Un ministre a souligné que la suppression des jets privés détruirait des emplois : en abolissant la peine de mort, on a aussi supprimé des dizaines d'"emplois".
L'emploi, le salariat, l'économie en général ne sont rien en soi : il faut s'interroger sur leur sens et sur leur contenu moral, social, humain. Faciliter les caprices d'un milliardaire quelconque qui brûle du kérosène et les territoires qu'il survole sans même les voir n'a aucun sens. C'est de la pyromanie. A suivre ce raisonnement, félicitons les incendiaires qui ajoutent l'étincelle décisive aux grille-pains que sont devenues nos forêts : ils font travailler les pompiers, les journalistes et les psychothérapeutes. Eux aussi créent de l'emploi, de la richesse et du PIB.
Table ronde, carte blanche aux Presses universitaires de Lyon
Modération : Julien THÉRY, directeur scientifique des Presses universitaires de Lyon
Avec Johann CHAPOUTOT, professeur à Sorbonne Université, Éric VUILLARD, écrivain, lauréat du Prix Goncourt 2017
À l'occasion de la réédition des écrits politico-théologiques majeurs de Thomas Müntzer (1490-1525) dans une magnifique traduction signée Joël Lefebvre, les Presses universitaires de Lyon invitent à découvrir ce penseur méconnu en France, alors qu'il fut l'un des principaux artisans de la Réforme protestante. Prédicateur de talent, partisan de Luther de la première heure, Müntzer prend toutefois rapidement ses distances et assume des positions bien plus radicales : il prône la fin de l'oppression culturelle entretenue par les doctes et les clercs, la fin de l'oppression politique instituée par les princes, la fin de l'exploitation économique dont profitent les seigneurs. Il rejoint bientôt un mouvement de révolte, qui donnera naissance à la “guerre des Paysans”, et devient l'un des chefs de la rébellion, appelant à une révolution à la fois spirituelle et matérielle. Rapidement capturé, il est torturé puis exécuté. À travers la traduction de sept textes fondateurs et d'une vingtaine de lettres, Joël Lefebvre met en lumière l'intérêt à la fois philosophique, historique et linguistique de l'oeuvre de Thomas Müntzer. Les préfaciers de cet ouvrage, l'historien spécialiste de l'Allemagne Johann Chapoutot et l'écrivain Éric Vuillard, auteur d'un livre récent inspiré par l'action de Müntzer, évoqueront la portée de ses écrits dans une discussion animée par Julien Théry, directeur scientifique des Presses universitaires de Lyon et historien des relations entre religion et politique.
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