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EAN : 9782253156505
264 pages
Le Livre de Poche (23/04/2014)
4.42/5   6 notes
Résumé :
Dans l'Antiquité, christianisme et philosophie se font face comme deux voies d'accès à la vérité : l'une, par le moyen de la foi, l'autre, par la recherche rationnelle. Les rapports du christianisme et de la philosophie sont cependant plus complexes. Les néoplatoniciens accordent une place grandissante aux éléments extra-rationnels et en viennent à ne plus considérer la raison comme la seule voie d'accès au savoir. Inversement, les chrétiens reconnaissent une certai... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Ce livre traite des rapports du christianisme avec la philosophie païenne dans l'Antiquité principalement. L'auteur a proposé par ailleurs un MOOC sur la même thématique, comme je l'ai suivi en parallèle à ma lecture de l'essai, j'aurais sans doute un peu de mal à séparer les deux dans mon commentaire. En général, le livre développe un peu plus certains points, et donne tout particulièrement des extraits d'un certain nombre de textes, mais sur certains aspects, le cours en ligne est peut-être un peu plus détaillé (l'histoire des débuts du christianisme en particulier).

L'ouvrage est destiné vraiment à tout public ; même en ne connaissant rien au sujet, il est possible de le comprendre et de le suivre sans problème. En effet, les éléments nécessaires à la compréhension du sujet sont précisés, succinctement, mais avec une grande clarté, qu'il s'agisse de l'histoire du christianisme, ou de la philosophie à l'époque dont traite le livre. Lorsqu'une notion, qui ne relève pas d'une culture générale de base apparaît, elle est précisée, ce qui évite d'avoir à chercher ou à décrocher. En dehors donc du sujet à proprement parlé, nous avons un panorama du christianisme antique (de la constitution du corpus biblique par exemple, ou des différents courants du christianisme etc) synthétique mais précis, d'un point de vue global de la philosophie de l'antiquité dans les premiers siècles de notre ère, un aperçu de l'histoire antique à la même époque également, dans la mesure où cela est indispensable pour comprendre le sujet traité.

Les rapports du christianisme et de la philosophie, sont abordés selon plusieurs angles complémentaires. D'abord sont abordés les textes chrétiens qui attaquent la philosophie, et d'une façon plus générale, la culture grecque. Dans un deuxième temps, les traités philosophiques qui attaquent le christianisme sont passés en revue. Les réponses des chrétiens à ces traités sont ensuite abordées. Enfin, nous avons des développements sur une forme de la reconnaissance de la philosophie par certains chrétiens, qui lui accordent de contenir une part de vérité et d'utilité, même si elle est inférieure à la Révélation, elle peut mener au christianisme, et aider à résoudre un certain nombre de difficultés posées par les textes bibliques. Inféodée à la foi, transformée par le but qui est lui assigné au service de celle-ci, elle mérite d'être connue, pratiquée et préservée, tout au moins, dans les écrits jugées compatibles avec le christianisme.

Le livre s'oppose donc à l'idée d'une hostilité systématique et destructrice du christianisme vis-à-vis de la philosophie antique. Il propose plutôt une vision dans laquelle les chrétiens antiques, éduqués dans la culture grecque, et pour certains d'entre eux ayant eu une approche de la philosophie, ont forcement été influencés par leur culture d'origine, et en ont intégré une partie dans leur nouvelle religion. du moment où, à partir de l'Assemblée de Jérusalem, il est décidé que les convertis païens ne seront pas astreints au respect total des lois judaïques (circoncision, interdits alimentaires etc), les chrétiens d'origine juive deviennent rapidement minoritaires dans la communauté. Et ce renouvellement de l'origine culturelle des croyants change forcément le christianisme, un symbole fort en est le fait que ce que le Nouveau Testament ait été rédigé en grec dans la deuxième moitié du Ier siècle et au début du IIe siècle. Au-delà d'un rejet parfois fortement exprimé par certains chrétiens (mais cette expression peut-être aussi un élément de différenciation ou de communication) de la philosophie, il convient de voir plus en détail la façon dont elle a pu être intégrée et utilisée, de façon ouverte ou plus souterraine.

Et la philosophie antique païenne suit à l'époque des changements qui la rapproche du christianisme : un certain nombre de courants philosophiques se rapprochent, une forme d'irrationnel provoque de plus en plus d'intérêt, la théologie devient essentielle, et l'exégèse devient une activité philosophique qui gagne en importance. Mais S. Morlet écarte l'idée que cela aurait pu être provoqué par le christianisme, entre autres raisons parce que ces tendances sont apparues avant le moment où le christianisme avait pris suffisamment d'importance pour pouvoir les provoquer : il s'agit plutôt du fait que la philosophie et le christianisme appartenaient à la même sphère culturelle et il est donc normal qu'ils se rejoignent sur un certain nombre de points.

Les philosophes ont en réalité peu réagi au christianisme, seulement 4 traités semblent avoir été écrits pour s'attaquer à cette religion montante, même s'il est évident qu'à partir de sa reconnaissance par les empereurs devenus chrétiens, il n'était plus vraiment possible de polémiquer. Mais plus globalement, j'ai eu la sensation qu'entre la quasi disparition progressive des écoles autres que la néoplatonicienne, l'importance de l'exégèse et de la théologie, que la philosophie de la fin de l'antiquité semble se replier sur elle-même, qu'elle manque de dynamisme, d'idées fortes et nouvelles, d'un véritable d'élan. Comme si les personnalités et intellects brillants se dirigeaient, après avoir parfois essayé la philosophie, vers le christianisme. Il est difficile d'expliquer pourquoi une façon d'appréhender le réel, de donner sens au monde, prend le pas sur les autres à une époque donnée, au point de devenir une évidence, avant de céder à un autre moment la place à une autre, qui semble aussi aller de soi ; on ne peut que constater le fait.

L'ouvrage de S. Morlet aborde toutes ces questions (et d'autres que je ne peux détailler) avec toutes les précautions et toute la rigueur méthodologique possibles : il s'agit de comprendre, en partant des sources connues, des faits avérés, avec le maximum d'objectivité et de neutralité. Les religions, dont le christianisme donnent souvent lieu à des débats passionnels, à des instrumentalisations de toutes sortes, à des polémiques virulentes. Ici nous sommes dans une démarche qui se veut à l'opposé de tout cela.

C'est passionnant de bout en bout, écrit dans un langage extrêmement précis, chaque mot semble pesé, choisi comme le plus judicieux, la construction d'ensemble est d'une grande cohérence, visiblement très pensée. C'est une synthèse remarquable sur un sujet à priori complexe, et qui semble ici couler de source. Cela donne envie d'approfondir le sujet, ce que la bibliographie, très fournie, peut permettre facilement.
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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
Le cas de la citation prêtée à Tertullien fournit un bon exemple des malentendus qui circulent, depuis longtemps, sur l’« antirationalisme » chrétien. Peut-être suffirait-il de dire que ce mot n’est pas de Tertullien. Que de fois, pourtant, cette petite phrase a-t-elle été citée pour dénoncer le fidéisme chrétien !
Elle est en réalité la déformation d’un passage du traité Sur la chair du Christ (5, 4 : credibile est, quia ineptum est) et ne constitue en aucun cas une maxime générale contre la philosophie. Dans le contexte duquel on veut tirer ce passage pour lui faire dire autre chose que ce qu’il dit, Tertullien ne polémique pas avec les philosophes, mais avec un autre chrétien, Marcion. Dans le développement en question, le Latin accuse Marcion de nier la réalité de la Passion et d’être ainsi en contradiction avec les données essentielles de sa propre foi. La phrase intervient dans un débat entre chrétiens, et non dans la polémique d’un chrétien contre la philosophie. Elle est liée explicitement, dans les lignes qui précèdent, au texte de la Première Épître aux Corinthiens (3, 18-20) : la folie, qui est sagesse devant Dieu. Non d’ailleurs pour magnifier la folie contre la raison, mais pour justifier une théologie qui ne soit pas « indigne de Dieu » (5, 3), qui ne limite pas la puissance de Dieu à ce qu’on peut raisonnablement en concevoir (3, 1). Ce que Tertullien veut dire, c’est que la mort de Dieu est crédible justement parce qu’elle dépasse notre entendement. C’est un paradoxe, certes, mais on va trop vite lorsqu’on veut y voir une attaque générale contre la raison.

Préface
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Dans l'Antiquité, pendant au moins les trois premiers siècles, les chrétiens sont d'abord en butte à des accusations "populaires" de la part des païens. On les accuse de pratiquer l'inceste, de mener une vie de débauche, de se livrer à l'anthropophagie (malentendu fâcheux autour du rite eucharistique, semble-t-il). Mais parallèlement à ces accusations, naît, peut-être dès la fin du Ier s., une critique philosophique du christianisme.
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Depuis la France, deux épisodes semblent avoir particulièrement marqué les esprits. Le 12 septembre 2006, le pape Benoît XVI prononça un discours à Ratisbonne sur le thème des rapports entre foi et raison. Il y défendit la thèse des racines à la fois grecques et chrétiennes de l’Europe, présentant le christianisme comme le produit d’un « intime rapprochement mutuel […] qui s’est réalisé entre la foi biblique et le questionnement philosophique grec ». Ce rapprochement, pour Benoît XVI, définissait « le fondement de ce que, à juste titre, on appelle l’Europe ».
En 2008, Sylvain Gouguenheim, professeur d’histoire médiévale à l’ENS de Lyon, fit paraître au Seuil un ouvrage intitulé Aristote au Mont-Saint-Michel. Les racines grecques de l’Europe chrétienne. Il essayait de montrer que, contrairement à une idée largement admise, l’Europe n’aurait pas eu besoin d’attendre l’apport de l’islam pour redécouvrir Aristote : la pensée d’Aristote aurait fait son chemin dans l’Europe chrétienne tout au long du Moyen Âge. Cette analyse tend à minorer le rôle des Arabes dans la transmission de l’hellénisme dans l’Europe chrétienne, et donc à rapprocher considérablement hellénisme et christianisme.

Ces deux textes provoquèrent des réactions très vives dans la communauté intellectuelle. Animés par le souci de réagir à des thèses qui leur paraissaient excessives, certains auteurs dénoncèrent la liaison qui était ainsi posée entre christianisme et hellénisme et, en définitive, entre foi et raison. Ils insistaient sur la dimension fidéiste de la religion chrétienne, et sur le rôle accessoire, voire inexistant, qu’y aurait joué la raison. Les chrétiens de l’Antiquité ne considéraient-ils pas la philosophie comme une science étrangère ? Et n’attribue-t-on pas à Tertullien les mots : « je crois, parce que c’est absurde » (credo, quia absurdum) ?

Préface
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Dans l'esprit de certains auteurs chrétiens de l'Antiquité, il y a donc un lien entre la contradiction supposée de la philosophie et son origine non divine. Si elle était un don de Dieu, la philosophie ne serait pas contradictoire. Et si elle l'est, c'est que les philosophes n'ont pas profité d'un don divin.
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Que l’on soit croyant, agnostique ou athée, le christianisme des origines fascine. On ne compte plus les ouvrages ou les séries documentaires qui le prennent pour objet. Chaque fois, le succès est garanti. Chaque fois, le sujet déchaîne les passions.
Cette curiosité a pris une actualité nouvelle depuis les événements du 11 septembre 2001. Ces événements sont à l’origine d’une crise profonde de la conscience européenne, d’une crise d’identité. Outre-Atlantique, l’agression que les États-Unis venaient de subir apparaissait à beaucoup comme la confirmation de l’existence du « choc des civilisations » théorisé par Samuel P. Huntington seulement cinq ans plus tôt. En Europe, et singulièrement en France, la question du rapport à l’islam amena un débat sur les « racines » culturelles de l’Occident. L’Europe, la France ont-elles des racines chrétiennes ? Ont-elles des racines grecques ? Ces deux thèses s’excluent-elles mutuellement ? Quel est le lien entre christianisme et hellénisme ?

Préface
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Lire un extrait
Video de Sébastien Morlet (1) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Sébastien Morlet
Rencontre à la Librairie Guillaume Budé le 16 octobre 2019, avec Gilles Dorival, Alain le Boulluec et Sébastien Morlet.
Marguerite Harl, Origène et la fonction révélatrice du Verbe incarné : https://www.lesbelleslettres.com/livre/4007-origene-et-la-fonction-revelatrice-du-verbe-incarne Gilles Dorival et Alain le Boulluec, L'Abeille et l'acier. Clément d'Alexandrie et Origène : https://www.lesbelleslettres.com/livre/4003-l-abeille-et-l-acier Sébastien Morlet, Symphonia. La concorde des textes et des doctrines dans la littérature grecque jusqu'à Origène : https://www.lesbelleslettres.com/livre/4008-symphonia.
+ Lire la suite
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