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Dominique Petit (Traducteur)
EAN : 9782864243045
160 pages
Editions Métailié (02/04/2004)
3.97/5   90 notes
Résumé :
En racontant son enfance en Mongolie, dans le Haut-Altaï, Galsan Tschinag transporte le lecteur dans un monde fascinant où les coutumes séculaires des mongols cohabitent tant bien que mal avec un régime communiste. Un texte court et simple au charme subtil qui nous introduit dans des relations avec la nature, les dieux, la famille ; un auteur contemporain dont le livre s'inscrit dans la lignée de Dersou Ouzala.


" Galsan Tschinag ne déverse pas... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (34) Voir plus Ajouter une critique
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Vous aimeriez vous lancer dans une aventure touchante et dépaysante ? le ciel bleu est le roman parfait pour vous. Son auteur Galsan Tschinag y raconte son enfance nomade dans les steppes de Mongolie, au milieu des années 1950. C'était une vie de transhumance, à se déplacer selon les pâturages et les saisons, et tout ce qui vient avec : s'occuper des troupeaux de moutons, monter et démonter les yourtes (tentes), s'amuser avec ses frères, soeurs et cousins, connecter avec sa grand-mère, faire des rencontres inattendues, etc.

C'est la seule vie qu'a connue le narrateur, qui a à peine cinq ans au début de l'histoire. Puis il est séparé de sa fratrie, envoyée à l'école à la ville. Il est maitnenant seul et doit se charger seul des tâches restantes. Mais ce n'est pas grave, la vie dans les steppes est synonyme de liberté et Galsan Tschinag réussit très bien à la dépeindre puis à me la faire aimer. Bon, je ne crois pas que je pourrais sérieusement abandonner le confort de mon foyer mais je serais curieux de tenter l'expérience pendant un laps de temps déterminé, pas trop long.

Dans tous les cas, le roman m'a apporté une dose appréciable d'exotisme, de cette existence entre ciel et terre, loin de tout repère. Pendant ma lecture, je me prenais à m'imaginer au grand air, à m'occuper de moutons, ou bien à m'installer dans une yourte et à boire du thé à côté du fourneau. Ainsi, c'est aussi un voyage initiatique auquel le lecteur a droit. C'est que le jeune narrateur grandit un peu, il doit faire face à des difficultés car la vie dans les steppes peut paraître simple mais elle n'est pas si facile. La perte de chaque animal (que ce soit dû à un renard affamé ou au grand froid) se fait ressentir, celle de membres de la famille aussi.

Au-delà des sujets abordés, le ciel bleu est une lecture agréable et facile. le roman est plutôt court, environ cent-cinquante pages, donc se lire rapidement. Puis, tous les mots propres à la culture mongole sont définis en bas de page et réunis dans un glossaire à la toute fin. Lisez-le, vous serez émerveillés !
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J'ai posé mes valises en Mongolie en compagnie de Galsan Tschinag. Dans ciel bleu, il nous raconte ses souvenirs d'enfances dans les plaines de Mongolie. C'est une totale découverte pour moi et j'ai beaucoup apprécié ce court récit.

Si au début, tout est merveilleux pour cet enfant : la vie avec sa famille, les ballades avec son chien très vite tout bascule quand ses frères et soeurs doivent être scolarisé en ville. Puis c'est sa grand-mère qui disparaît.

On découvre d'autres coutumes et croyances, un autre mode de vie dans les yourtes. Bref c'est on ne peut plus dépaysant.

J'ai beaucoup aimé l'écriture de l'auteur et je pense sortir très vite ses autres romans de ma PAL.
Lien : http://missmolko1.blogspot.i..
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À travers les yeux d'un enfant, on est immergé dans le quotidien d'un clan touva, peuple nomade qui vit de l'élevage dans les montagnes enneigées de Mongolie. Ce livre fourmille de petits détails sur leur culture, traditions, savoir-faire et mentalité. 

Ce billet va divulguer des éléments de l'intrigue. Mais il s'agit davantage d'un livre à ambiance immersive que basée sur des rebondissements d'intrigue. Vous pouvez le lire sans problème si vous n'avez pas encore lu ce livre, mais soyez tout de même prévenus.

Parmi les éléments culturels, on apprend par exemple qu'ils se saluent solennellement en reniflant leurs odeurs.
On nous donne quelques recettes, leur manière de préparer le thé, une bouillie pour animaux, et de chauffer des pierres sous la cendre du foyer afin de les emporter lors des longues journées passées dans les hautes plaines à surveiller le bétail.
Pour un peuple nomade, chaque bien est une charge à transporter. On comprend donc la préciosité de chaque objet en raison de leur faible nombre, et notamment le rôle social important du fait de posséder sa propre yourte.
On découvre aussi que le sel est extrêmement rare et s'échange cher au troc, et qu'il est vital pour de nombreuses utilisations. Parmi ceux qui sont partis en chercher, personne n'en a jamais trouvé. Cela a donné l'expression « aller au sel » qui signifie « mourir » de manière à ce que les enfants ne comprennent pas.
La narration a parfois l'air un peu cru lorsqu'elle décrit des choses qui nous semble sales dans notre société aseptisée, mais qui sont normales lorsqu'on vit au contact constant de la nature.
Enfin, il y a les prières adressées au Ciel qui semblent concerner la prospérité des affaires de la vie quotidienne, et celles à la Terre pour les morts.
Tous ces éléments culturels font de ce roman autobiographique une lecture vraiment dépaysante. En tant que lectrice occidentale et sédentaire, j'ai été frappée de découvrir un mode de vie aussi éloigné du mien par tant d'aspects, ce qui fait prendre beaucoup de recul sur notre « modernité » et ce qui nous paraît important.
C'est d'ailleurs un des messages qu'adresse le livre : il faut considérer les autres comme des humains, et non se concentrer sur les différences.

Le narrateur n'étant encore qu'un enfant, on découvre presque en même temps que lui la vie à l'aïl (le campement de yourtes rassemblant plusieurs familles). L'auteur retranscrit de manière très réaliste les pensées d'un petit homme de six ou huit ans.
Le narrateur questionne parfois des éléments de sa propre culture. Par exemple, les rêves agréables ou mauvais ne doivent pas être racontés selon la mère du narrateur. Puisqu'il a pourtant entendu certaines personnes en raconter, il en conclut que c'est qu'ils doivent être ni agréables ni mauvais. C'est de la pure logique enfantine et c'est vraiment mignon car son raisonnement tout à fait correct amène à une conclusion fausse, puisqu'il n'a pas remis en question l'hypothèse de départ, obéissant et croyant sur parole tout ce que lui dit sa mère.
Cela pourrait être juste mignon, mais comme on va le voir, cette logique d'enfant va amener des thèmes beaucoup plus profonds par la suite.

Au détour de conversations entendues, on apprend en même temps que le narrateur des mots en langues touva et mongole. Tout comme lui, on se demande ce qu'il signifient. Il émet des hypothèses et parfois se forme une vision décalée par rapport au sens que leur donnent les adultes.
Notamment, le narrateur entend qu'un de ses ancêtres était un bal, ce qui a tout l'air d'être un statut social élevé. On apprend que ce mot désigne un éleveur riche, qui aurait mille bêtes dans son troupeau. le narrateur dit vouloir devenir lui-même un bal, mais son père lui rétorque que ce n'est plus possible désormais, que les temps ont changé. C'est donc un mot qui existe encore, mais qui désigne tout un pan du monde qui n'existe déjà plus : les mots sont des vestiges de cultures.
C'est aussi avec cette réflexion sur les langues que l'auteur arrive à exprimer avec pudeur un sentiment extrêmement puissant. Une fois adulte et ayant appris l'allemand (langue dans laquelle il écrit cette autobiographie romancée), l'auteur écrit qu'il n'y a pas de mot pour « élever un enfant » en langue touva. Et c'est avec ce recul des ans et des langues qu'il a pu se rendre compte de l'importance qu'a eu sa « grand-mère »dans sa vie, mettre des mots sur cela, et et exprimer la douleur de l'avoir perdue.

Le thème de la modernité prend aussi une certaine place dans le récit. Dans les années 1950, dans le contexte de la révolution communiste, il s'opère un changement de mentalités qui crée des dissensions. Il y a désormais ceux qui se considèrent « purultares » (prolétaires) et les autres dont fait partie le père du narrateur. Les purultares abhorrent le principe de salaire, puisque cela revient à se faire exploiter par un patron. Or, l'école est perçue comme ce qui permet d'accéder au salaire. Ceux qui font partir des enfants de l'aïl vers l'école deviennent alors des parias. Il y a donc deux visions de la modernité qui s'affrontent ici : une prônant le communisme, et l'autre la scolarisation.

J'ai particulièrement aimé le style, simple et sensitif. Un passage notamment m'a fait forte impression, avec un effet de style qui évoque un côté shamanique.
Pour donner un peu de contexte à l'extrait : Un jour, le père prépare un piège à loup, en versant du beurre et de la poudre empoisonnée dans les entrailles d'un mouton. le narrateur dit que la couleur jaune-rouge de la concoction lui fait penser à des petits soleils.
Quelques jours plus tard, le narrateur fait un rêve où la neige est bleue et où il voit sa grand-mère (partie au sel) et Arsylan, son chien de berger avec qui il est extrêmement proche. À son réveil, Arsylan court dans la steppe comme à son habitude. le narrateur décrit alors le paysage : « le spectacle était singulier : le soleil d'un rouge aveuglant était collé à la pointe des rochers, il restait en dessous un soupçon d'obscurité et, très haut au-dessus, on voyait le ciel rayonner de clarté. Ciel et terre se découpaient si nettement qu'on avait d'emblée le sentiment d'être entre le jour et la nuit. » (p132-133)
Cette image m'évoque immédiatement des crocs de chiens sur un soleil (donc le piège à loups), et il y a cette dualité prégnante entre jour et nuit, ciel et terre, vie et mort.
Malheureusement, on nous avait bien dit auparavant que le père était un piètre chasseur...

À ma lecture, la fin m'a semblé un peu en demi-teinte. Ce n'était pas tellement que je ne l'appréciais pas, mais je ne comprenais pas exactement quel était le message sous-jacent.
Arsylan meurt donc, empoisonné par la poudre qui provoque la rage. le narrateur en veut à son père d'être certainement déjà en train de penser à remplacer ce chien de berger ; et il en veut à sa mère d'être rassurée que ce ne soit « que » le chien qui soit mort, et que son fils et son mari soient hors de danger. 
Ma première interprétation n'était pas satisfaisante. Je croyais que l'auteur émettait un jugement assez sévère sur les parents en dénonçant leur absence de sentiments pour les animaux, peut-être une critique de la modernité qui déconnecte de la nature.
Et en fait, après réflexion, il y a bien plus que cela. Ce n'est pas l'auteur qui juge ainsi mais lui quand il était enfant, et cela fait toute la différence. le narrateur pourrait adopter ce pragmatisme froid, celui qui aide ses parents à survivre et à protéger leur famille dans ces dures conditions naturelles.
Grandir et devenir adulte, c'est effectivement devenir cet autre être qui renie ce qu'on a été et ce en quoi on croyait (p150). Car en voyant ces nouvelles choses (la mort, les désillusions, les responsabilités), plutôt que de compléter notre vision du monde, nous la remplaçons.
Mais le narrateur pourrait au contraire continuer à considérer son attachement pour Arsylan comme quelque chose d'important, comme l'avait été son attachement pour sa « grand-mère », qui n'était pas non plus réellement de sa famille.
En vérité, le sens que le narrateur donnera lui-même à cette fin, c'est ce qui le définira en tant qu'adulte en devenir. Cela en fait une fin ouverte très intéressante qui appelle à la réflexion : à tout âge, pour nous construire, pouvons-nous nous compléter plutôt que de nous remplacer ?

Cela semble aussi faire écho au shamanisme, qui avait quasiment disparu en Mongolie mais qui a repris un essor dans les années 1990, période où l'auteur devenu shaman a écrit ce livre.
On rencontre quelques shamans au cours du roman, mais on nous dit très peu de choses sur ces personnes et leurs fonctions, si ce n'est qu'elles sont particulièrement respectées voire craintes. Cette lecture a donc potentiellement toute une dimension religieuse mais je n'en connais pas assez sur le sujet pour en dire plus.


En conclusion, « Ciel bleu » est une magnifique histoire, dépaysante, intéressante, mignonne et dure à la fois. C'est donc une chaude recommandation si vous souhaitez découvrir une culture humaine très éloignée de tout ce que vous connaissez.

Une multitude de thèmes sont abordés avec finesse et laisse au lecteur le soin de faire sa propre interprétation sur l'enfance, la modernité, les choses importantes de la vie, la toute-puissance de la nature, la spiritualité, l'importance des mots pour comprendre le monde et soi-même...
Et cette réflexion de fin me reste en tête plusieurs semaines après l'avoir lue.

J'ai eu un réel coup de coeur pour cette culture, ce qui me change de ma fascination pour les cultures nordiques (même si on reste dans les montagnes enneigées !).
Je compte poursuivre ma découverte des peuples nomades, de la Mongolie, et de cet auteur en particulier dont j'apprécie beaucoup le style et les idées.
D'ailleurs, Ciel bleu a une suite : le Monde gris (en allemand : Die graue Erde, « La Terre grise » qui conserve cette dualité Ciel/Terre), où shamanisme et communisme stalinien se heurtent avec encore davantage de violence.
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Nous voilà aux côtés de Galsan qui nous raconte son enfance dans le Haut-Altaï. Une existence rude et exigeante, surtout pour un petit garçon à qui il plairait de jouer toute la journée. Mais chez les Touvas, les plus petits apprennent rapidement en observant leurs aînés. Ils accomplissent les tâches quotidiennes les plus élémentaires du haut de leurs compétences.

Galsan est très proche de sa « grand-mère rasée » si chère à son coeur, qui l'élève chaque jour sans même s'en rendre compte. Il va apprendre à grandir au milieu de traditions séculaires, celle de son peuple, entre les troupeaux, les hivers de plus en plus ardus, les croyances et les esprits, les jalousies et les rancunes entre les familles, et sa grand-mère incomparable et irremplaçable.

Mais plus les années passent, plus de nombreuses questions l'assaillent. Pourquoi tout les enfants ne vont pas à l'école ? Pourquoi son père semble-t-il résigné ainsi ? Pourquoi les choses, soudain ont-elles l'air de changer ? Jamais les rêves de réussite et de félicité n'avaient paru si vains…

Au lieu de jouer et de se divertir, il faut veiller et gérer le troupeau. La peur des loups et des aigles le suivent comme une ombre.

Le lien profond et unique que Galsan ressent pour son chien Arsylang va lui permettre de toujours se sentir protégé et compris. Il a trouvé en lui un compagnon de route, un confident dans les yeux duquel il peut lire comme dans un livre ouvert.

L'importance des sens est omniprésente tout au long des pages. Son émergence la plus surprenante concerne l'odorat. Les gens se reniflent, doivent sentir l'odeur singulière qui caractérise chacun pour mieux s'en imprégner.

Le rapport aux bêtes apparaît parfois comme des plus étranges. Un certain mépris surgit de temps à autre envers les chiens ou les chevaux, sans raison valable, et cela est d'autant plus choquant que l'entièreté de leur existence dépend des animaux. Lorsque Galsan se permet de dire qu'il n'humiliera pas son cheval et qu'il lui maintiendra son respect, cela sous-entend qu'il aurait pu en être bien autrement. Cette espèce d'orgueil mal placé, cette hiérarchie envers les bêtes pourtant indispensables est des plus méprisables. Incompréhensible. Sans parler des jets de pierres à Arsylang qui semblent ne déranger personne outre mesure.
Je n'ai pas pu m'empêcher de faire le lien avec le peuple inuit qui n'use de ses chiens de traîneau que comme de vulgaires outils.

Les responsabilités échues à Galsan sont très lourdes à porter pour un enfant. Il se sent responsable non seulement de son troupeau, d'Arsylang, mais également de ses parents qui ont tant besoin de lui.

Les Touvas vivent avec, pour et grâce à la Nature. Mais tout ce qu'elle prodigue, tout ce qu'elle offre généreusement, la Nature peut le reprendre aisément en un seul coup d'éclat.

Comme toute vie tournée autour du labeur, le quotidien des Touvas reste éprouvant, même s'il est vécu ainsi depuis toujours. Une maladie, une tempête, et tout peut disparaître.

Cet univers particulièrement singulier dans lequel Galsan Tschinag nous plonge est une véritable expérience culturelle. Une immersion si loin de nos vies citadines, et pourtant, les préoccupations les plus profondes, les plus cruciales restent toujours les mêmes. le lien à la famille, à la réputation, à l'économie, à l'éducation… l'importance de respecter la Nature qui nous entoure et à qui l'on demande toujours plus…

Monsieur Tschinag signe un ouvrage intime, courageux, authentique et éprouvant. On ne ressort pas totalement indemne de cette lecture.
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Quel dépaysement !

L'auteur nous raconte son enfance dans les montagnes du Haut-Altaï en Mongolie.
C'est un Touva, peuple nomade d'éleveurs et de chasseurs. Un mode de vie authentique qui dépend de la nature. Il vivent en harmonie avec elle, dans ces grands espaces où le climat peut être rude.
Dans l'aïl, groupement de yourtes, chacun à sa place, même les plus petits participent.
Dshurukuwaa est un petit garçon plein de vie, courageux et fougueux. Il entretien une relation pleine de tendresse avec sa grand-mère Enej ,qu'il s'est choisi et avec qui il veut vivre. Tout deux possèdent un petit troupeau, qu'ils emmènent paître dans la steppe, avec Arsylang, son chien, son meilleur ami et confident. Plus tard il rêve de devenir un «excellent éleveur», comme son grand-pères, il aura au moins mille têtes.
A l'âge de huit ans il devra partir à l'école, à une journée de cheval, comme ses frères et soeurs. Mais il ne le souhaite pas, il préfère sa vie auprès de sa tribu, avec ses traditions et ses rites ancestraux.
Ce récit est un véritable voyage sensoriel.
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Citations et extraits (21) Voir plus Ajouter une citation
Les dents de grand-mère avaient vieilli aussi. Elles n'avaient pas pu vieillir beaucoup plus, car elles étaient toutes tombées. Elle avait arraché elle-même les dernières. Il lui avait fallu tirer longtemps. Elle disait que c'était mieux ainsi, que c'était plus confortable pour elle. Les dents de grand-mère étaient différentes des nôtres, elles étaient jaunies et usées à l'extrémité, mais encore très longues et solides à la racine, on les aurait dites en pierre. Arsylang ne les mangeait pas. J'avais beau les envelopper dans du gras de queue de mouton, il laissait tout le temps tomber la dent alors qu'il tournait avec gourmandise la tranche de gras sur la langue avant de l'avaler. Jamais il n'avait remarqué avant les dents qu'on lui jetait enveloppées dans du gras : ma soeur et mon frère avaient perdu les leurs les unes après les autres et on les avait toutes jetées à Arsylang enveloppées dans une fine tranche de gras. En lui adressant cette supplique : Prends ma vieille dent en échange d'une jeune !
Et effectivement, mon frère et ma soeur avaient retrouvé toutes leurs dents. J'aurais tant voulu qu'Arsylang prenne au moins les dernières de grand-mère en échange de nouvelles. Mais il n'y avait rien à faire et c'est ainsi qu'elle n'a pas eu de dents neuves. (page 45)
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Les rayons du soleil étaient chauds et piquants comme en été. De légères effluves parfumées venaient me frapper les narines, s’en allaient puis revenaient au bout d’un moment. Elles devaient provenir de jeunes pousses de verdure bien que l’œil ne pût en découvrir encore la moindre trace ; Une alouette scintillante comme un petit éclat de glace est arrivée en fendant le ciel bleu et, battant des ailes, elle est restée à la hauteur de perche-lasso; j’aurai aimé qu’elle chante, mais elle était encore muette. Les agneaux chahutaient, jouaient à se faire peur, sautaient sur leurs pattes pour se disperser avec un bruit clair comme un roulement de tambour avant de reformer une mêlée et de reprendre de plus belle leur jeu bruyant.
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Voilà à peu près les idées qui me hantaient. Elles me sont tombées dessus comme des lambeaux de ténèbres, se sont installés au cœur de ma vie, y sont demeurés puis ont disparu un jour subrepticement. Je vivais ma vie, telle qu’elle m’avait été donnée. Ce qui avait été avant était sûrement beau, et j’aimais d’ailleurs m’en souvenir. Mais je n’éprouvais pas le désir de le faire revenir. Je savais sans doute instinctivement qu’il fallait me raccrocher à ce qui me restait encore : le troupeau et le chien.
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"Dans toutes les langues et chez tous les peuples, on affirme qu'il ne faut pas dire du mal d'un mort. Pourquoi ? Être mort est-il un luxe dont seuls les élus peuvent jouir ? Ou bien une peine que seuls les exclus doivent expier ? C'est ce que doit payer chacun pour avoir été, pour s'acquitter du miracle qui préside à chaque naissance." (Métailié - p.17)
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Les dernières années de sa vie, grand-mère a été heureuse. Nous étions l'un à l'autre, nous étions ensemble, nous vivions l'un pour l'autre. Nous formions une petite famille à l'intérieur de la grande. Dans la grande, il pouvait y avoir des accrocs, dans notre petite famille régnait toujours l'harmonie, le petit soleil du bonheur y brillait.
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Videos de Galsan Tschinag (2) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Galsan Tschinag
"J'ai le goût du merveilleux, ce sont des restes d'enfance." C'est avec ces quelques mots de Romain Gary, extrait de "La Nuit sera calme", que nous démarrons ce nouvel épisode de notre podcast. Car il y sera justement question d'éblouissement des premières fois, de cet âge où chaque découverte est un trésor à apprivoiser. D'enfance, en somme.
Pour nous accompagner : nous recevons Valentine Goby, autrice de nombreux romans pour adultes, mais aussi pour la jeunesse. Son dernier livre, "L'Île haute", nous emmène à la rencontre de Vadim, jeune garçon de 12 ans, qui vit à Paris. Nous sommes en 1943 et il est envoyé dans les Alpes. Officiellement pour soigner son asthme, mais surtout pour fuir les Allemands... car il est Juif. Arrivé après un long trajet en train et dans la neige, Vadim découvre la splendeur de la montagne, immensité enivrante qui le rend minuscule.
Au cours de cet entretien, Valentine Goby nous dira comment est née cette envie d'écrire un roman d'apprentissage, et en quoi l'enfance la fascine et l'inspire.
Juste après, nous retrouverons les libraires de Dialogues, Romain, Rozenn et Laure. Ils ont sélectionné pour nous plusieurs romans sur l'enfance et l'émerveillement. 
Bibliographie : 
- L'Île haute, de Valentine Goby (éd. Actes Sud) https://www.librairiedialogues.fr/livre/20859799-l-ile-haute-valentine-goby-actes-sud
- Murène, de Valentine Goby (éd. Actes Sud) https://www.librairiedialogues.fr/livre/18855093-murene-roman-valentine-goby-actes-sud
- L'Anguille, de Valentine Goby (éd. Thierry Magnier) https://www.librairiedialogues.fr/livre/16758956-l-anguille-valentine-goby-thierry-magnier
- Chèr.e moi (éd. Seuil) https://www.librairiedialogues.fr/livre/21362899-cher-e-moi-lettres-a-l-ado-qu-lettres-a-l-ado--collectif-seuil
- Germinal, d'Émile Zola (éd. Folio) https://www.librairiedialogues.fr/livre/843968-germinal-emile-zola-folio
- Les Misérables, de Victor Hugo (éd. Folio) https://www.librairiedialogues.fr/livre/11354695-les-miserables-victor-hugo-folio
- E = mc2 mon amour, de Patrick Cauvin (éd. le Livre de poche) https://www.librairiedialogues.fr/livre/185907-e-mc2-mon-amour-roman-patrick-cauvin-le-livre-de-poche
- Élisée, avant les ruisseaux et les montagnes, de Thomas Giraud (éd. Contre-allée) https://www.librairiedialogues.fr/livre/16687921-elisee-avant-les-ruisseaux-et-les-montagnes-thomas-giraud-contre-allee
- Ciel bleu, de Galsan Tschinag (éd. Métailié) https://www.librairiedialogues.fr/livre/18909888-ciel-bleu-une-enfance-dans-le-haut-altai-galsan-tschinag-anne-marie-metailie
- L'Invention de Louvette, de Gabriela Trujillo (éd. Verticales) https://www.librairiedialogues.fr/livre/18955179-l-invention-de-louvette-roman-gabriela-trujillo-verticales
- le Petit Prince, d'Antoine de Saint-Exupéry (éd. Folio) https://www.librairiedialogues.fr/livre/392754-le-petit-prince-avec-des-aquarelles-de-l-auteur-antoine-de-saint-exupery-folio
- Alice au pays des merveilles, de Lewis Carroll (éd. Folio) https://www.librairiedialogues.fr/livre/8194310-les-aventures-d-alice-au-pays-des-merveilles---lewis-carroll-folio
- L'Étranger, d'Albert Camus (ed. Folio) https://www.librairiedialogues.fr/livre/440374-l-etranger-albert-camus-folio
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