Ce livre de
Martine Magnin, je l'ai déjà lu il y a environ un an et demi, sous un autre titre tout aussi évocateur… Il est aujourd'hui réédité, enrichi d'une préface d'
Anne Catherine Sabas, psychanalyste et psychothérapeute…
Et si je vous racontais tout depuis le début…
Quand
Martine Magnin avait organisé un concours sur Facebook en offrant son livre, qui s'intitulait alors
15 Nuances de mères, aux gagnants(es), j'avais naturellement participé. Je me souviens qu'il fallait laisser un commentaire en définissant en quelques mots quel genre de mère on était. J'avais gagné en affirmant : « je suis une mère indigne, mais attention ! Une BONNE mère indigne… ».
Et j'avais reçu, peu après, ce petit livre très bien écrit dont l'auteure joue avec les mots et les métaphores pour brosser quinze portraits de mères toxiques, nuisibles, toutes en trop ou en pas assez, en « pire et moins pire », en sacralisation ou en démission…
Les récits sont courts, très courts parfois, les titres de chapitres sont très évocateurs. J'en cite quelques-uns, pour exemple, et vous laisse le plaisir de découvrir les autres : « Mère rouge », « Mère trouble », Mère morte », « Mère de glace »… L'humour est au rendez-vous, mais aussi la sensibilité, l'empathie, la distance et la tolérance ; entre l'imperfection et le dérapage, la marche est haute et quand elle est franchie, manquée, que la chute est inexorable,
Martine Magnin évite avec doigté le jugement facile, le ton moralisateur ou condescendant. Elle sait également éviter la caricature.
Il s'agit bien ici de faire une place à ces mères alcooliques, froides, amères, sacrifiées, absentes, démissionnaires, discrètes, invisibles, de substitution, gestionnaires, trop parfaites, autoritaires, exigeantes, perverses, en proie au doute, désorganisées, laxistes, révoltées, en fuite, aveugles, déconnectées des réalités, envahissantes, fusionnelles, retombées en enfance… Cela en fait des nuances ! Les quinze annoncées se subdivisent au gré des ressentis de lecture. Ces mères de fiction, parfois, nous ressemblent un peu ou bien ont fait partie de notre entourage.
Les JE s'entrecroisent, les points de vue se diffractent, les mères parlent de leurs enfants et se souviennent de leurs mères, les enfants témoignent… J'ai été sensible à ce jeu de miroirs, à cet effet causes/conséquences, actions/réaction s; les prises de paroles des enfants m'ont vraiment touchée.
Des interludes sous forme de citations littéraires ou philosophiques donnent un souffle, une respiration à ces textes, permettent de se ressourcer entre deux portraits, de profiter d'une coupure savante, d'une mise en bouche avant de se plonger dans la thématique suivante. Ils sont bienvenus.
Tel quel, quand je l'ai lu en juillet 2018, ce livre était une excellente surprise, à la fois contrepied d'un éloge de la maternité et matière à réflexion.
Je m'interroge aujourd'hui sur ce choix éditorial d'en faire des Colliers de nouilles, en reprenant la symbolique du cadeau fait-menottes pour la fête des mères (rappelons ici que le collier de nouilles est fabriqué par les jeunes enfants en glissant un cordon à l'intérieur de nouilles ou de macaronis crus et parfois peints) ; il est vrai que
Martine Magnin remet aussi les pendules à l'heure concernant cette tradition que je ne savais pas si ancienne… le sous-titre, « magnitude 6.0 » me semble superfétatoire, même si je décode la symbolique des ondes sismiques… Mais je comprends que ces nouveaux titres ont quelque chose de plus politiquement correct que
15 nuances de mères ; là n'est pas l'essentiel.
Disons que je m'intéresse davantage à la nouvelle préface et à l'éclairage qu'elle peut m'apporter.
Personnellement, je trouve qu'il est un peu trop facile de dire que tout est de la faute des mères… Il semblerait cependant que le lien mère-enfant soit indéfectible, que l'imprégnation néonatale soit telle que couper le cordon ne suffise pas à s'en défaire : « nous venons du ventre d'une mère, et cet habitacle a contribué à définir notre premier rapport au monde ».
Il s'agit alors de faire la paix avec son vécu, de comprendre pour aider, pour soigner, de découvrir qui sont les mères pour exister en dehors d'elles, pour s'en « dé-fusionner », pour se recréer… Merci à d'
Anne Catherine Sabas pour cette belle introduction.
Dans l'ancienne ou la nouvelle édition, ce livre est une pépite dont je vous recommande la lecture !
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