Confessions d'un compositeur

« Confessions d'un compositeur » est le texte d'une conférence donnée par John Cage (1912-1992) à New-York en 1948.
La particularité de cette publication par les éditions Allia (2013) réside dans sa présentation : texte original d'un côté, traduction française de l'autre. Très belle idée !
John Cage y raconte son parcours atypique qui l'a conduit à devenir – il n'a pas encore 36 ans – un artiste connu et déjà reconnu. Je dis artiste plutôt que compositeur car, bien que son activité consiste à composer de la musique, sa démarche est très éloignée des concepts scolastiques qui prévalent dans les institutions d'enseignement musical. Sans artifice, il développe en une quarantaine de pages sa vision du monde sonore, de l'homme, de la place de l'artiste dans la société. D'une insatiable curiosité, illustrant magnifiquement, par ses propos et ses actes, l'idée de liberté créatrice, John Cage nous emmène crescendo dans son univers : le son et en particulier celui des percussions. Passant de la narration de moments choisis pour faire comprendre son chemin – par exemple : la naissance somme toute fortuite du piano préparé qui le rendit si célèbre, son goût pour le travail collectif (avec son ami Lou Harrison), ou encore sa collaboration vivifiante avec le monde de la danse (avec Merce Cunningham en particulier) – à des propos plus théoriques comme sa manière de traiter le rythme et la forme, il dévoile en toute simplicité sa quête personnelle (« ... dans quel but écrit-on de la musique ? ») qui l'a conduit à s'intéresser à la psychanalyse (Jung) ou à la philosophie et la mystique chrétienne de l'Orient et du Moyen Âge.
Les dernières pages sont d'une très grande intensité, comme une profession de foi visant à atteindre la sérénité, fustigeant au passage le mercantilisme.
La présente traduction de cette conférence vient fort à propos rappeler ou révéler ce que fut John Cage, l'américain, parfois perçu, encore aujourd'hui, dans certains milieux musicaux européens conservateurs comme un provocateur, voire un fumiste : un homme bien dans son époque, un artiste lucide, un penseur de l'avant-garde de la seconde moitié du 20e siècle dont l'influence fut considérable. Il disait écrire pour ses contemporains, la postérité de son oeuvre ne l'intéressait pas et pourtant elle résiste au temps. Après l'avoir lu, mieux cerné, il reste à écouter ou réécouter ses pièces et à entendre ce qu'il nous dit, de lui, de nous.

Cantus.