Quel ennui ! Heureusement qu'il y avait un peu de fraîcheur avec cet article sur Alphonse Mucha…
Que m'inspire ce numéro ? peu de choses sinon que… peut-être un abonnement à Rustica me serait plus profitable….
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Le gouvernement autrichien lui confie la décoration du pavillon de Bosnie Herzégovine au sein de l’Exposition universelle de 1900. L’artiste en fera un manifeste des aspirations slaves. Voyageant dans les Balkans pour étoffer son propos, il est foudroyé par une ambition : consacrer le reste de son oeuvre à sa nation. Ce sera L’Épopée slave, cycle de vingt toiles monumentales. L’autre vie d’Alphonse Mucha commence, qui va durer trente ans. Pour financer ce programme grandiose, il part six fois aux États-Unis, entre 1904 et 1910, enseigner, vendre, chercher et trouver un mécène, Charles Crane. En 1910, il rentre définitivement à Prague.
Mucha, Tchèque qui avait quitté son pays à 17 ans, avait acquis à Paris une petite notoriété d’illustrateur. La nuit de Noël 1894, alors qu’il corrigeait des épreuves dans une imprimerie, on apprit que la comédienne exigeait avant le jour de l’An une nouvelle affiche pour Gismonda. On dépêcha Mucha au théâtre de la Renaissance. Le résultat laissa dubitatif les imprimeurs mais enthousiasma la diva, (Sarah Bernhardt) qui signa immédiatement avec l’artiste un contrat de six ans, lui confiant la création de ses affiches, ses décors et ses costumes. Et la ville s’enflamma pour ces nouveaux placards, que des mains passionnées allaient jusqu'à découper, nuitamment, pour les collectionner.
Qu’est-ce qui rend le style de Mucha si singulier et si reconnaissable ? L’image d’une femme que sa silhouette et sa chevelure opulente semblent combler d’une allégresse inépuisable, liane ensorceleuse mais bonne fille. Tout en volutes et en halos, couverte de fleurs et de fruits, elle est vierge byzantine, courtisane japonaise, princesse slave. Les emprunts au vocabulaire folklorique sont patents, notamment celui des origines tchèques. Car Mucha, tout parisien qu’il soit, n’a jamais quitté, en esprit, sa terre natale.
Corps tordus, disloqués, engagés dans un âpre combat et bientôt foudroyés. La question reste posée : qu’est-ce qui est à l’oeuvre dans la violence de cette expression, dans la vigueur corrosive de la ligne, dans la sexualité sans fard ? La fulgurance du désir ? Notre désespérante impuissance, notre irrémédiable finitude ? Une certitude : les illusions ne sont pas de mise, la ligne, virtuose, les a balayées. Le questionnement auquel nous soumet la vision de Egon Schiele est parfaitement d’actualité.
La douceur rose
D’où vient ce goût pour les saltimbanques ? On sait que Picasso fréquentait le cirque Medrano, installé à proximité de Montmartre. Mais ses tableaux ne montrent jamais les artistes du cirque en représentation ; Picasso dépeint des scènes de leur vie quotidienne, au repos, en famille, répétant leur numéro. En fait, il peint la vie d’artiste. Le saltimbanque devient une figure de l’Artiste, et du peintre lui-même : pareillement déclassé, en marge de la société, pauvre, venu d’ailleurs et pourvoyeur de rêve… La désespérance bleue le cède désormais à une rêveuse nostalgie ; ces maigres arlequins, ces bateleurs, ces hercules de foire sont absorbés dans des méditations sans joie. Et la faim bleue le cède à une douceur rose, où l’amour a sa part : Picasso, qui a beaucoup fréquenté les bordels, vit maintenant, et pour la première fois, avec une femme, la belle et indolente Fernande Olivier, qui l’accompagnera tout au long de la décennie.