AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Jacques Collin (Traducteur)
EAN : 9782072903311
432 pages
Gallimard (07/10/2021)
3.51/5   50 notes
Résumé :
2000. Ben Matson noue une relation passionnée avec Lilian Viklund. Il ne le sait pas encore mais, dans moins d’un an, la jeune femme aura disparu.
Plus de vingt ans après, le décès de Kyril Tatarov, un scientifique de renom que Matson a jadis interviewé, fait la une des journaux, alors que les débris de ce qui ressemble à un avion sont retrouvés dans l’Atlantique, à une centaine de miles des côtes américaines. Ces deux événements, a priori sans rapport, repl... >Voir plus
Que lire après Conséquences d'une disparitionVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (21) Voir plus Ajouter une critique
3,51

sur 50 notes
5
4 avis
4
10 avis
3
4 avis
2
2 avis
1
0 avis
Ceux qui me connaissent doivent commencer à le savoir : je suis un adepte de Christopher Priest, même si je n'ai pas encore tout lu. C'est donc tout naturellement que je me suis procuré, dès sa sortie, son tout nouveau roman.

Et je dois reconnaitre, à mon grand désarroi, que je suis relativement déçu.

Le thème est pourtant fortement intéressant car traitant du plus gros événement médiatique du 21ème siècle, à savoir les attentats du 11 septembre, événement qui, encore aujourd'hui, continue de faire parler car il est indéniable qu'il n'a pas livré la totalité de ses réponses et que, pour la plupart, celles-ci sont sujettes à controverses et polémiques. Que l'on soit ou non adepte des théories du complot, on ne peut qu'être entraîné par le travail d'investigation remarquable de l'auteur, qui expose des faits sans jamais tomber dans des interprétations abusives ou de la psychose de masse.
Justement, les faits sont là, avec les observations, les conclusions officielles des autorités, qui se sont souvent contredites elles-mêmes, et les points flous relevés au fil du temps. Priest ne nous impose jamais son point de vue, il se contente de mentionner, d'énumérer, de dater. Je n'ai pas pu m'empêcher au fur et à mesure de ma lecture, de parcourir à nouveau internet pour me replonger également dans cette tragédie et dans tout ce qui en a suivi.

Je disais donc que le thème choisi dans son nouveau roman est passionnant car concerne un fait d'actualité qui, d'un côté commence à dater, mais de l'autre est encore aujourd'hui complètement d'actualité. Car comme il l'explique si bien, les conséquences ont à jamais marqué la planète entière et la politique mondiale qui en a découlé.

Bref, le sujet est prenant, vraiment prenant, et, fait surprenant chez cet auteur, réel. Mais la façon dont il est traité, la façon dont l'histoire est structurée m'a souvent laissé sur la touche. L'intégralité du livre se lit facilement et rapidement car il y a toujours cette qualité d'écriture. Mais Priest complique inutilement le déroulement des événements en optant pour des sauts à chaque chapitre entre le présent, le passé 9/11, et le passé faisant le lien entre le 9/11 et le présent.
De plus, il ne se passe finalement pas grand chose. Il pose des bonnes bases de ce qui pourrait tourner un peu vers un thriller psychologique. Il amène bien le traumatisme du héros d'avoir perdu un proche sans avoir la certitude qu'il l'a réellement perdu. C'est émouvant de pouvoir observer comment des personnes ont continué à vivre en ayant été directement ou indirectement impacté par ces attentats. Comment ils ont pu poursuivre en conservant ce doute quant à la vérité qu'on leur a servie, comment rien que le fait de douter haut et fort les catalogue directement aux yeux du grand public dans les groupes de marginaux et autres tarés qui s'inventent des complots dans tous les sens.

Mais les pages se suivent, les chapitres se succèdent, et ça ne décolle jamais vraiment. On reconnait par moments, mais par moments seulement, le talent de l'écrivain pour le symbolisme, ses images, ses métaphores, avec notamment comme personnage la belle-mère du narrateur qui se remet d'une attaque cérébrale et qui voit certains de ses propres souvenirs déformés. Il pose ainsi la question de comparer comment des événements se déroulent, comment on nous les présente et comment on les voit nous-mêmes avec l'influence de notre propre interprétation. Notre cerveau bouche, souvent inconsciemment, les trous et les flous. Il existe au final plusieurs réalités.

L'auteur a tout de même perdu de sa verve, de sa poésie. Il y a même des passages complètement redondants, ou il se paraphrase lui-même quelques dizaines de pages plus loin.

Une impression d'inachevé flotte en permanence, et encore davantage, évidemment, lorsque l'on achève la lecture.

Alors oui, la trame de fond est passionnante, mais non le traitement du sujet et de l'histoire n'a rien de grandiose, malheureusement, ou le sentiment d'être passé à côté de quelquechose.

Je ne conseillerai ce livre qu'aux fans de l'auteur car il s'agit tout de même de sa dernière publication et il n'est plus tout jeune, et également à tous ceux qui sont encore fascinés par les attentats du 11 septembre et comment le sujet a été couvert et débattu par la suite.
Commenter  J’apprécie          419
Si les romans ont longtemps tenté de se faire passer pour des tranches de réel (lettres opportunément retrouvées, confessions…), d'autres se sont ingéniés à nous dévoiler l'envers du décor et la fabrique de l'illusion. Mais ici, c'est autre chose: c'est un roman qui veut nous apprendre à douter, non pas de la fiction (nous ne sommes plus des enfants), non pas de la réalité (Matrix n'est plus à la mode) mais de ces « vérités alternatives » auxquelles notre paresse intellectuelle s'interdit de réfléchir.
Soit un fait indubitable : l'attaque du 11/09. Soit un autre fait guère plus sujet à caution: la réaction de l'Amérique de Busch envers des pays qui n'avaient ni armes de destruction massive ni grand chose à y voir. Et entre les deux, un récit d'autant plus ancré dans la réalité que ses conséquences le sont. « Si des gens définissent des situations comme réelles, alors elles sont réelles dans leurs conséquences. Autrement dit, c'est l'interprétation d'une situation qui détermine l'action.  ». Puisque les U.S.A. ont objectivement envahi l'Afghanistan et l'Irak, c'est parce que ces pays étaient coupables ; la conséquence façonne la cause.
Le 11/09 est à la fois un récit américain et le fantasme préféré des complotistes de tout poil. Priest s'en tient à égale distance:
Il pointe un certain nombre d'incohérences du discours officiel.
Il fait mener l'enquête par un journaliste scientifique (caution de véracité) qui a perdu sa petite amie dans l'attentat contre le Pentagone (biais affectif : narrateur peu fiable mais auquel le lecteur s'identifie facilement).
Il insère sa mise en cause du récit des attentats (mise en cause dont le sérieux est patent) dans un univers où l'Ecosse a quitté le Royaume-Uni et où le Français Jean-Louis Pèlerin est un des plus grands mathématiciens du XX° siècle. L'Écosse se séparera peut-être de l'Angleterre et Pèlerin renvoie clairement à Poincaré, mais le fait est que Priest place sa réfutation des mensonges du gouvernement U.S. dans un cadre non réaliste.
Ajoutons à cela des femmes aux prénoms évolutifs (Lilian/Lyli/Lil et Jacqueline/Jacqui/Jaye), et une autre qui, sous l'effet de l'âge, a des faux souvenirs qui lui permettent de s'insérer dans les vrais souvenirs de ses proches, un mari jaloux aux mobiles préoccupants et une postface ponce-pilatienne: « Conséquences d'une disparition est évidemment une fiction, un roman. Il ne s'agit pas de journalisme d'investigation. Néanmoins, le narrateur est un journaliste, et il enquête. Les opinions de Ben Matson ne sont pas nécessairement les miennes, mais nous avons en grande partie fait les mêmes recherches. » Ou bien « The 9/11 Best Evidence Panel (même titre en français). Il est maintenu à jour, disponible en de nombreuses langues, et met à disposition de tout chercheur sérieux une base de données complètement indexée et référencée, y compris des vidéos particulièrement difficiles à trouver ailleurs. […] Par souci d'équité, je me dois d'ajouter que le magazine américain Practical Mechanics a publié une longue réfutation technique de ce qu'ils appellent les théories du complot. »
Et donc, ami lecteur, il ne te reste plus qu'à faire marcher ta comprenette, parce qu'il n'y aura pas de solution prête-à-penser.
Mais j'ai cru comprendre que le roman n'a pas d'édition américaine
Commenter  J’apprécie          374
Comme le laisse deviner l'ingénieuse illustration proposée par Aurélien Police (pour peu que l'oeil accepte de changer sa manière de voir et découvre l'illusion d'optique) « Conséquences d'une disparition » propose une perspective nouvelle sur un évènement majeur de l'Histoire mondiale récente. Christopher Priest revisite les Attentats du 11 septembre 2001. Ce n'est pas du journalisme d'investigation ; le but de l'auteur n'est pas tant d'en proposer une énième variation explicative, ni d'y insérer un personnage romanesque et son destin imaginaire que de truquer, une fois de plus dans sa bibliographie, la réalité de ce qu'il écrit. le jeu de dupes qu'innocemment il propose le transforme en marionnettiste ; son lecteur en bouts de fils se laisse manipuler, tombe dans un piège qui ne dit pas vraiment son nom. Sa manière talentueuse d'agencer les phrases et les situations s'y prête, se fait magie stylistique (comme dans « le prestige ») et devient art. Mais sur ce coup, est t'il aussi efficace que dans « La séparation » ? Non, quand, à mon sens, l'évènement central mange toute la place accordée à la fiction.

Nous sommes en 2021, mais aussi en 2001 et 2006, Priest brasse le temps en flashbacks incessants, jongle avec les années, va et revient sans cesse, en flux et ressacs explosant le récit. Les repères en pré, per et post 2001 s'éparpillent, participent du jeu en cours ; Priest est maitre de leur distribution et impose ses règles. le plus étonnant est qu'il n'y perd pas son lecteur, tout est fluide et avance doucement.

Benjamin Matson est journaliste scientifique, travaille en freelance, parcourt le monde d'une interview à l'autre ; il rencontre des sommités reconnues dans leurs domaines respectifs à l'occasion des avancées notables qui sont les leurs.

L'avion est le quotidien de Ben. C'est, le concernant, un instrument de travail indispensable ; mais aussi un moyen d'enquête parallèle, de part et d'autre de l'Atlantique, sur un évènement qui a fait basculer son existence, sur l'énigme d'une disparition qu'il n'a jamais pu résoudre.

Les attentats contre les Twin Towers du World Trade Center et le Pentagone ont bousculé le monde, rien ne sera plus comme avant, encore moins pour Ben Matson. le 11 Septembre 2001, il a perdu la femme de sa vie, Lil ; elle se trouvait dans l'avion ciblant le Pentagone ; elle n'apparait pourtant pas sur le listing des personnes disparues ...

20 ans plus tard, bien que marié à une autre et papa de deux enfants, Ben enquête toujours sur les attentats. Il se veut rationnel et pragmatique entre version officielle et celles oscillant entre possibles raisonnables et délires complotistes. Il n'aura de cesse de chercher l'absente, de comprendre, pour enfin faire son deuil.

De détails en détails il va peu à peu glisser vers la vérité … la suite appartient au récit.

Si le dernier chapitre titré « En ce temps qui vient, 2024 » suggère au final un récit d'anticipation qu'en est ‘il de ce qui le précède ? Trans-fiction* entre littérature blanche et SF ? Littérature générale ? Rien n'est sûr. Toujours est 'il que le roman s'inscrit en collection spécialisée SF chez Folio et que d'autres particularités du récit renforcent ce positionnement éditorial.

Ainsi, un des personnages secondaires, la belle-mère de Ben Matson, semble régurgiter aux berges d'un Alzheimer naissant et tenir pour authentiques, des souvenirs issus d'une réalité alternative qu'a entrevue le héros lui-même auparavant.

Ben Matson vit sur une ile (une parmi quelques autres) du nord de la côte ouest écossaise, elles évoquent celles, alternatives, de « L'archipel du rêve » (et des oeuvres consoeurs affiliées). Priest joue des codes internes présents dans son oeuvre, ramène son lecteur vers une structure insulaire qu'il a imaginé et qui a bâti quelques-uns de ses succès de librairie.

Le héros est né en Angleterre et vit près de Glasgow; il serait britannique si l'Ecosse ne s'était pas volontairement décrochée du Brexit et ralliée à l'Union Européenne. Ce fait non historique place le roman de plein pied, certes léger, en territoire SF, en uchronie ou au coeur d'un univers parallèle. le lecteur n'en saura guère plus sur ce changement alternatif de perspective géopolitique, économique et social ; il ne métamorphose que peu, car semble t'il trop récent, la face du monde que nous connaissons. A moins que Priest n'ai mis le diable dans d'autres détails que je n'ai pas perçus, la différentiation entre notre réalité et celle présentée ici ne sera guère creusée plus avant. Avec Priest, ici, rien d'étonnant ; il s'est créé une spécificité d'auteur, celle de proposer des trans-fictions* où les thèmes abordés hésitent entre Littérature Blanche et SF, dans un étroit no man's land où il taille des réalités alternatives discrètes et fragiles. Ce Royaume Uni totalement disloqué où des frontières hermétiques cisaillent l'ile n'impacte finalement que peu les attentats ; le propos de l'auteur est ailleurs, celui de semer le doute dans l'esprit du lecteur tout autant que l'ont fait les évènements du 11 septembre eux-mêmes sur la réalité des choses. Univers alternatif ? Réalités parallèles ? Uchronie ? Les touches de différentiation sont légères, le lecteur doute, s'accroche aux détails qui se dérobent, sa compréhension est instable, incertaine, floue.

Lil disparue, Ben cherche à comprendre. La version officielle de l'emboitement des faits est, peu à peu, rendue publique. Les hautes sphères ne démordront jamais des conclusions initiales, même si pourtant, des zones d'ombre comme autant de coins de bois fendillant la réalité, pointent des failles béantes que personne ne daignera jamais boucher. Un autre monde se profile, moins le fruit des événements que le produit de ce qui n'a pas été révélé.

« … si une situation peut être considérée comme réelle, alors elle aura des conséquences réelles » ainsi s'exprime Kyril Tatarov un mathématicien de renom que Ben interviewe en 2006.

Priest s'immisce dans les interstices entre version officielle, celles raisonnablement divergentes et les dernières délibérément complotistes. Il semble vouloir démontrer que sa version n'a pas plus de consistance que celle incomplète proposée par l'état, que le monde réel dans lequel nous évoluons, désormais bâti sur des incertitudes majeures faute de réelle transparence, n'est pas plus légitime que celui qu'il a imaginé.

Mais est-ce vraiment çà ? Va savoir ? Avec Priest, les choses ne sont jamais ce qu'elles paraissent être ; elles sont subrepticement autres, il y a tromperies lentement instillées, manipulations discrètes. Priest est maitre d'oeuvre d'une réalité malmenée sans qu'on y prenne vraiment garde ; elle subit des twists en touches légères, presque invisibles, diaphanes, simplement nécessaires et suffisantes. Priest agit en filigrane, doucement fantomatique. Il y a du Dick et de ses réalités truquées en lui. Mais là où Dick y perdit les miettes de lui-même qui lui restaient, là où il exorcisa en vain par l'écriture les doutes qui le minaient, Priest s'amuse, bluffe, piège et dupe qui le lit, impose ses règles là où Dick les subissait.

Lire Priest c'est ouvrir un territoire de mots où chaque phrase manipule, pousse vers une réflexion autre que celle que la logique aurait dû imposer, c'est s'offrir à un talent d'auteur qui, mine de rien, nous fait croire à une réalité inventée, crédible, dissoute dans une autre (la vraie) qu'il tait et révèle en épilogue.

Étonnante lecture.

Merci à Babelio, Masse Critique, Lunes d'Encre et Folio SF.

*Trans-fiction : une oeuvre romanesque malaisément classable, à cheval entre deux genres, entre littératures de l'Imaginaire et celle dite générale.

Lien : https://laconvergenceparalle..
Commenter  J’apprécie          182
« Si des gens définissent des situations comme réelles, alors elles sont réelles dans leurs conséquences. Autrement dit, c'est l'interprétation d'une situation qui détermine l'action. »

Christopher Priest a toujours eu une forte inclinaison, sans jeu de mot, vers des sujets qui font douter ses lecteurs de la réalité communément admise. Et qui offre de belles échappées vers des temporalités alternatives.

Le sujet principal de ce roman, récent, ce sont les évènements du 11 septembre 2001. Ben Matson, le narrateur, a perdu sa compagne d'alors, Lil, pendant cette journée. Seulement son corps n'a jamais été identifié et son nom n'apparaissait pas sur les listes des passagers des vols aériens impliqués dans ces attentats. Elle semble avoir définitivement disparu. Vingt ans après, alors qu'il est journaliste pigiste dans le domaine scientifique, il n'a pas renoncé à découvrir ce qui lui est réellement arrivé.

Ce roman m'a semblé tout à fait réussi, et se lit avec intérêt. Je ne suis pas familier des théories complotistes au sujet du 11 septembre, et Christopher Priest est assez habile pour les éviter, ou du moins à les désamorcer. Reste que beaucoup d'incohérences, de faits troublants subsistent. Mais pourrait-il en être autrement dans un monde où, plus de vingt ans après ces attentats, les mensonges éhontés de beaucoup, qualifiés de "postvérité", sont monnaie courante ?

On dirait bien que le réel a fini par rejoindre les cauchemars de Priest dans ce qu'ils ont de plus noir...
Commenter  J’apprécie          280
Le roman le plus simple de Christopher Priest, addictif au possible, mais aussi le plus complexe tant toutes les explorations de l'auteur se trouve ici condensé.

Conjecture :
Voilà bien un auteur qui m'agace, provoque en moi une dissonance cognitive sur mon ressenti sur ses romans : j'aime, mais je ne sais jamais si j'ai bien tout compris.
Alors, appliquons un raisonnement mathématique

Objet A :
Une histoire assez simple, banale : un homme, une femme, une disparition, un deuil, un mensonge (?) et une lente reconstruction. On se croirait chez Lelouch, mais Priest évite toute mièvrerie, tout sirupeux dans son histoire. Et se permet même d'y ajouter une dose de suspense : Lilian Viklund est-elle vraiment morte, ou simplement disparu ? Christopher Priest nous déroule les conséquences de cette absence sur la vie d'un homme. Comment faire son deuil, comment réussir à dépasser cette tristesse, cette colère.
Moi qui déteste les histoires d'amour dans les romans, cela est passé comme une lettre à la Poste. le lecteur s'interroge sur les zones de floues de cette histoire, d'autant que nous n'avons que le point de vue de Ben Matson, forcément sujet à caution et à l'interprétation qu'il se fait de leur romance. Bref, nous sommes bien dans du Priest, leur histoire est elle réelle, véridique ? Sur un fait, rien n'est jamais tout blanc, tout est question de perception. Cette réalité trompeuse est un sujet que Priest poursuit inlassablement tout au long de son oeuvre. Ici, il met en parallèle le quotidien, banal, d'un couple dont le tragique va révéler des zones d'ombres. Que sait on au final de l'autre ? L'histoire individuel, le récit de vie rejoint ici la grande Histoire, ou du moins un certain récit national.

Objet B :
Une histoire assez simple : un État, un attentat, une disparition, une guerre, un mensonge (?) et une lente reconstruction. Bref, c'est une simple histoire de gosses, tu me tapes, je te tapes et cela finit en pugilat. Mais à un niveau national, les choses se compliquent sérieusement surtout si l'un des États est le Maitre du monde.
Il me semble assez naturel que Priest s'empare du sujet des attentats du 11 septembre, tant la vision des uns et des autres sur cet événement est dissonante. Pour moi, le 11 septembre n'est pas un sujet qui me passionne, j'en ai suivi son déroulement et ses conséquences, mais sans jamais aller approfondir la chose. J'avais peur de me trouver ici dans une histoire américaine qui ne me concerne pas, ne m'intéresse guère. Et Priest m'a plongé dans cet évènement totalement, j'ai été happé par ce qu'il me racontait. Seul bémol, à un moment, en milieu de roman, j'ai eu plus l'impression d'être dans un essai que dans un roman, mais cela s'est rapidement dissipé.

Objet C :
Quelle est cette histoire qu'il nous raconte ? Est elle réelle, fiable ? Ou l'auteur s'amuse t-il à nous embobiner en conjuguant le vrai et le faux ?
Ben Matson nous relate aussi un épisode de sa vie, lorsque sa belle mère affirme des choses qui ne se sont pas passées, qui ne peuvent s'être déroulées. Est on dans une même réalité, ou une réalité alternative ? Sentiment renforcé par les intitulés des chapitres : En ce temps-là, En ce temps-ci. D'autres éléments viennent , de ci, de là, renforcer cette impression.

En outre, même si ce roman ne se déroule pas dans son archipel du rêve, mais principalement en Écosse, les îles sont omniprésentes : En ce temps-ci se déroule dans le firth de Clyde, sur l'île de Bute; En ce temps-là sur l'île de Manhattan. de quoi avoir des doutes sur cette histoire américaine.

Théorême :
Priest fait son Priest.

L'intelligence de Priest est d'avoir contourné les thèses complotistes en se plaçant dans le récit d'un homme qui a perdu sa compagne lors des attentats de 2001 , celui notamment sur le Pentagone, et cherche des explications sur cette disparition qui comporte quelques zones de floues : pourquoi son corps n'a jamais été retrouvé ? Pourquoi si peu d'images alors que c'est le bâtiment les plus surveillé ? Il ne remet jamais en question la réalité de l'évènement, le 11 septembre a bien eu lieu, mais interroge L Histoire officielle de ces attentats. En ce sens, il se rapproche de la novella de Ken Liu, L'Homme qui mit fin à L Histoire. En ces temps de Fake news, excusez moi, d'Infox, ce roman tombe à point nommé.
Commenter  J’apprécie          104

Citations et extraits (9) Voir plus Ajouter une citation
La dernière raison pour laquelle je ne pouvais accepter l’idée d’un complot était la plus difficile à écarter : c’était la peur.
Pour moi, considérer qu’une quelconque officine gouvernementale américaine pût être complice de la mort de tous ces innocents impliquait d’infirmer une vie entière de postulats sur le monde dans lequel j’avais grandi.
Je présumais que, dans une société civilisée éclairée, disposant d’une presse libre et d’une justice indépendante, où les libertés individuelles étaient des droits inaliénables, où les sciences et les arts étaient fortement développés et culturellement intégrés à nos vies — en d’autres termes, dans une démocratie occidentale moderne —, les personnes que nous avions élues ne représentaient aucun danger.
Remettre en question cette présomption revenait à créer ce que les psychologues appelaient une dissonance cognitive. Ce qui signifie que, lorsque les cognitions commencent à faillir, lorsque nous voyons soudain le monde différemment, nous perdons notre impression de sécurité.
Nous supposons que le gouvernement est généralement de notre côté, même si nous n’avons pas voté pour le parti ou le président au pouvoir. Nous continuons de le supposer même si nous ne sommes pas d’accord avec leur politique. Si l’on perd cette confiance, naissent la peur et l’anxiété, et nos défenses entrent en scène.
La seule défense dont je disposais personnellement contre ce genre d’anxiété était le déni. Je ne pouvais pas en supporter plus. J’avais déjà perdu Lil, ce qui était bien assez. Ajouter à cette perte intime la prise de conscience qu’elle pouvait être morte par la faute du gouvernement américain eût été intolérable.
Commenter  J’apprécie          120
Si des gens définissent des situations comme réelles, alors elles sont réelles dans leurs conséquences. Autrement dit, c'est l'interprétation d'une situation qui détermine l'action.
Commenter  J’apprécie          260
Réinventer un événement réel dans une version romancée m’avait fait toucher du doigt l’importance de la fiction, de la narration, lorsque la vérité était trop malséante ou trop complexe, ou tout simplement une chose que l’on préférait ne pas révéler. On pouvait toujours raconter une histoire
Commenter  J’apprécie          60
Les collines de Cowal étaient solides, permanentes. Elles n’avaient pas besoin d’être interprétées, il n’y avait pas une histoire pour les expliquer, pas de solution à leur mystère. Elles étaient ce qu’elles semblaient être, ce qu’elles avaient été pendant des millénaires et ce qu’elles seraient toujours
Commenter  J’apprécie          40
Les attentats de New York et de Washington avaient laissé des cicatrices, non seulement dans le tissu des bâtiments et des cités, mais aussi dans des milliers de vies. Au-delà de cela, les mensonges et omissions de certaines personnes non identifiées avaient laissé, subrepticement, occultement, indécemment, des cicatrices dans la démocratie, dans l’histoire et l’image de l’un des plus grands pays libres du monde, dans toute la société occidentale et dans le monde dans son ensemble.
Commenter  J’apprécie          10

Videos de Christopher Priest (24) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Christopher Priest
Vidéo de Christopher Priest
autres livres classés : science-fictionVoir plus
Les plus populaires : Imaginaire Voir plus


Lecteurs (121) Voir plus



Quiz Voir plus

Les héros de SF : Christopher Priest

« J’avais atteint l’âge de 1000 Km ». De quelle oeuvre, cette citation..?

eXistenZ
Futur Intérieur
Le Glamour
Le Monde Inverti
Le Don
Le Prestige
La Fontaine pétrifiante
La Séparation
L'Archipel du rêve
La machine à explorer l'espace

10 questions
48 lecteurs ont répondu
Thème : Christopher PriestCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..