Pfiou... Quelle douloureuse lecture, et ce dès les premières pages
L'histoire d'un petit garçon qui n'avait peut-être besoin que de temps, d'attention et d'amour et qui devient une personne cruelle et dangereuse à cause des autres et du monde dans lequel il vit/survit
Toutes les rencontres que fera O'Kane n'auront pour conséquences que de faire gonfler sa rage et sa colère
Même le moindre petit échange peut le faire basculer dans un autre état d'esprit, qui justifiera selon lui ses actes violents
Les points de vue s'entremêlent et s'enchaînent donc ce n'était pas tout le temps évident de suivre, mais les chapitres sont courts alors cela ne m'a pas vraiment dérangée au final
Certains passages sont durs à lire et j'avais le coeur serré à l'idée de découvrir la suite au fil des pages (surtout en sachant que ce roman s'inspire de faits réels)
Dur dur de ne pas éprouver de la haine pour le coupable, malgré ses souffrances et son enfance compliquée
Allez, je vais essayer de me trouver quelque chose de plus léger pour ma prochaine lecture histoire de me remettre de mes émotions
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Un coup de coeur pour ce roman et un coup de coeur pour son autrice.
Un style particulier, avec des changements de narrateur, une construction originale mais une fois embarqué dans l'histoire de ce village irlandais qui vit dans la peur du retour d'un de leur habitant totalement fou.
Edna O'Brien décrit à la perfection la folie à l'état pure ! Avec une plume blanche elle nous embarque dans un roman noir au porte du thriller.
Un sublime roman qui se lit en apnée.
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Soudain on entend crier Joséphine : « Les filles… les filles, venez vite. » Elles courent à travers la broussaille et la voient qui indique quelque chose sur le sol avec son parapluie. Un soulier d’enfant, un soulier de toile rose tout crotté, qui a perdu son lacet. Sa vue leur donne le frisson. Elles forment un cercle tout autour, un cercle serré maintenant, et le soulier leur parle d’un enfant qui est passé par là dernièrement, qui a perdu son soulier et à qui on n’a pas permis de faire marche arrière pour le remettre. Il parle de hâte et de captivité, voire de violence. Elles fouillent maintenant les sous-bois, elles s’agenouillent, enfoncent les mains dans des années et des années d’aiguilles de pin entassées et humides, elles saisissent les branches basses et les secouent, espérant trouver un second soulier, le cardigan, un manteau, tout indice prouvant qu’ils auraient pu passer par là.
(p. 214)
Elle a eu envie de pleurer, parce qu’elle pleurait dans sa tête, mais quelque chose lui a dit de ne pas pleurer. « Si je verse des larmes, ce sera la tragédie », lâche-t-elle à voix haute à l’adresse de la tombe et des arbres qui geignent. Qu’elle retienne ses larmes, et Eily aura la vie sauve.
Relevant la tête, elle vit des visages humains entre les pierres tombales, des visages gouailleurs qui riaient, et elle sut qu’à cet instant elle aussi perdait la tête. Elle se redressa, considéra le bleu foncé de l’eau, du bleu de Prusse, et elle ne cessa de se répéter qu’elle ne devait pas pleurer parce que si elle versait des larmes ce serait la tragédie, ne cessa-t-elle de se répéter, le regard fixé sur l’eau bleu métallisé.
(p. 211-212)
Elles sautent dans l’ombre de leurs ombres et les ombres plus épaisses des pierres tombales qui semblent s’entrechoquer dans la nuit qui tombe. Il s’est remis à pleuvoir et le lac a l’agitation d’une mer avec ses lames qui s’écrasent et se retirent, et les vieux acacias courbés qui craquent en laissant échapper de petits cris de souriceaux.
Rien que des femmes, toutes à cran, épuisées, les pieds endoloris ; leur défiance n’a fait que croître depuis qu’elles ont commencé leurs recherches, ce matin, fouillant les maisons abandonnées, les caravanes, les remises, les box à chevaux, les fours à chaux désaffectés et les criques qui jalonnent les rives du lac et les petits bateaux qui tanguent et dansent dans leurs lits de roseaux.
(p. 206)
Un autre groupe de femmes se mit en route de très bonne heure le lendemain matin, dans une brume d’un blanc cotonneux, une présence, si bien que la traverser était comme ouvrir une brèche dans un filet. Elles se dirigeaient vers le bois de Cloosh.
(…) Apeurées, et pourtant animées d’une sorte d’intuition aveugle, certaines que leur détermination les conduira à la mère et au fils, fières d’avoir trompé la vigilance des gendarmes et des autres volontaires du pays. Elles se sont déployées en éventail, se promettant les unes aux autres de s’appeler souvent par solidarité.
(p. 213)
Elle regarde l’éclat de l’obscurité au-delà de sa fenêtre panoramique, les plantes, les géraniums et les cactées clopinant dans leur assoupissement, elle regarde son gros verrou de laiton tout neuf, brillant comme un cercueil, et elle finit par se réveiller tout à fait, et comme elle le dit et le redit, Eily, la femme morte avec ses longs cheveux, s’avance vers elle et lui dit : « Pourquoi, pourquoi ne m’as-tu pas aidée ? – Le Kinderschreck, répond-elle, le Kinderschreck », et, le bras levé, elle tente d’effacer le regard de la femme, la lumière des yeux, cet or concassé des bougies qui se meurent.
(p. 10)
Edna O'Brien, guerrière de l’écriture