L'une est romancière, l'autre est biologiste; ils sont frère et soeur et par ce fait, partagent le même héritage génétique issu des chromosomes de leurs parents. Ils sont coauteurs de ce livre, leur bébé. La métaphore du bébé pour parler de cette oeuvre suggère une progéniture incestueuse; mais c'est la limite de la métaphore - il s'agit d'une oeuvre de l'esprit.
Pourtant, le bébé en question comporte autant de chapitres que de paires de chromosomes un génome humain; 23 paires qui se divisent sur deux filaments. le premier est une fiction en 23 chapitres; le second enfile en trousseau 23 clefs censées ouvrir à la compréhension de chaque étapes de la fiction.
L'ensemble file la métaphore dans le but de livrer au lecteur un peu de savoir sur l'histoire du vivant; de la peptide à l'homme en passant par la bactérie et l'éléphant. Hors nul peptide, nul bactérie dans cette histoire censée vous éclairer sur la manière dont la vie pour se reproduire est passée de la scissiparité à la sexualité. Pas d'éléphant non plus. On y rencontre des être vivants, des humains aussi; mais l'étrangeté de leur comportement, la structure de leur anormalité constitue la métaphore du "phénomène scientifique". Les choses s'embrouillent. Car les auteurs vous entraînent dans l'invraisemblable aventure deux enfants – une fille et un garcon – en fuite pour leur survie dans un univers étrange dont l'inspiration carrollienne n'échappera à personne bien qu'il en diffère par ses propriétés et ses fins.
La fonction métaphorique de l'aventure qui réuni les deux héros du récit censée incarner les concepts les plus avancées de la théorie de l'évolution des espèces (théorie des mêmes de Dawkins etc.) ne se révèle péniblement au fur et à mesure de la lecture. Mais bien qu'il soit annoncé d'emblée qu'il s'agit un roman à clef, le caractère très factice et l'étrangeté des situations mettent à l'épreuve la patience du lecteur qui pourrait très vite se lasser et sauter directement dans le seconde partie de livre diptyque (un diptyque – description/explication - un peu comme les Impressions d'Afrique de Raymond Roussel avec la beauté en moins). En réalité, il serait déçu là aussi ; car les explications scientifiques font référence au récit qu'il faut avoir lu. Par ailleurs, certains concepts restent difficiles à appréhender même après la lecture. On ne sait plus très bien si le livre s'adresse à des néophytes ou des lecteurs déjà bien informés.
Au final, il n'est pas certain que le récit qui sert de métaphore éclaire beaucoup l'évolution du vivant. Inversement les explications livrées en seconde partie n'éclairent pas beaucoup, ni ne justifient de façon convaincante l'histoire de la laborieuse fiction de la première partie. L'idée pouvait séduire des adeptes de la théorie des mêmes. En effet, les auteurs semblent avoir voulu faire de ce travail, une incarnation, un « même » de cette « théorie des mêmes », ultime mise en abîme. Mais n'atteint-on pas ici les limites de la vulgarisation lorsqu'on la réduit à un travail métaphorique ou une sorte de transcription d'une langue savante en une langue « vulgaire » et lorsque l’œuvre de vulgarisation peine à s'incarner dans une véritable œuvre littéraire.
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