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Days of hate tome 1 sur 2
EAN : 9781534306974
176 pages
Image Comics (24/07/2018)
5/5   1 notes
Résumé :
The United States of America, 2022.

The loss that ripped them apart drove Huian into the arms of the police state and Amanda towards a guerrilla war against the white supremacy. Now they meet again.

This is a story of a war.

The first half of an epic tragedy by ALES KOT, DANIJEL ZEZELJ and JORDIE BELLAIRE collects issues 1 through 6.
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Ce tome est le premier d'un diptyque constituant une histoire complète indépendante de tout autre. Il contient les épisodes 1 à 6, initialement parus en 2018, écrits par Aleš Kot, dessinés et encrés par Danijel Žeželj, et mis en couleurs par Jordie Bellaire. Žeželj a réalisé les couvertures et le design des numéros a été réalisé par Tom Muller.

En 2022, dans un entrepôt désaffecté de Downtown à los Angeles, Arvid Nafisi et Amanda Parker examinent les restes d'un attentat : une soirée entre queers qui a été choisie comme cible par des néo-nazis (les crois gammées sur les murs en attestent) qui ont lancé des cocktails Molotov. Amanda est écoeurée que personne n'ait exprimé sa haine d'un tel acte, alors que les réseaux sociaux ne servaient qu'à ça dans la fin des années 2010. Arvid repère même la trace incrustée dans le mur, d'une victime incinérée. Amanda a l'esprit ailleurs, en ayant vu un oiseau dans le ciel. Dans un parc non loin de New York, Huian Xing est train de faire voler un faucon entraîné. Il revient sur son bras et elle lui remet son capuchon. Deux agents des services de police arrivent à sa hauteur et lui demandent de les suivre. le soir, à Tarzana, un quartier de Los Angeles, Arvid Nafisi arrête sa voiture devant un grand diner. Il demande à Amanda Parker si elle est sûre de vouloir continuer. Celle-ci ajuste sa perruque brune, passe un pendentif autour du cou, sort de la voiture bien décidée, et se présente à l'entrée du diner.

Amanda Parker s'arrête devant le videur qui la reconnaît et l'appelle Shelly : il la laisse rentrer. À l'intérieur, c'est une soirée privée entre amis avec des valeurs réactionnaires. L'ambiance est détendue : il y a des familles avec enfants. L'Amérique d'abord. Pendant ce temps-là, Huian Xing a été conduite dans une grande salle d'interrogatoire, très fonctionnelle : elle y est reçue par Peter Freeman, un trentenaire blanc, en costume, avec un franc sourire. Il se présente comme pourchassant les ennemis de l'état, et les envoyant à la place qui leur convient. Xing demande si cette place est un euphémisme pour les camps de travail. Freeman répond avec le sourire qu'il s'agit d'une légende urbaine, et qu'elle n'est pas japonaise mais chinoise. Il continue à expliquer qu'il fait en sorte de mettre à l'écart les éléments nuisibles de la société, tout en oeuvrant pour qu'ils bénéficient des meilleures conditions possibles. Il s'étonne de la réponse de Xing, car il pensait que c'était son épouse Amanda Parker qui était radicalisée. Huian Xing le reprend : son ex-femme. À Los Angeles dans le diner, la soirée se termine : il est temps pour les femmes et les enfants de rentrer chez eux, pendant que les hommes vont discuter affaires. Amanda Parker laisse son sac sous une table et se rend aux toilettes Elle commence à en ouvrir la fenêtre pour s'éclipser, mas Robbie y pénètre à son tour pour savoir quand elle acceptera ses avances. Amanda lui fait observer qu'il est un nazi : il préfère le terme de Alt-Right. Elle l'abat d'une balle en pleine tête.

En découvrant cette collaboration entre Aleš Kot & Danijel Žeželj, le lecteur se prépare à un récit ambitieux, en espérant que le scénariste ait adopté une narration accessible. Aleš Kot est un auteur, réalisateur et producteur dans les domaines du cinéma, des comics, de la télé et des jeux vidéo. Il est l'auteur de plusieurs comics ambitieux et réussis comme The Surface (2015, 4 épisodes, avec Langdon Foss), Zero (2015/2016, 20 épisodes), Wolf (2015/2016, 9 épisodes avec Matt Tayor & Ricardo López Ortiz), Material (2016) avec Will Tempest. Il a également réalisé quelques séries pour Marvel. L'intrigue s'avère très accessible et facile à suivre, focalisée sur 4 personnages principaux : Amanda Parker et Huian Xing sont deux femmes qui ont vécu maritalement, Peter Freeman est un cadre haut placé dans la lutte contre le terrorisme, et Arvid Nafisi est le coéquipier d'Amanda Parker dans ses actions terroristes. L'action se déroule dans un futur très proche (au moment de la parution de l'histoire) : 2022 pour 2018. Il est fait référence à l'élection du cinquantième président en 2016. le pays a poursuivi sa trajectoire dans une politique et un climat de plus en plus réactionnaire : le racisme s'exprime à haute voix, la haine de l'étranger ne se cache pas, les services de l'ordre bénéficient de plus de facilité pour arrêter qui bon leur semble, les détenir, les interroger, sans trop avoir à se préoccuper des droits civils. Amanda Parker et Arvid Nafisi forment une cellule terroriste à eux deux, commettant des attentats ciblant des activistes d'extrême droite, mais aussi de simples sympathisants, leurs familles. Huian Xing se retrouve impliquée dans la traque pilotée par Peter Freeman pour capturer Amanda Parker, parce qu'elle fut sa femme.

Le lecteur plonge direct dans l'engrenage de ce thriller politique et psychologique. La situation de départ est claire : la traque des terroristes est en place. le lecteur découvre petit à petit les objectifs de Parker, de Nafisi, ainsi que l'histoire personnelle commune d'Amanda & Huian. Qu'est-ce qui a poussé la première à commettre des actes aussi sanglants ? Qu'est-ce qui a conduit à la rupture entre les deux femmes ? Jusqu'où ira Peter Freeman pour atteindre ses objectifs ? Y a-t-il des méthodes qui sont proscrites dans sa guerre contre le terrorisme, ou est-ce que tous les moyens sont bons ? Il apparaît très vite que Freeman est en mesure de faire subir ce qu'il souhaite à Huian Xing pour la faire collaborer. S'il ne le connaît pas, le lecteur fait vite l'expérience de l'intensité des dessins de Danijel Žeželj. Il réalise des dessins dans un registre descriptif et réaliste, en les poussant régulièrement vers la frontière de l'expressionnisme. Cela commence dès la première page avec les ombres et les traces noires dans l'entrepôt, sur les murs et sur le sol. Il ne s'agit pas de représenter les traces laissées par le feu, avec une exactitude photographique, mais de montrer comment les 2 personnages peuvent le ressentir : les grandes fenêtres avec la lumière atténuée et assombrie comme s'il restait des particules en suspension, les croix gammées à la peinture rouge avec les traces de coulure comme si elles avaient été tracées par un individu les percevant comme une évidence, peu habitué à peindre à la bombe, ces traces noires par terre comme si le revêtement de sol était imprégné de la noirceur du crime, plus encore que des corps calcinés. Cette façon de représenter les décors leur apporte une présence incroyable et ils semblent comme habités par le regard que porte le personnage qui y évolue, ou par un état d'esprit invitant à la métaphore. Vu de l'extérieur l'éclairage du Diner ressemble déjà à un flash intense, alors qu'Amanda est déjà happée par les ténèbres en périphérie. le dessin en double page des autoroutes urbaines et de leurs échangeurs à Los Angeles de nuit devient un entrelac de noirceur, troué par la lumière des véhicules et l'éclairage urbain, comme si chaque vie humaine est isolée ou fondue dans des trajectoires, l'explosion au loin n'étant qu'une lumière de plus. La pièce d'interrogatoire prend des proportions écrasantes comme si elle n'avait plus de plafond, rabaissant d'autant la relative importance des deux êtres humains, de leur jeu psychologique.

Danijel Žeželj semble sculpter les contours de ses personnages, comme si les traits encrés étaient la marque laissée par le burin. Ce mode de représentation leur confère une forte présence dans la case, ainsi qu'un poids, comme s'ils portaient aussi un poids, une charge qui laisse une empreinte permanente sur leurs traits. le lecteur peut y voir la conscience de l'injustice, de l'oppression, de la contrainte d'un système aliénant. Presque paradoxalement, ce mode représentation insuffle vitalité et personnalité dans chaque individu. le lecteur voit la détermination grave d'Amanda, l'implication importante mais moins accablante d'Arvid, le recul que Huian prend sur les événements, avant de répondre. Il est fasciné par Peter Freeman : le décalage entre ses propos et ses expressions de visage. Il ressent pleinement qu'il s'agit d'un individu manipulateur, aux manières affables, mais toujours en train de contraindre par des menaces voilées. La mise en couleurs de Jordie Bellaire, fortement inspirée par Dave Stewart pour cette série, renforce la pesanteur de l'ambiance délétère. Danijel Žeželj envoute son lecteur avec une narration visuelle insidieusement vénéneuse, et par des pages à couper le souffle : la double page des échangeurs, le vol du faucon dans un ciel vide, la manière dont Huian laisse tomber son mégot au sol lors de l'interrogatoire, la discussion sur un banc entre Peter Freeman et son épouse, le noeud coulant accroché au plafond chez Huian et le regard qu'elle lui jette, la tension et l'angoisse à couper au couteau lorsque Peter Freeman est assis sur le canapé dans le salon des parents de Huian Xing… le lecteur se rend compte que Danijel Žeželj cisèle chaque séquence en fonction de sa nature, s'adaptant aussi bien à un long monologue, qu'à des séquences sans dialogue. Il admire la clarté de la narration de l'épisode 5, chaque page comprenant 3 cases de la largeur de la page, celle du dessus consacrée à Amanda, celle du milieu à Peter, et celle du dessous à Huian, un dispositif pour montrer la simultanéité et faire ressortir des états d'esprit différents.

Le lecteur peut très bien se satisfaire de ce premier niveau de lecture : un thriller pour arrêter une terroriste. Il peut aussi prêter attention aux citations en début de chaque épisode : Steve Bannon (sur le féminisme), Stanley Milgram (la disparition du sens de la responsabilité), Kathryn Bigelow (sur le fascisme), Reinhard Heydrich (sur le rôle de la Gestapo), Nelson Mandela (sur la représentation / image d'un mouvement révolutionnaire), Jean-Pierre Melville (extraite du film L'armée des Ombres, 1969), William Shakespeare (Macbeth). Aleš Kot ne prêche pas : il laisse le lecteur libre de son degré d'investissement, de son envie de prendre du recul, de réfléchir. Dans une interview, il a indiqué que le récit est à la fois une mise en scène de la dérive populiste, et de la nature de la résistance, la représentation de cette dernière étant très influencé par le film L'armée des ombres de Jean-Pierre Melville. Sur un plan émotionnel, le lecteur garde également à l'esprit le titre de la série : il voit l'émotion qui motive les quatre personnages principaux. Il voit comment la haine peut devenir le moteur principal, avant d'autres émotions plus constructives. Avec cette idée en tête, il voit les actions engendrées par cette haine, cette peur de l'autre, ainsi que le poids que porte l'individu ainsi motivé.

Cette première moitié du récit est extraordinaire à tout point de vue : la narration visuelle envoûtante et vénéneuse, descriptive et chargée de sensation, l'intrigue à la mécanique de précision, le thème de la haine civilisée, institutionnalisée, permettant au citoyen de ne pas s'en sentir responsable d'aucune manière.
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