La légèreté est plus qu'une tendance, c'est un « fait social total ». Chez nous, nous voulons moins d'objets, des objets moins lourd, multifonction, permettant d'accéder à du contenu dématérialisé. Nous voyageons de plus en plus. La mobilité est liée à la légèreté car comme le dit J-C Kaufmann : « La motivation principale du départ du chez soi est de se sentir différent, plus libre, plus léger. » Nous voulons aussi être mince donc plus léger, plus mobile encore une fois. Et pas seulement pour les vacances mais toute l'année, toute la vie. La technologie participe grandement à cette révolution du léger. Un autre corrollaire de la légèreté est l'individualisme. Les relations humaines se font de plus en plus « light » mais aussi la citoyenneté, l'apprentissage et même la spiritualité. Nous voulons le plaisir des avantages sans le poids des inconvénients. Cela dessine un « âge de l'accès » à des divertissements instantannés et infinis. J'aurais aimé qu'en plus de décrypter les tendances présentes, l'auteur fasse un peu de prospective. L'avenir des relations aurait mérité d'être développé. Le transhumanisme également, lui qui voit le corps comme un sac à viande jouera à coup sûr un grand rôle dans cette révolution du léger, surtout avec les NBIC, nanotechnologies en tête.
Pour l'heure il nous reste de nombreux paradoxes à démêler. Entre frivolité et conscience écologique, il y a par exemple la légèreté responsable exprimée par la mairie de Paris en ces termes : « partez léger, jetez vos déchets » afin d'inciter les picniqueurs à faire place nette. Il y a surtout l'énorme machinerie technologique libérant la fée électricité et permettant de « surfer » depuis son canapé, sans fil et sans limites, toute l'information et l'entertainment du monde au bout des doigts ; ce que Gilles Lipovetsky appelle l'immatériel-lourd avec l'impact environnemental des data-centers par exemple. Il explique bien ces pseudo-paradoxes ; en réalité, le lourd technoscientifique est la condition sine qua non de la légèreté de la vie moderne : « A l'âge de l'hypermodernité nomade et numérique, le pôle lourd n'est pas l'opposé du léger, il en est la condition de possibilité. Non pas le léger contre le lourd, mais le léger grâce au lourd. »
J'ai beaucoup aimé cet essai, j'ai retrouvé les brillantes analyses de l'auteur sur cette hypermodernité qu'il décrit si bien. Cet ouvrage manque par contre d'exemples, mais ces derniers sont si nombreux qu'on s'amusera à les trouver soi-même (dans la publicité, les médias etc...). J'ai retrouvé quelques idées développées dans « Le bonheur paradoxal » ; à ce niveau, l'auteur est cohérent, il a sa vision du monde qu'il développe dans ses nombreux ouvrages. J'en lirai probablement d'autres malgré qu'il ait l'air surtout spécialisé dans les objets, l'art et la mode. J'aurais aimé plus de développements sur l'impact de cette modernité sur les gens : individualisme, solitude voire dérives terroristes et sectaires auxquelles il fait allusion. J'avoue que des fois j'aime me faire peur et lire des essayistes prophétiques ou catastrophistes. Mais Monsieur Lipovetsky reste un progressiste très nuancé, comme le montre la morale de ce livre : « Ce n'est pas en s'abandonnant aux plaisirs faciles que l'on devient léger, c'est en se libérant du poids des arrière-mondes, mais aussi en luttant contre l'agitation et la frénésie du monde moderne. »
A ce propos les réactions du mouvement slow et de la sobriété heureuse sont évoquées mais malheureusement balayées d'un revers de main car anecdotiques. L'écrivain voulait un format qui ne soit pas trop lourd ! Avec ses 370 pages et 8 chapitres thématiques (éco, corps, techno, mode, art, archi/design, relations, politique et éducation), ça reste quand même un bon petit pavé... à moins que vous ne préfériez la version numérique.
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Une analyse intéressante de notre société et de son choix délibéré de légèreté.
Ou attention de ne pas abuses des bonnes choses. Des passages passionnants appelant à une vrai réflexion. Et d'autres plus ennuyeux, étalage de connaissances (pourquoi ces pages interminables autour de la mode ?).
Donc bien mais trop long.
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On ne trouvera ici ni « diabolisation de l'insignifiance du monde contemporain », ni « hymne à la gloire du frivole »... Ce qui intéresse plutôt Lipovetsky – au risque parfois de perdre ou d'agacer son lecteur –, c'est plutôt d'en saisir l'envers et les effets pervers.
Lire la critique sur le site : Telerama
Témoin avisé de notre temps, le philosophe et sociologue Gilles Lipovetsky (1944) décèle toujours assez pertinemment les lignes de fracture entre les époques, et les paradigmes nouveaux qui les caractérisent. Avec "De la légèreté", il traite, sans juger, de notre civilisation de la légèreté.
Lire la critique sur le site : LaLibreBelgique
L’intellectuel « imposait », il est maintenant synonyme de « prise de tête ». Et de quel prestige social bénéficie-t-il ? Nous aimons les stars, les champions du stade, les « créatifs » : les intellectuels, eux, suscitent l’indifférence. En entraînant la dissolution des idéologies de la révolution et de la Nation, ainsi qu’une extrême individualisation de la vie sociale, l’âge de la légèreté consumériste et médiatique a fait tomber le besoin des directeurs de conscience et des grands éclaireurs pour s’orienter dans la pensée, montrer la voie, instruire le prolétariat, protester contre les injustices du monde.
La « valeur esprit » dont parlait Valéry s’effondre tandis que monte la valeur du business, de l’argent, du sport, du divertissement, des loisirs. Avec plus ou moins d’intensité, l’idée chemine : toutes ces chaînes compliquées de raison, « à quoi bon ? ». Car qu’est-ce qui importe si ce n’est bien vivre ici et maintenant ? De là, une profusion de livres à visée thérapeutique et technique, cherchant moins à aider à comprendre qu’à résoudre les problèmes directs qui se posent à nous. Le plus important ne réside plus dans les clés supposées fournir la vérité ultime du monde humain social mais dans ce qui « marche » et est directement utile à l’existence de chacun. On veut moins d’interrogations théoriques et plus de solutions en rapport avec la vie pratique et personnelle. Voici le temps du savoir instrumentaliste et de la philosophie-consolation, consacrant le régime light de la pensée.
Au principe de notre esthétique de la minceur se trouve l'ambition moderne de maîtrise de ce qui est reçu naturellement, le refus de l'acceptation de la fatalité. Non plus le règne passéiste du corps, mais celui du corps-responsabilité appelant le contrôle, la correction, le combat volontariste et illimité contre le poids et les rides, la nature et le temps.
La consommation elle-même s'impose, pour de larges fractions de la population, comme source de soucis quotidiens et de pratiques ressemblant à un « travail » fait de recherches et de comparaisons patientes et sérieuses.
Même la pratique toute concrète du rapport au livre illustre le bouleversement en cours. On sait que le nombre de « grands lecteurs », ceux qui lisent plus de 25 livres par an, est sur une pente déclinante ; la lecture de curiosité recule au bénéfice des lectures utilitaristes ; le livre, chez les jeunes générations, apparaît de moins en moins comme la voie privilégiée de l’accès au savoir et à la connaissance. Le temps dévolu à la lecture chute également. Pour ne prendre que ce seul exemple spectaculaire, en trente ans, le temps hebdomadaire consacré par les Néerlandais à la lecture a chuté de 44 %, les jeunes entre 10 et 19 ans ne lisant plus que 12 minutes par jour.
Comment définir le kitsch ? Qui décide de ce qui est de mauvais goût ? Pour en parler, le Book Club de Nicolas Herbeaux invite le philosophe Gilles Lipovetsky et l'auteur Nicolas d'Estienne d'Orves.
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