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EAN : 9782072706509
320 pages
Gallimard (14/09/2017)
4.43/5   30 notes
Résumé :
Quand le prix Nobel fut décerné en 1996, le nom de Wislawa Szymborska n'était pas, c'est le moins que l'on puisse dire, très familier aux lecteurs de poésie, excepté dans sa Pologne natale. Cette reconnaissance soudaine était à la fois surprenante et justifiée. Surprenante car Szymborska s'était toujours tenue résolument à l'écart de toute scène publique ou médiatique, mais justifiée tant son oeuvre apparaissait singulière, sans équivalent, réussissant le rare prodi... >Voir plus
Que lire après De la mort sans exagérer : Poèmes 1957-2009Voir plus
Critiques, Analyses et Avis (9) Voir plus Ajouter une critique
J'avoue avoir lu cette anthologie parce que Wislawa Szymborska fut un prix Nobel « surprise » en 1996. J'ai retenu de cette lecture assez lointaine un certain nombre de thèmes.
Le christianisme d'abord : il s'en prend quelques vertes et pas mûres, même en Pologne, patrie de Jean-Paul II, où il devait être populaire pourtant (cf.La femme de Loth)
Le « mélange » ensuite est au centre de l'oeuvre de Wislawa Szymborska avec l'image fréquente de la tour de Babel.
La mort est perpétuellement vaincue : toute vie est immortelle de la propre durée selon la poétesse.
La perfection vient souvent des objets (l'oignon, sans intestins, le vin, qui rend beau) et non pas de l'homme, fort imparfait.
Mais il y a aussi les clichés pas toujours absents. Autre angle de vision : Wislawa Szymborska cherche à produire quelques « clichés originaux » d'objets de la vie ou d'ailleurs, voire quelques pensées abstraites qui sortent des sentiers battus et dénonce un certain conformisme (aimer la poésie comme un plat de lentilles… ou les compliments).
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C'est une vision très large du talent poétique de cette auteure polonaise, prix Nobel de littérature en 1996, qui est offerte à travers ce recueil, les textes s'échelonnant entre 1957 et 2009, soit trois ans avant son décès.

Pour moi, ce fut une découverte progressive, j'y suis revenue plusieurs fois , mais quand le contact avec ses mots a été établi, j'ai apprécié l'originalité , le ton unique des poèmes.

Déjà, le titre semble une boutade. De mort, il est effectivement beaucoup question, celle des torturés, des prisonniers, des proches aussi. Mais sur le mode décalé. De l'humour, assez désabusé, de la dérision très souvent jaillissent des vers:

" Quand je prononce le mot Avenir,
sa première syllabe appartient déjà au passé. "

Et dans le dernier poème du recueil, " Nous pas lire", elle fait une critique très drôle et juste de notre société-zapping:

" Pour le Proust, à la librairie
te donnent pas de télécommande
pas moyen de zapper."

Cependant cette distanciation un brin ironique n'empêche pas l'émotion de poindre, au détour d'un vers, notamment lorsqu'elle évoque son amant disparu:

" Je n'en veux pas au printemps
d'être à nouveau venu,(...)
Je comprends que mon chagrin
n'arrêtera pas la verdure."

Observatrice perspicace du monde qui l'entoure, malicieuse philosophe , Wislawa Szymborska a développé tout au long de sa vie une poésie riche, complexe, singulière et fort attachante.

Elle disait, dans son discours pour le prix Nobel:" Mais dans la langue de la poésie, où chaque mot est soigneusement pesé, rien n'est jamais ordinaire ni normal." Ses textes sont bien en osmose avec ces paroles...
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La mort est abordée sans exagération. le chant de deuil, l'élégie, se fait ici tout naturellement. La poésie, moderne, dompte pour ainsi dire l'indomptable, le temps qui passe, comme dans JOIE D'ECRIRE, lorsque la poétesse suspend les balles et le vol du temps. Ô temps suspends ton vol - ici, la requête est la même que celle De Lamartine, sans l'emphase du romantisme, évidemment. Nul vocatif ici.

La modernité permet de se jouer de la mort et de faire revivre par exemple les parents décédés autour d'une table, comme DANS LA MEMOIRE ENFIN. En même temps, la mort est, et une certaine tritesse et tendresse transparaît comme dans le poème UN CHAT DANS UN APPARTEMENT VIDE qui est à la fois innocent, à la fois révélateur de l'expérience la plus amère qui soit :

« Mourir ! – ça ne se fait pas à un chat.
Car, enfin, que peut-il faire, le chat
dans un appartement vide ?
Grimper aux murs.
Se frotter aux meubles.
Rien n'a changé par ici,
et pourtant rien n'est pareil.
Rien n'a été déplacé,
mais rien n'est plus à sa place.
Et le soir, la lampe reste éteinte.
Des pas dans l'escalier,
mais ce ne sont pas les bons.
Et la main qui met du poisson dans l'assiette
pas non plus celle qui mettait.

Quelque chose ne commence plus
à l'heure où les choses commencent.
Quelque chose ne se passe plus
comme les choses devraient.
Quelqu'un était là, tout le temps,
puis, soudain, il a disparu
et s'obstine à ne plus être du tout.

On a fouillé les armoires.
Parcouru tous les rayons.
Rampé sous le tapis, au cas où.
Même violé l'interdit, et fichu
la pagaille dans les papiers.

Qu'y a-t-il à faire désormais.
Dormir on peut, et attendre.

Mais qu'il revienne seulement,
qu'il se montre tout à coup, celui-là.
On va lui apprendre, qu'avec
un chat ça ne passe pas.
On avancera vers lui
comme si on ne voulait pas,
très, très lentement,
sur des pattes fières et boudeuses.
Pas question de petits sauts, de miaous au début. »

Ce poème me brise le coeur ... (Il n'est pas très aimable de votre part, Madame, de me briser le coeur, alors je vous laisserai une étoile brisée, comme un symbole de mon coeur brisé.)

Ainsi, la vie de ceux qui survivent à la mort, même lorsqu'il s'agit de l'une des nombreuses vies du chat (ce qui n'empêche en rien à la vie d'être précieuse) se fait tour à tour joyeuse - comme sur une scène de théâtre, comme dans une farce - tour à tour pensive, comme si le souvenir de la mort advenue ou non encore advenue suspendait l'instant de bonheur (qu'il soit véritable ou factice le bonheur), comme dans IMPRESSIONS THEATRALES où les morts, au théâtre, ressuscitent, à la fin du jeu, pour se réconcilier avec les vivants, mais à la fin, une main prend à la gorge la poète-spectatrice, comme pour la tuer, ou pire, la faire pleurer, alors même qu'elle est, à ce moment-là, paradoxalement heureuse, comme si pleurer de bonheur devenait alors, intolérable justement parce que le bonheur survit aux morts et aux vivants.

Heureusement, les morts et les vivants communiquent, dès lors qu'ils restent à l'écoute les uns des autres, comme dans LETTRES DES MORTS. Mais ils communiquent encore par l'intermédiaire d'autres êtres vivants, être humains, animaux, plantes, astres, soleil, nature ... objets du quotidien.
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J'étais partie pour ne tourner que quelques pages, mais c'est finalement avec l'ensemble du recueil que j'ai passé une délicieuse matinée de dimanche.
Pourquoi? Parce que les vers de Wislawa sont comme des phrases qu'une amie vous susurre à l'oreille, ou que vous écoutez disserter et divaguer dans son coin; toujours simples, souvent d'une beauté pure, parfois drôle, parfois abscons, mais toujours ancré dans un réel qui vous est accessible et qu'elle éclaire de son oeil de poète humble, étonné, bienveillant.
Soit parce que j'étais arrivée au point d'orgue de ma lecture, soit que cela soit l'opus de la pleine sérénité de l'auteur, j'ai particulièrement aimé les poèmes de "Cas où", mais aussi l'humour malicieux des années plus mûres.
En introduction, le discours qu'elle a prononcé lors de la réception du Nobel offre une fort belle image de la poète avant de découvrir son oeuvre.
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J'ai beaucoup de mal à critiquer la poésie. Que dire quand il n'y a ni narration ni personnages et comment exprimer le plaisir de la lecture poétique?
Pourtant chez Wislawa Szymborska, le plaisir de lecture est généralisé. Nous la suivons dans de doux délires, à l'ironie tendre ou l'espièglerie grinçante, c'est selon. Rien de violent ni de tonitruant, mais une indépendance de ton et de vues, qui s'affirme impavidement.
Alors sans tarder plongez-vous dans cette revigorante lecture!
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Citations et extraits (39) Voir plus Ajouter une citation
Nous pas lire

Pour le Proust, à la librairie,
te donnent pas de télécommande,
pas moyen de zapper
pour un match de football
ou un jeu où on gagne des Volvo.

Nous vivons plus longtemps,
mais moins scrupuleusement,
et en phrases beaucoup plus courtes.

Nous voyageons plus vite, plus souvent et plus loin,
et rentrons sans souvenirs, mais avec cartes mémoire..
C’est moi avec mon mec.
Là c’est mon ex je crois.
Et là tout le monde à poil,
donc à la plage, mais où.

Sept volumes, pitié.
Y a pas ça en plus court ?
Ou alors, encore mieux, en images ?
Y avait à la télé un truc, Marius, Fanny...
Mais ma belle-sœur me dit que c’est un autre Marcel P.

Et d’ailleurs, entre nous, c’est qui, votre Marcel.
Il a passé sa vie au lit, à gribouiller.
Une feuille après l’autre,
à pied, clopin-clopant.
Et nous , en cinquième vitesse,
touchons du bois, bien portants.
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MOMENT À TROIE

Voilà les petites filles,
maigres, et sans certitude
que leurs taches de rousseur disparaîtront un
jour,

n’attirant l’attention de personne,
elles marchent sur les paupières du monde,

elles ressemblent à papa-maman,
elles en sont vraiment effrayées,

telles quelles, devant leur assiette,
devant le livre d'images,
devant la glace, parfois,
elles se font enlever à Troie.

Dans le spacieux vestiaire du clin d'oeil
en belles Hélène elles se métamorphosent.

Dans le bruit de leurs traînes et de l'admiration
elles remontent l'escalier royal.

Si légères, elles n'ignorent pas
que la beauté est un repos,
que la parole épouse la forme des lèvres,
et que les gestes se sculptent d'eux-mêmes,
sous une inspiration désinvolte.

Leurs jolis minois
dignes d'une tragédie grecque,
se dressent fièrement sur leurs cous
méritant le siège d'une ville.

Beaux bruns des écrans,
grands frères des copines,
et le prof de dessin,
tous ! ah ! tous ils tomberont.

Voilà les petites filles
debout sur la tour du sourire,
contemplent la catastrophe.

Voilà les petites filles
qui se tordent les mains dans un rite
enivrant de feinte tristesse.

Voilà les petites filles
sur fond de ruines,
portant en diadème la ville incendiée,
les boucles du gémissement général aux oreilles.

Pâles, et sans une larme.
Rassasiées du spectacle. Triomphantes.
Une seule chose les chagrine, un peu :
que bientôt il leur faudra rentrer.

Et voilà les petites filles
qui rentrent.
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CONVERSATION AVEC LA PIERRE

Je frappe à la porte de la pierre.
- C'est moi, laisse-moi entrer.
Je veux pénétrer ton dedans,
y jeter un coup d'oeil,
te respirer à fond.

- Va-t-'en, dit la pierre.
Je suis fermée à double tour.
Même brisée en mille morceaux,
nous serons encore fermés.
Même broyés en poussière,
nous ne laisserons entrer personne.

Je frappe à la porte de la pierre.
- C'est moi, laisse-moi entrer.
Je viens par pure curiosité.
La vie en est l'unique occasion.
Je tiens à me promener dans ton palais,
avant de visiter la feuille et la goutte d'eau.
Pour tout cela j'ai vraiment peu de temps.
Ma mortalité devrait t'émouvoir.

- Je suis de pierre, dit la pierre.
Je suis bien obligée de garder mon sérieux.
Va-t-'en, je n'ai pas de zygomatiques.

Je frappe à la porte de la pierre.
- C'est moi, laisse-moi entrer.
On me dit qu'il y a en toi des salles grandes et vides, jamais vues, aux beautés qui s'épanouissent en vain, sourdes, où aucun pas ne retentit jamais.
Avoue que tu n'en sais pas beaucoup plus que moi.

- Des salles grandes et vides, je veux bien,dit la pierre, mais de place il n'y en a guère.
Belles, peut-être, mais hors d'atteinte
de tes six misérables sens.
Tu peux me connaitre, mais m'éprouver jamais.
Toute mon apparence te regarde en face,
mais ce qui est dedans te tourne à jamais le dos.

Je frappe à la porte de la pierre.
- C'est moi, laisse-moi entrer.
Je ne cherche pas en toi un éternel refuge.
Je ne suis pas malheureuse.
Je ne suis pas sans abri.
Le monde qui est le mien mérite qu'on y retourne.
Je te promets d'entrer et sortir les mains vides.
Et pour preuve de ma présence véritable en ton sein
je n'avancerai que des paroles
auxquelles personne n'ajoutera foi.

- Tu n'entreras pas - dit la pierre.
Il te manque le sens du partage.
Aucun sens ne remplace le sens du partage.
Même la vue affûtée jusqu'à l'éblouissement
ne te serait d'aucun secours sans le partage.
Tu n'entres pas, tu n'as que le désir de ce sens,
que son germe, son image.

Je frappe à la porte de pierre.
- C'est moi, laisse-moi entrer.
Je ne puis attendre deux mille siècles
pour pénétrer sous ton toit.

- Si tu ne me crois pas, dit la pierre,
va voir la feuille, elle t'en dira de même.
Ou la goutte d'eau qui le confirmera.
Tu peux même t'adresser à un cheveu de ta tête.
Je sens monter en moi un grand éclat de rire,
un rire immense, que je ne sais pas rire.

Je frappe à la porte de pierre.
- C'est moi, laisse-moi entrer.

- Je n'ai pas de porte, dit la pierre.
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Trois mots étranges

Quand je prononce le mot Avenir,
sa première syllabe appartient déjà au passé.

Quand je prononce le mot Silence,
je le détruis.

Quand je prononce le mot Rien,
je crée une chose qui ne tiendrait dans aucun néant.
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D'un regard il me fit plus belle,
et je pris cette beauté sans remords.
Heureuse, j'avalai une étoile.

S'il veut bien, qu'il me réinvente
à l'image de mon reflet
dans ses yeux. Je danse, je danse
dans les flots de mes ailes soudaines.
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