J'imagine bien un Top Chef où on demanderait aux candidats d'épicer leurs plats à grands coups de perturbateurs endocriniens, de rajouter un peu de PCB (polychlorobiphényles) pour le goût et de ne pas oublier d'assaisonner le tout avec une touche de bisphénol A…
Plus envie de saliver devant les plats ?
Et pourtant, nous bouffons ces saloperies sans même le savoir…
Des trucs qui ne nous disent rien car nommés PFC, PCB, BPA, PBDE, APE,…
Oui, vu d'ici, on dirait ma nièce de 6 mois qui babille… Il n'en est rien.
Si je devais chanter pour résumer le roman de
Michaël Mention, je vous proposerais bien du
Jacques Dutronc avec du ♫ On nous cache tout, on nous dit rien ♪
Mais finalement, ce sera Nolwenn avec ♫
Glacée, oh, oh,
glacée ♪ (on change un peu son "cassée").
Oui, ce roman m'a
glacée. Normal, on parle de perturbateurs endocriniens (des substances capables d'interférer avec notre système hormonal), ces petits tueurs que l'on ne voit pas, que Hercule Poirot ne saurait démasquer et qui nous tuent à petit feu.
Nous mourons
de mort lente, mais tout va très bien madame la marquise.
Déjà que tous les mercredis, le "Conflit de Canard" (du Canard Enchaîné) me donne des sueurs froides, mais ici, ce fut pire : sueurs froides et mains moites.
Les manoeuvres perfides des lobbys, véritables gangs aussi puissants qu'une mafia; la lenteur du système; les scientifiques qui mangent à tous les râteliers; la presse qui est subsidiée ou qui appartient à des grands patrons d'industries, qui n'est plus indépendante, tant elle est à la merci de l'argent des campagnes de pubs; certaines maladies qui augmentent, dans indifférence totale…
Tout comme moi, quelques personnages du roman morflaient déjà sévèrement (Nabil, Marie, Léonard, Franck, Philippe) dans le roman, mais ce qui m'a
glacé plus que tout, ce furent les campagnes de bashing que durent subir certains personnages.
La pire des choses, surtout à l'heure des réseaux sociaux qui s'enflamment très vite, où tout se partage encore plus vite, tout le monde oubliant la présomption d'innocence et où l'on mise sur les émotions des gens et non sur leurs réflexions.
Propagande, tu n'as pas fini de vivre et d'enfler. C'est aussi dévastateur qu'une exécution musclée du gang des MS-13, le sang en moins. Après, on ne s'en relève jamais tout à fait.
Le roman de
Michaël Mention parle d'un sujet difficile, que personne n'a envie de lire parce que la politique de l'autruche est plus simple et que de toute façon, après moi, les mouches…
Et pourtant, même avec un sujet rébarbatif au possible, l'auteur arrive à nous faire vibrer, à nous instruire, à nous faire peur, à nous faire vivre ce combat perdu d'avance entre David le citoyen lambda et Goliath, la grosse industrie qui se la joue comme un gang.
Les personnages font beaucoup, on s'y attache, on vibre avec eux, on s'insurge à leurs côtés, on vocifère, on a envie de hurler que « Putain, c'est trop injuste » et de dégommer certains méchants, qui sont réussis eux aussi, même s'ils sont toujours dans l'ombre et qui envoient leurs « hommes » faire le sale boulot.
C'est d'un réalisme saisissant, quasi un reportage journalistique, sauf que ce reportage est romancé pour faciliter son ingestion. Ne comptez pas le digérer, c'est de notre santé et de notre vie qu'il en est. Une fois de plus, l'auteur me marque au fer rouge.
L'écriture de
Michaël Mention me plait toujours autant, elle est reconnaissable entre toutes, c'est sa patte : jamais barbante, toujours intéressante, brassant large, tapant sous la ceinture et tout le monde en prendra pour son grade dans notre société.
Comme quoi, on peut instruire les lecteurs sans les noyer sous les informations, les pousser à s'interroger, les entraîner dans une histoire glaçante, aux côtés de personnages qui, comme nous, vont en baver.
Des romans glaçants, j'en ai lu beaucoup. Même des plus horribles que celui-ci, de ceux qui ont terminé dans mon freezer, car trop éprouvant à lire.
La seule différence, c'est qu'ils se déroulaient loin de chez moi, soit dans des autres pays, soit dans une autre époque. Ça m'avait remué les tripes, mais je me sentais protégée par la distance ou le temps.
Ici, je ne puis me protéger, je suis dedans jusqu'au cou… Et vous aussi. Glaçant. Dérangeant. Angoissant. du grand art.
Bon appétit, s'il nous en reste.
PS : Michaël, désolée, mais vu ce que tu as osé faire à Starsky, tu viens d'intégrer ma kill-list, aux côtés d'
Olivier Norek (son utilisation du micro-onde n'est toujours pas pardonnée) et de
Bernard Minier (la scène du roman "
Glacé" dans la montagne n'est toujours pas digérée non plus). Il est des choses qui ne se font pas, même dans un roman.
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