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EAN : 9782226396402
256 pages
Albin Michel (02/11/2017)
3.46/5   42 notes
Résumé :
Dernier jour à Budapest, publié en Hongrie en 1940, réunit de manière singulière deux virtuoses de la littérature hongroise du XXe siècle. Sándor Márai, l’auteur des "Braises", y rend hommage à son maître, Gyula Krúdy, dandy ténébreux et personnage légendaire de la bohème littéraire de Budapest, surnommé ici Sindbad, comme le héros de son livre "Sindbad ou la nostalgie".
Un matin du mois de mai, Sindbad quitte son domicile d’Óbuda en promettant à sa femme de ... >Voir plus
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Ma passion pour la Hongrie a commencé il y a près de dix ans grâce à un roman de Sandor Marai. Depuis, après un voyage à Budapest et plusieurs autres romans de cet auteur et d'autres, cette passion n'a cessé de croître. Ainsi, la lecture de Dernier jour à Budapest s'inscrit dans cette lignée. Cette fois-ci, Marai livre un vibrant hommage à un autre auteur hongrois, Gyula Krudy. Il ne le nomme jamais directement mais c'est assez clair : il l'appelle Sinbad, du nom d'un personnage récurrent de ses nouvelles. Je ne connaissais pas Krudy, je n'ai jamais lu de ses oeuvres. Pour l'amateur de littérature hongroise que je suis en train de devenir, le nom est bien paru à quelques reprises mais je ne m'y étais pas encore mis. Au sortir de ce roman, Dernier jour à Budapest, je ne suis pas certain avoir acquis une très grande connaissance de Krudy. C'est un dandy, un homme qui aime les plaisirs de toutes sortes, mais qu'est-ce qui le distingue ? Qu'est-ce qui le motive à écrire ? Où trouve-t-il l'inspiration ? En quoi son oeuvre est originale ? Plutôt, le lecteur a droit à son flânage, le temps d'une soirée, d'une nuit. Au lieu d'aller acheter une robe pour sa fille, comme il l'a promis, il se laisse constamment distraire, entrainer d'un café à un club. Et il recommence.

Toutefois, malgré cette légère déception, le roman a réussi à me captiver. Marai ne voulait pas rédiger une biographie, son but était tout autre : faire revivre une époque à travers la lentille d'un de ses personnages littéraires parmi les plus originaux, intéressants. Et c'est tout un exploit. Il a réussi à continuer à me faire rêver de la Hongrie et de sa capitale. Grâce à Dernier jour à Budapest, j'ai pu déambuler avec Sinbad dans une ville qui me devient presque familière, empruntant les mêmes rues, les mêmes passages, le même pont, me rendant dans les mêmes quartiers, rencontrant des amis dans des cafés, etc. Comme j'aurais aimé flâner en compagnie de Krudy ! Aussi, j'ai rencontré une quantité incroyable d'auteurs et d'artistes en tout genre. Même si la plupart m'étaient inconnus, ça n'a pas dérangé. Bien sur, il y a plusieurs notes de bas page (tant de l'éditeur que de la traductrice) ainsi que, à la fin, une liste des écrivains cités. Et, malgré tous ces noms de personnages et de lieux, tous aussi improbables les uns que les autres, je ne me suis jamais senti perdu. Au contraire, j'avais l'impression de constamment découvrir. Tellement que je referme ce roman avec une longue liste d'auteurs et de livres à lire. Trop longue, sans doute, mais qu'importe.

Encore plus, par moment, j'avais l'impression de me sentir Sandor Marai qui, lui-même, se prenait pour Gyula Krudy. Et, avec eux, j'éprouvais une nostalgie pour une époque révolue, un monde magique. Quel émerveillement !
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Daté de 1940, le roman a été rédigé dans une époque troublée, celle de la seconde guerre mondiale, pendant laquelle la Hongrie s'est trouvée dans le camp fasciste, dirigée depuis les années vingt par Horthy, qui a instauré un pouvoir autoritaire et conservateur. Márai, qui a commencé à publier très jeune, avec un grand succès, a adopté pendant cette période, la posture de l'exil intérieur.

Dernier jour à Budapest prend toute sa signification dans ce contexte : dédié à un grand écrivain hongrois de la génération précédente, Gyula Krúdy mort en 1933, qui a connu la Hongrie d'avant l'époque terrible dont date le livre, le roman est autant un hommage à Krúdy, que le rappel nostalgique, mi-remémoré, mi-rêvé d'un monde qui n'existe plus et qui se pare des couleurs chatoyantes d'un passé mythique et idéal. le titre du livre résume très bien cette double thématique : le dernier jour de la vie de Krúdy, mais aussi le dernier jour d'une culture, d'art de vivre propre à Budapest, à la Hongrie.

Il s'agit donc de conter, ou plutôt d'inventer, le dernier jour de la vie de Krúdy. Un jour pendant lequel il va déambuler dans la ville, en parcourant les lieux qui lui sont chers, et en évoquant les souvenirs. Un lâche prétexte : Krúdy, en mal d'argent, comme il l'a toujours été, doit trouver une somme importante pour acheter une robe pour sa fille. Mais on ne se refait pas : il ne peut s'empêcher de festoyer, passer du temps avec ses amis, de jeter la somme péniblement gagnée par ses écrits par les fenêtres, de faire le grand seigneur. Dans ses déambulations, la ville de Budapest revit à l'époque de sa splendeur, les lieux, les gens de lettres et les habitudes littéraires passent, en vrai ou en souvenirs de Krúdy. Une façon de faire ses adieux, un manière de bilan aussi sans doute.

Mais au-delà, c'est aussi une sorte d'adieu fait par Márai à sa ville, à son pays. Parce qu'il ne trouve plus ce monde qu'il aimait dans la nouvelle réalité hongroise, et aussi, même s'il ne le sait pas encore, qu'il sera moins de dix ans après obligé de quitter physiquement cette ville et ce pays. L'exil intérieur sera suivi d'un exil réel et irrévocable. Cela donne un côté poignant à ce livre.

Je me suis lancée dans cette lecture parce que j'aime beaucoup les livres de Gyula Krúdy et que j'étais curieuse de voir ce que Márai pourrait faire de cette figure. Je trouve qu'il a parfaitement reconstruit l'ambiance des romans de Krúdy, son style, les errances de ses personnages, la nostalgie d'un monde en train de finir, le doux-amer des souvenirs plus réel que la réalité en train de se faire, le rôle central des mythes. C'est peut être un peu plus amer, et un peu moins lâche que la trame des romans de Krúdy, dont les fins sont souvent comme délavées, dissoutes.

Je ne sais pas comment ce livre peut être ressenti par des lecteurs qui ne connaîtraient pas du tout Krúdy et la littérature hongrois e, car il y a beaucoup de références aux auteurs et aux livres, mais pour ma part j'ai apprécié cette déambulation rêveuse et triste dans un monde en train de finir.
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Dernier jour à Budapest est un livre à tiroirs. C'est le dernier jour à Budapest de l'écrivain hongrois Gyula Krudy mort en 1933 à l'âge de cinquante-quatre ans, et ce sont également, à titre prémonitoire, les derniers jours à Budapest de Sandor Marai qui s'exilera en Italie, puis aux Etats-Unis huit ans après avoir écrit ce livre. Ce sont enfin les derniers jours d'une certaine Hongrie, dont Sandor Marai et son mentor, Gyula Krudy étaient nostalgiques, une Hongrie puissante qui était l'autre membre de l'Empire austro-hongrois, regroupait, entre autres, une partie de la Slovaquie, de la Roumanie, de l'Ukraine et de l'Italie; une Hongrie qui sera dépecée, au moment de l'éclatement de l'Empire, à la fin de la guerre 14-18, et qui perdra la moitié de sa superficie et de sa population.
Sandor Marai était, au moment de l'écriture de ce livre, un "emigré interne" face à la montée du fascisme puis du communisme.
Pour évoquer ce pays et ce peuple qui ne sont plus, à ses yeux, Il fait le choix de s'exprimer au travers de Krudy, nommé Sindbad, l'un des personnages récurrents de ses romans, et tente de recréer l'univers de l'écrivain, au cours d'une déambulation dans la ville. Krudy, dont l'oeuvre est tombée dans l'oubli, n'a pas un sou devant lui et doit écrire une chronique par jour. Il divague de café en café, rencontre ses homologues, parcourt la ville en tous sens à la recherche de lieux et de paysages de sa jeunesse. Il déroule le fil de ses souvenirs et de ses remémorations et c'est l'occasion des plus belles pages de ce livre, celles qui sont consacrées aux ambiances et à l'atmosphère des endroits et des maisons du passé, chargés de sensations et de traces olfactives.
Derrière la quête de plaisirs sans fins, pointent la tristesse, la désillusion et le dépit du romancier.
Moins accessible que des livres magnifiques comme L'héritage d'Esther ou La soeur, du fait de la méconnaissance que j'ai de la ville de Budapest et des nombreux écrivains hongrois cités ici, Dernier jour à Budapest nous offre néanmoins de très beaux moments de grâce poétique. Il aiguise par ailleurs notre curiosité et nous donne diablement envie d'aller à la rencontre de l'oeuvre de ce Gyula Krudy, dont on dit qu'il a écrit des centaines de romans.
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Sándor Márai (de son vrai nom Sándor Grosschmied de Mára) né en 1900 à Kassa qui fait alors partie du Royaume de Hongrie dans l'Empire austro-hongrois (aujourd'hui en Slovaquie) et mort en 1989 à San Diego aux Etats-Unis, est un écrivain et journaliste hongrois. La vie de l'écrivain fut itinérante, européenne et quasi-vagabonde dans sa jeunesse pour fuir la Terreur Blanche de 1919, hongroise pendant vingt ans, américaine et italienne après le passage de la Hongrie dans la sphère soviétique et le choix par Márai de l'exil qui le mènera de New York à Salerne, en Italie, puis en Californie où il se donnera la mort à 89 ans, quelques mois avant la chute du mur de Berlin.
Dernier jour à Budapest, publié en 1940, n'est pas une biographie comme le précise son auteur mais prend pour héros, Gyula Krudy, un écrivain dandy décédé en 1933, admiré par Sándor Márai, transposé dans le roman sous le nom de Sindbad.
Comme son titre l'indique, le récit se déroule le temps d'une seule mais longue journée. Un matin, l'écrivain Sindbad part de chez lui en promettant à sa femme de rapporter une certaine somme d'argent – le ménage vivant chichement - pour payer une robe à leur petite fille. le but premier va passer au second plan quand emporté par sa personnalité, Sindbad va se lancer dans une sorte de pèlerinage à travers Budapest, la ville tant aimée où il a vécu ses plus belles années et connu le succès…
Commençons par les défauts du livre afin de bien vite les oublier, certains passages me sont passés au-dessus de la tête car ils font référence à des écrivains hongrois dont je ne connaissais même pas le nom : ces pages m'ont carrément soûlé et se situent dans les débuts du roman. Voilà c'est dit.
Heureusement il ya tout le reste. La journée de Sindbad se déroule comme un long souvenir nimbé de mélancolie : les voitures à cheval disparaissent au profit des automobiles, les thermes ne sont plus ce qu'ils étaient avec leurs masseurs qui « connaissaient les secrets du corps et de l'âme de la ville. » Notre vieil homme sillonne Budapest dans une calèche, revenant sur ses lieux de prédilection, les cafés où se réunissaient les écrivains et les tavernes où l'on savait alors ce que manger veut dire, les plaisirs de la table ayant une part importante dans ce roman, « il célébrait un monde perdu dans lequel le Hongrois nouait encore une serviette à son cou et, fourchette et couteau à la main, se penchait sur le pot-au-feu… » Nostalgique mais pas complètement passéiste, reconnaissant qu'on « ne doit pas rater les mouvements intellectuels de son époque. »
De très belles pages encore sur la littérature ou ce qui le pousse à écrire, « parce que la voix se mettait à parler, qu'elle lui murmurait toutes sortes de choses à l'oreille », ou bien ces sublimes passages sur les saisons.
Sindbad constate que le monde a changé, sa Hongrie et sa ville ne sont plus ce qu'elles étaient, il le regrette comme on regrette de constater que ses plus belles années sont déjà écoulées. Ainsi va la vie, il faut l'accepter, c'est à cela que servent nos souvenirs. le roman s'achève sur une ambiguïté aussi belle qu'elle laisse songeur…
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Sindbad quitte son domicile un matin avec soixante pengos en poche....il doit acheter une robe à sa fille. Mais la journée sera longue, et au fil des rencontres, ou des ballades en calèche, les pengos s'envolent. Sindbad, c'est le nom du héros du roman "Sindbad ou la Nostalgie" de Gyula Krúdy, un nom que Sándor Márai donnera à son personnage principal qui n'est autre que Gyula Krúdy lui-même.
Un personnage, un auteur qu'il aime et veut honorer, et surtout qui fait partie de la culture hongroise.
Découvrir un peu plus deux auteurs, découvrir une époque, un pays voisin, mais si loin de nous, belle tentation de lecture...! une tentation déçue en partie.
Certes le lecteur découvrira un peu plus cette société hongroise, Budapest et certains de ses lieux emblématiques, ses cafés, ses restaurants, sa culture, mais aussi la cuisine hongroise, les lectures de Krúdy, les auteurs et le peuple hongrois, les femmes qu'il aimait tant séduire, la littérature hongroise, l'hiver et l'été hongrois...mais les phrases longues, passant du coq à l'âne, sont parfois déroutantes.
J'ai renoncé à compter les mots "Il écrivait"...on doit largement dépasser la centaine, voire plus....."il écrivait", il écrivait sur tout...sa vie était organisée autour de l'écriture, y compris dans les bars où il se trouve et dépense les pengos de la robe de sa fille...Cette répétition est parfois lassante et impossible à mémoriser.
Les temps ont passé et peu de livres de Krúdy sont arrivés jusqu'à nous. Oubliés, balayés !
Peut-être est-il encore lu en Hongrie ? Quelle place a-t-il dans le coeur des lecteurs hongrois contemporains. On peut, sans aucun doute, en dire autant de tant d'écrivains français qui publièrent avant 1940..le temps passe vite et très vite la vie nous pousse à passer à autre chose...
Sándor Márai... Gyula Krúdy...deux auteurs que j'ai appréciés et commentés. L'étincelle n'est pas venue, ne pas totalement enflammé. Des petites pépites nostalgiques et plaisantes côtoient une certaine forme d'ennui, de déjà lu.
J'ai eu parfois envie de le refermer, ce que je n'aime pas trop. J'ai résisté.....
Toutefois, je conserverai de cette lecture la nostalgie de cette époque, de cette culture, de ce pays qu'a souhaité nous transmettre Sándor Márai.
Lien : https://mesbelleslectures.co..
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Citations et extraits (31) Voir plus Ajouter une citation
Le Français galant, au débit rapide et à l'intelligence brillante, l'Italien jovial, généreux et excessif, l'Anglais impénétrable, lent à s'émouvoir, dont les nerfs mettent autant de temps à se connecter que les images au ralenti dans les films, l'Allemand suintant d'un zèle palpable, à la curiosité sournoise, le Russe discourant sans fin sur la rédemption et qui cherche Dieu, l'esprit ailleurs, le Polonais qui, le pauvre, est voué au chagrin et aux lamentations à cause de la propension de son pays à se perdre de façon régulière : aucun d'entre eux ne comprenait le Hongrois. Il y avait là quelque chose, magie et contagion, névrose et crainte, dignité et noblesse, dont il suffisait de goûter le mélange ensorcelé pendant quelques générations pour que le descendant de l'étranger émigré ici se réveillât un jour avec ce désespoir dans les yeux et comprît qu'il avait été envoûté : il avait bu l'eau pénétrante du chagrin secret et il était devenu hongrois.
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Oui, l'hiver hongrois d'antan sentait bon, s'y entremêlaient les odeurs de boudin, de vin nouveau, de raifort, de patchouli des nuits de bal, des corps chauds, de la transpiration de la danse et de la passion, des coings séchant sur le toit des armoires, d'eau-de-vie, de sapin et de gibier, et c'était comme si toutes ces senteurs avaient conclu une trêve les unes avec les autres dans les appartements et les maisons le temps d'un hiver ; chaque fête étincelait de la même lumière jaune que celle du feu de brindilles dont la braise réchauffe les mains calleuses du vieil homme en casaque qui figure sur l'as de trèfle. On entendait tinter les clochettes d'un traîneau, les femmes faisaient cuire des betteraves et lisaient des romans interminables dans lesquels le héros se retrouve contraint de partir à l'étranger pour une raison inconnue. L'hiver était la fête de la famille et de l'espérance, le carnaval du coeur et du ventre [...].
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Une senteur particulière que l'on ne pouvait comparer en aucun cas à quelque parfum parisien à la mode, une senteur dont on eût dit qu'elle était l'émanation éternelle de l'amour, mélange d'essence de rose, d'eau de Cologne, de savon cuir d'Espagne, une exhalaison charnelle et redondante dont l'ambition était d'exprimer la température physique et l'élan spirituel d'un sentiment ; car en fin de compte, ce n'était que cela, l'amour, une évanescence qui se volatilise, semblable au souvenir des eaux parfumées qui persiste sur les mains et les oreillers. Ainsi, seul un souffle, seule une trace légère persistait dans les chambres du London, une trace qui enveloppait les meubles fatigués, semblable à la lueur de la lune qui s'égarait parfois, le soir, dans les chambres de l'hôtel délabré, à travers les interstices des stores.
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Il écrivait parce qu'il se souvenait d'une certaine forme de vie provinciale qui
avait la même odeur que le pain, une odeur organique, solennelle et éternelle, et une saveur délicieuse. Beaucoup de choses dépendent des femmes, se disait le marin dans ces moments-là, obligé de reconnaitre cette vérité. Rare était la femme qui trouvait sa place dans la vie, qui savait maintenir l'ordre et la propreté, non seulement dans les tiroirs des buffets mais également dans l'âme de la maisonnée. Il suffisait d'entrer dans ces maisons pour sentir que tout était où il fallait. L'office était rempli de choses bonnes et utiles, comme l'âme des habitants. L'odeur de paix et de patience qui flottait dans les pièces de la maison rappelait celle des fleurs du jardin qui se fanent au printemps dans des vases verts et bombés. Car dans la vie, la vertu et l'intelligence ne suffisent pas, il faut aussi de la patience et de la bonne volonté, une forme de résignation naïve et souriante, sans laquelle nulle harmonie n'existe dans les cœurs, sans laquelle les meubles eux-mêmes se retrouvent bêtement et n'importe comment distribués dans les pièces, dans une sorte de colère, comme appelés à prendre part au charivari ambiant. Dans les maisons où une femme intelligente et un homme patient préservaient l'ordre, l'invité ne grelottait pas en hiver, parce qu'une chaleur encore plus agréable que celle du vieux poêle en céramique, nourri de bois de hêtre, éructant et grondant, et de l'eau-de-vie de prune, émanait de la paisible bienveillance des hôtes qui, d'un mot, d'un geste, d'un regard, d'une façon ou d'une autre, remettaient tout en place.
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-Quelle est donc la situation dans les cafés de Pest ? demanda le marin d'une voix un peu rauque, en se raclant la gorge, car la flamme brûlante de la prune lui chauffait agréablement la glotte.
-Et qu'imaginez-vous qu'elle soit ? demanda Ede, l'ami de la littérature, et il ouvrit les bras, en signe de découragement devant le monde. Les jeunes font du sport, ils vont nager et skier, et ils pratiquent toutes sortes d'activités louches du même genre, censées être bonnes pour la santé. Mais nous deux, monsieur Sindbad, sans vouloir être prétentieux, nous sommes les derniers à savoir que les seules choses saines pour les jeunes poètes sont la littérature et les cafés.
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