Je vais me rappeler longtemps
Des morts et des vivants. le sujet m'interpelait mais j'ai éprouvé quelques difficultés au commencement, je n'arrivais pas à «entrer» dans l'histoire. L'intrigue était-elle trop empreinte de nostalgie (ce que j'aime bien, d'habitude). Peut-être en avais-je trop lu de ce genre précédemment ? Peut-être avais-je entamé ce roman trop rapidement ou distraitement ? le résumé faisait mention d'un frère et d'une soeur, Elyot et Eden, mais je les ai perdus rapidement au profit d'autres personnages qui prirent le relais. Pas grave, me suis-je dit en poursuivant ma lecture. Pareillement avec d'autres éléments de l'intrigue qui m'échappaient. Je suis un bon lecteur, j'arriverai à reprendre le fil. Ainsi, j'ai poursuivi ma lecture, encore et encore, malgré les bris de compréhension qui s'accumulaient. Mais je persistais à continuer parce que, de temps à autres, de jolis moments me prouvaient que j'étais en train de lire quelque chose d'exceptionnel. En effet, l'auteur
Patrick White manie habilement sa plume, arrivant en quelques mots à faire vivre ses personnages, les rendre complets de mille et une façons. À travers les petits gestes du quotidien, leurs paroles, le regard qu'ils portent sur le monde. Par exemple, Catherine Standish assise dans sa bergère Louis XV ou bien lisant par habitude
Saint-Simon. Et quelle érudition ! L'auteur parvient à glisser des noms de personnages historiques (coome Mme Deffand ; je ne m'attendais pas à découvrir une salonnière française du XVIIIe siècle dans un paragraphe anodin chez un auteur australien du XXe !), certaines de leurs oeuvres, des événements qui peuvent passer inaperçus, inventés. Ils ne nuisent pas à la lecture mais l'oeil observateur saura les remarquer. Ainsi, vers la fin du roman, j'ai décidé de reprendre du début ma lecture. Ouf !
Des morts et des vivants, c'est également un voyage dans le Londres de l'entre-deux-guerres, perçu du point de vue d'un Australien. À travers les parcours et pérégrinations des personnages, le lecteur visite différents quartiers de la capitale anglaise, des rues emblématiques. Je ne veux pas commencer une énumération de lieux, il y en a tant ! Quelqu'un qui a séjourné en Angleterre se plaira à les voir évoqués dans ce roman. Mais l'auteur ne se limite pas à les nommer, il les décrit de manière succincte mais imagée. « Dehors, le brouillard avait libéré la maison de toute dépendance à l'égard de la terre. » (p. 308) Vous l'aurez compris, le rythme est lent, très lent. Toutefois, ça convient très bine si l'on veut s'attacher aux personnages. Parce que l'intrigue est secondaire, si tant qu'il y en ait une. La jeune Kathy Goose se marie et devient Catherine Standish, puis elle vieillit. Alors que la lassitude s'empare d'elle, la domestique Julia prend plus d'assurance et se transforme en véritable pilier pour la famille et les amis. Mais pour les enfants, devenus adultes, l'existence étouffée de la maison ne suffit plus. Elyot se rapproche de Muriel Raphael, une artiste juive, alors qu'Eden apprécie la compagnie de Joe Barnett, lequel s'en va défendre l'Espagne loyaliste. Et j'en passe sur un bon nombre de perasonnages secondaires qui gravitent autour d'eux. Bref, c'est un roman sur le temps qui passe, qui s'écoule, qui transforme des existences. Et qui se termine. C'est la vie, c'est tout.