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EAN : 9782738149008
205 pages
Odile Jacob (11/09/2019)
4.25/5   4 notes
Résumé :
Corps, dérivée, matrice, racine, spectre... Les mathématiques s'expriment avec le langage commun, mais qu'expriment-elles au juste ?
À partir de 30 mots qui, un jour ou l'autre, nous ont tous interrogés, ce livre nous propose un voyage en quête du sens profond des mathématiques. La dérivée est certes une dérive, mais dans quel espace ? Et la racine (carrée) puise dans un autre niveau de réalité, mais lequel au juste ? La pensée la plus abstraite, même si ell... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Il ne faut pas s'attendre à des révélations fracassantes sur l'inconscient des mathématiciens, l'auteur ayant commencé par choisir des concepts assez peu parlant pour le lecteur non matheux.
Les notions (des objets mathématiques) présentées (compact, anneau, corps, forme, rang...) sont liées à des théories que le lecteur moyen a peu de chance de maitriser.
Les autres liens avec la langue (que ce soit du droit, du vocabulaire populaire, de la poésie...) sont très éloignées et ce lien n'apparaît pas du tout évident, en tout cas au premier abord.
On se demande d'abord quelle thèse défend l'auteur, alors qu'en fait il nous propose plus une promenade poétique au travers de la langue française, qu'une démonstration mathématique. Il y a quelques sujets d'émerveillement dans cet écheveau de mots, mais, je l'avoue, assez rares. On a l'impression de fouiller dans une urne de billes pour en ressortir parfois une jolie, sans trop comprendre ce qu'on cherche ni même ce qu'on trouve.
Pour les initiés donc ! Ou alors il n'y avait peut-être rien de plus à comprendre...
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“Au commencement était le verbe: les choses n'existent que dans la mesure où elles sont nommées.” Gérald Tenenbaum, Reflets des jours mauves, Editions Héloïse d'Ormesson, 2019.

Des mots et des maths
La crainte suprême de nombreux mathématiciens, avec le développement extravagant des logiciels de calcul formel, des bases massives de données et de l'intelligence artificielle, c'est qu'un jour prochain un ordinateur annonce avoir résolu un problème majeur des mathématiques sans qu'aucun être humain ne puisse jamais en comprendre la preuve. L'ordinateur ne sera plus alors ce simple “esclave” numérique voué à des calculs automatiques.
À partir de ce jour là, l'Homme ne maîtrisera plus le progrès puisque des processus cognitifs essentiels lui échapperont avec des conséquences inimaginables sauf peut-être par Isaac Asimov.
Le livre de Gérald Tenenbaum, Des mots et des maths, paru à la rentrée de septembre 2019 aux éditions Odile Jacob, est donc beaucoup plus qu'un simple abécédaire ou un manuel à destination de professeurs en mal d'expliquer les maths à leurs élèves. C'est le témoignage de l'impérieuse nécessité de resserrer les liens entre les sciences et l'humanité, ce qui ne peut passer qu'à travers le langage qui, plus que le rire, est le véritable propre de l'Homme.
Le langage et les mots qui le composent sont en effet aujourd'hui la seule vraie propriété de l'humanité et, tant que les sciences pourront s'exprimer dans un langage humain, le “collectionneur universel” qu'est l'homme dominera la complexité de monde qu'il cherche à organiser sans cesse

“Avec l'Homme, il se passe quelque chose de nouveau, et cette chose nouvelle qui arrive au monde est exprimable en une phrase : pour la première fois dans l'univers (sauf s'il y a d'autres intelligences dans les étoiles) un collectionneur universel de complexité organisée est apparu, et avec lui, c'est une nouvelle phase évolutive de l'Univers radicalement différente des précédentes qui débute”. Jean-Paul Delahaye: http://www.scilogs.fr/complexites/le-collectionneur-universel-1/
. Les mathématiques étant la reine des sciences en tant que garante de la cohérence de toutes les autres, il parait donc crucial de regarder le livre de Gérald Tenenbaum avec un prisme particulier pour se rendre compte de son importance et des pistes de réflexions qu'il offre.
En tant qu'objet littéraire, c'est un délice car on retrouve le style du romancier

Gérald Tenenbaum est l'auteur de très beaux romans dont le dernier est paru au même moment que Des mots et des maths: Reflets des jours mauves chez Héloïse d'Ormesson où on trouve ce beau reflet des Mots et des Maths: “Les nombres et les lettres sont comme l'endroit et l'envers d'un même paysage”.
et l'auteur fait vivre de manière très originale des thèmes mathématiques les rendant accessibles au plus grand nombre, que l'on soit ou non fâché avec les maths. Ce n'est pas un livre où les purs matheux et les amateurs de maths apprendront des mathématiques nouvelles. S'ils lisent ce livre je leur recommande d'ailleurs vivement de le faire avec la partie droite de leur cerveau, celle de la sensibilité, pour en apprécier la portée.
C'est aussi et surtout un objet de culture générale au sens noble du terme car ce passage en revue d'une trentaine de mots permet à l'auteur de revisiter l'histoire, la littérature, la philosophie et les sciences avec une très grande érudition.
Il y a des mots universels comme ceux qui nomment les nombres: “Deux”, “Un” et “Zéro” qui remontent à la nuit des temps.
D'autres mots caractérisent des différences de civilisations. Ainsi le mot “corps” désigne un ensemble d'éléments vérifiant certaines propriétés alors qu'en anglais c'est le mot “field” qui signifie champ. Faut-il y voir l'opposition entre des valeurs humanistes latino-européennes et des valeurs libérales anglo-saxones?
Des luttes personnelles ont lieu pour décrire un certain type de nombres entiers avec le mot “friable” en français, prôné par l'auteur, contre “smooth” en anglais qui veut dire lisse mais semble inadapté à la nature de ces entiers. C'est presque une bataille entre chercheurs afin que le mot choisi pour décrire l'objet mathématique commun soit le plus juste possible. Une vraie quête de sens!
Au final, ce livre démontre que les mathématiques sont vivantes et font partie intégrante des “humanités”. Elles mourront, et nos sociétés très certainement avec elles, si plus personne ne défend comme Gérald Tenenbaum leur part humaine.
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Gérald Tenenbaum, mathématicien et écrivain, à moins que ce ne soit l'inverse, explore pour nous une partie du vocabulaire mathématique en s'attardant sur des mots qui appartiennent au langage courant. Il cherche, si c'est le cas, à mettre en lumière les rapports cachés entre les divers sens communs du mot utilisé et les caractéristiques mathématiques d'un objet souvent abstrait appartenant au monde des idées et de la pensée mathématique. On dégage parfois dans ce lien ténu une fenêtre, étroite, mais réelle, qui ouvre le rationnel sur le sensible et l'émotif, qui révèle une partie des sentiments que les mathématiciens éprouvent envers la structure qu'ils dénomment. La terminologie mathématique prend ainsi en la plongeant dans un champ lexical plus large une couleur qu'on ne lui attribuait pas d'office.

Il m'a été impossible de parcourir cet ouvrage sans me replonger dans mes expériences d'enseignement. J'y ai revu les trucs et astuces qu'il faut mettre en branle pour faire saisir toutes les nuances qu'un mot désignant un objet mathématique peut receler surtout s'il appartient aussi au lexique courant. J'avais été sensibilisé à la difficulté langagière que peuvent éprouver certains étudiants au contact de mots du lexique mathématique qui sont chargés de leur sens usuel. En effet, un rapport de recherche intitulé Mathématiques et langages (Margot de Serres et Jean-Denis Groleau, Collège Jean-de-Brébeuf, 1997) abordait entre autres cet aspect en considérant les problèmes d'incompréhension ou d'ambiguïté que des lacunes sémantiques ou syntaxiques peuvent induire. Des mots et des maths m'aura permis un joyeux retour sur mon passé d'enseignant.
Lien : http://rivesderives.blogspot..
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Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
Les professeurs de maths emploient volontiers le mot "trivial" pour exprimer qu'une propriété découle immédiatement des définitions ou d'un énoncé fondamental. Censé renvoyer à la banalité et à l'évidence, ce terme sur lequel tout le monde devrait s'accorder sans peine est ainsi devenu la terreur des étudiants. Si "c'est trivial", soit ils peuvent le confirmer et n'ont aucune gloire à en tirer, soit ils en sont incapables et s'en trouvent couverts de honte, précisément en raison du caractère d'évidence qui leur échappe.
L'affirmation de trivialité de la part de l'enseignant met donc l'étudiant dans une situation déconcertante en le piégeant entre la perspective de n'avoir rien à gagner et celle d'avoir tout à perdre. Autant le concept est utile pour le mathématicien, autant il est dangereux pour le pédagogue.
Au chapitre de l'utilité, mentionnons à ce stade un usage et une anecdote.
L'usage concerne la désignation de certains éléments d'une structure. On parle ainsi d'un sous-ensemble non trivial pour signifier qu'il n'est ni vide ni égal à l'ensemble tout entier. Une relation de dépendance entre objets mathématiques exprime qu'une certaine combinaison de ces objets est nulle. Il est alors essentiel de spécifier que celle relation est non triviale, autrement dit qu'elle signifie autre chose que 0=0, la trivialité des trivialités.
L'anecdote, qui circule dans la tradition orale sans être clairement authentifiée, concerne un mathématicien célèbre, peut-être le grand Hardy, qui, lors d'un cours magistral, écrit une longue formule au tableau noir de l’amphithéâtre et la qualifie de triviale. Il poursuit un instant sur sa lancée, mais, après quelques minutes, s'interrompt brutalement, faisant passer sa craie d'une main à l'autre en contemplant la formule.
Après un court moment de réflexion, il opine du chef et rassure son auditoire: "Oui, cette formule est bien triviale."Il continue alors méthodiquement son exposé, mais s'interrompt à nouveau un quart d'heure plus tard en fixant le tableau. Cette fois, les étudiants ont le temps de tailler leurs crayons et de prendre des nouvelles de leurs week-ends avant que le professeur ne confirme une seconde fois : "Pas de problème, cette formule est effectivement triviale."
Le cours se poursuit alors sans encombre jusqu'au moment où l'enseignant doit faire de la place sur le tableau et entreprend d'effacer la formule. L'éponge en main, il hésite, puis renonce. Laissant la formule suspecte au tableau, il s'excuse alors auprès de ses disciples et pas dans la petite pièce réservée aux professeurs, attenant à l'amphithéâtre. Il y reste une bonne demi-heure. Les étudiants patientent sagement. Il réapparaît enfin, et tout en effaçant la formule d'un bras ferme, déclare : "Comme je l'ai précisé précédemment, cette formule est bien triviale. Passons à la suite."
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Quels rapports cachés entre les mots choisis par les mathématiciens pour désigner leurs projections mentales et leurs avatars communs ? Pourquoi tel mot plutôt que tel autre ? Que cela nous révèle-t-il de la pensée mathématique ? Que cela exprime-t-il des couches profondes de nos paroles ?
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Bien que, comme l’affirmait Hilbert, il soit possible, sans dommage pour la rigueur, de remplacer dans l’axiomatique de la géométrie les mots « point », « droite » et « plan » par « chaise », « table » et « chope de bière », il est probable qu’une telle terminologie handicaperait significativement le développement ultérieur de la théorie. Si l’on peut concevoir une mathématique indifférente aux connotations de ses termes, il y a fort à parier que les mathématiciens y demeureront sensibles longtemps encore.
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« Jusqu’à combien sais-tu compter ? » demandent les enfants avant d’apprendre, presque déçus, qu’il n’y a aucune limite. Au début, ils n’y croient pas tout à fait. Ensuite, ils continuent à se méfier. Peut-être toute leur vie.
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Au chapitre de la création terminologique, il faut distinguer entre les néologismes de forme, correspondant à la fabrication d’un mot nouveau par dérivation, composition ou analogie, et les néologismes de sens, par lesquels un mot existant reçoit une acception nouvelle. Lorsque les mathématiques empruntent un terme au langage courant, il s’agit évidemment de la deuxième éventualité, même si le nouveau sens n’est destiné qu’à une sphère d’usage restreint.
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