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EAN : 9782710380702
224 pages
La Table ronde (18/08/2016)
4.15/5   255 notes
Résumé :
Lorsque Claude Monet fait don à l’État des "Nymphéas", il impose, sans explication, que celui-ci achète son tableau "Femmes au jardin", peint soixante ans plus tôt. Ce roman raconte l'histoire d'amour et de mort qui, du flanc méditerranéen de Cévennes au bord de la Manche, de Londres aux Pays-Bas, entre le siège de Paris de 1870 et la Grande Guerre, hanta le peintre toute sa vie.
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Critiques, Analyses et Avis (92) Voir plus Ajouter une critique
4,15

sur 255 notes
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Une réussite !
Oui vraiment, ce roman biographique est superbe à plus d'un titre.
Non, il n'est pas une nième bio quelconque de Claude Monet.

Les choix biographiques tout d'abord, articulés en trois parties portant les prénoms de Frédéric Bazille, Camille Doncieux et Claude Monet, respectivement l'ami soutien des débuts, la première épouse adorée et l'artiste lui-même, symboles d'amitié, d'amour et de passion de peindre - ils sont des marqueurs forts de la vie de Claude Monet. Ayant achevé ma lecture il y a quelques temps déjà, ils restent toujours présents à mon esprit, témoins d'un souvenir de lecture agréable, persistant et bien sûr d'une vie hors du commun.

Le style de Michel Bernard ensuite est incontestablement le plus de cet ouvrage. À la fois poétique et très précis, c'est une belle découverte pour moi qui apprécie tant la poésie. L'auteur ne se perd jamais en digressions inutiles, effets poétiques superflus ; le ton est clair et juste, le propos instructif et captivant.
On sent l'admiration de l'écrivain pour le peintre et c'est un réel plaisir de partager sa perception de l'édification de la personnalité du chef de file des impressionnistes grâce à sa propre sensibilité poétique. Et que dire de l'analyse fine et sensible de quelques oeuvres : un mélange de palettes picturales et littéraires !

Enfin, l'objet livre pour finir. Pour une fois, les principaux tableaux évoqués dans le roman, au nombre de quatre, sont reproduits en couleurs. Certes, il ne s'agit pas de reproductions dignes d'un livre d'art, mais j'ai tellement apprécié l'illustration immédiate et parlante des propos de l'auteur. C'est suffisamment rare pour être salué. Ces tableaux habitent le livre tout comme ils jalonnent la vie et l'évolution de l'artiste.

Une belle surprise de la rentrée littéraire sous le signe de l'amitié, l'amour, la passion de peindre et la nature omniprésente.

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« La plaine bleuie éclairait le ciel, cuivrait le ventre des nuages. Il n'entendait que ses pas dans la neige, le crissement de la glace écrasée par se souliers, un chien qui aboyait, une galopade d'écoliers en sabots, la buée de leurs souffles et, coulée entre les rideaux, répandue sur les jardinets étouffés, la lumière venue des fenêtres des villas. Il restait un moment devant la sienne à regarder l'intérieur des pièces dans lesquelles, il allait rejoindre les silhouettes familières qui glissaient d'une pièce à l'autre. Il restait là, voyageur au seuil de sa maison, et goûtait dans le froid et l'obscurité, la certitude de la petite main de son fils et du baiser de sa femme. »

Je referme ce livre particulièrement émue. J'y ai retrouvé la beauté de l'écriture de Michel Bernard, cette facilité avec laquelle les termes choisis, écrits, sont des passeurs d'émotion. Ses mots sont chargés de poésie mais aussi de sentiments, d'histoire, ils suscitent en nous des sensations, des réminiscences, des images. L'auteur réalise un travail d'orfèvre d'autant plus si l'on est sensible à la beauté. C'est aussi un ouvrage d'un grand amoureux des arts, fin connaisseur qui est habité par son sujet. Il parvient à nous faire comprendre que l'obsession de Monet, c'était le côté éphémère des êtres et des choses, des couleurs. Il transcendait son inquiétude par son amour passionné de la nature qui elle, se renouvelle.

A la lecture de cette autobiographie, magnifiquement romancée, on comprend mieux cette obsession du périssable et pour cause. Derrière le Maître incontesté de la peinture impressionniste, derrière la reconnaissance du Monde entier, que de douleurs, que de souffrances cette notoriété masque. Ce grand bourru, ce taiseux, que d'épreuves aura-t-il eu à traverser. La vie ne l'aura pas ménagé.

Je reconnais avoir une grande tendresse pour les impressionnistes. A la lecture de ce livre, je me suis rendue compte que je connaissais bien les oeuvres de Monet mais aussi à quel point je ne m'étais intéressée qu'au superficiel, sans prendre véritablement conscience, qu'une toile correspond toujours à une période de la vie de l'artiste, à son histoire, à l'impact ce celle-ci au moment de sa création. C'est ainsi que j'ai pu faire le lien entre l'oeuvre et la biographie de l'artiste. Les toiles ont défilé devant mes yeux mais replacées dans un contexte précis, source d'inspiration. Ma grande joie fut de retrouver Frédéric Bazille, croisé quelque fois. Pauvre Frédéric, mort à Beaune-la-Rolande, au moment de la guerre de 1870 dans des conditions effroyables, mort jeune, trop jeune. Tout commence par la jeunesse de Monet entouré de ses amis, Bazille, Renoir, Courbet, Manet, Sisley. Mais c'est l'apparition de Camille Doncieux qui bouleverse la vie de bohême du futur Maître. Elle sera le modèle avant de devenir le grand amour de Monet et son épouse. Nous avons toutes et tous admiré Camille. Elle est la belle silhouette en robe blanche que l'on peut admirer sur les toiles de Monet, elle est aussi Camille, devenue « la femme à la robe verte ». « de l'âme de cette femme était passée dans la peinture de Claude Monet, son mari ». Camille qui savait si bien l'apaiser en posant une main pleine de tendresse sur le front de son artiste de mari, prêt à gâcher une toile, mécontent de son ouvrage.

L'auteur chemine en compagnie de Monet et nous les accompagnons d'Argenteuil à Londres, de Londres au Pays Bas, des Pays Bas de retour en France pour se terminer à Giverny. de la reconnaissance à la misère puis de la misère à la reconnaissance et enfin à la notoriété. Deux guerres auront traversées la vie du Maître, 1870 et 1914/1918, et les deuils seront au rendez-vous marquant ainsi à jamais l'oeuvre de Monet.

Michel Bernard relate avec beaucoup d'émotion, le crépuscule de la vie de Monet. Atteint de cataracte, sa peinture s'en ressent et c'est sous la pression de Clémenceau, qu'il accepte l'opération. L'intervention ayant réussie, il pourra ainsi reprendre le pinceau et terminer les Nymphéas.

Au cours de la rétrospective au Grand Palais de 2010, j'ai pu voir les quelques tableaux qu'il a peint alors qu'il n'y voyait plus grand-chose, ce fut assez rude.

Monet veut offrir deux grands panneaux des Nymphéas à l'Etat. Ils seront dédiés en hommage « au million et demi de jeunes hommes qui n'étaient pas revenus des tranchées, pour ceux qui étaient morts à sa place en 1870 et tous ceux-là, les millions d'hommes et de femmes qui avaient aimé, souffert, travaillé et rêvé sur ce morceau de terre, dans cette partie du monde, pour en faire sous le ciel changeant, une des plus belles oeuvres humaines, le plus beau des jardins ».

Clemenceau lui a fait la promesse qu'une salle serait construite et aménagée afin de présenter son oeuvre au public : « Les grandes décorations » devenue « Les Nymphéas. En 1926, l'Etat avait rempli ses obligations. L'Orangerie était prête à recevoir les Nymphéas, une cinquantaine de panneaux furent donnés par le peintre à l'Etat. Monet avait ajouté une condition au contrat : « A condition que lui soit achetée une toile de sa collection personnelle, « Femmes au jardin » et qu'elle soit exposée au Louvre, au coeur de Paris, parmi les chefs-d'oeuvre du monde. Cette toile avait une histoire, un symbole cher au coeur de Monet.

J'aime me rendre au musée Marmottan-Monet lorsqu'il n'y a pas grand monde et m'asseoir au milieu de la salle réservée aux oeuvres de Monet. Je me pose et j'admire les nymphéas, je médite dans le silence. Aujourd'hui, cette étendue d'eau foncée me rappellera qu'elle porte au plus profond d'elle-même, dans son intimité, une vie faite d'amour, de bonheurs, de tourments et de chagrins.

Ce sont des livres tels que celui-ci qui permettent, au commun des mortels, non seulement de savourer un style d'écriture mais aussi de pénétrer l'intimité d'une icône sans difficulté et avec la certitude que l'auteur a tenté d'être au plus proche de la vérité. Un grand merci à Annette et Alain qui ont eu la gentillesse de me conseiller cette lecture.

NB : Vous m'excuserez pour la longueur de mon commentaire.
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Une grande émotion pleine d'admiration à la lecture de ce livre que je trouve proche de la perfection quant au style, à l'équilibre dans sa composition et à la beauté qu'il fait naître à chaque page.
Trois parties, trois prénoms : Frédéric, Camille, Claude. La plus développée, centrale, est celle consacrée à Camille, à la vie de Monet auprès d'elle, entourée de Frédéric l'ami mort lors de la guerre de 1870 et de Claude, Claude Monet qui survit à Camille et va offrir les nymphéas à la France après la guerre de 14-18 à une condition, que l'état accepte d'acquérir "Femmes au jardin" tableau que Frédéric Bazille avait acquis pour que Monet ne meurt pas de faim, que Manet aura en sa possession, revenu ensuite à Monet. ; tableau qui fait le lien entre tous ces amis, tableau où figure Bazille, Camille-Gabrielle modèle qu'aimait Frédéric...

Michel Bernard nous fait épouser la vie de Monet à travers ses tableaux rayonnant d'une joie lumineuse. Monet jouit de la vie, de la fugacité de la lumière qui nimbe des instants précieux vite disparus qu'il parvient à fixer sans les figer. Sa vie et ses tableaux ne font q'un. Avec délicatesse l'auteur sait traduire la plénitude dont Camille entoure Monet qui lui permet de donner tout à la création.
De Camille émane une douceur sereine qui permet à Monet de créer dans une atmosphère de quiétude aimante. "Camille était son talisman" p 118
"Renoir disait de son ami que "Monet ne peignait que ce qu'il aimait, qu'il aimait profondément, qu'il n'avait rien appris dans l'atelier du père Gleyre, rien appris nulle part. Son seul maître, c'était l'amour, l'amour de ce qu'il avait sous les yeux et qui était beau. "Et comme il a beaucoup d'amour, il est un grand peintre, un très grand peintre." p 104
En quelques coups de brosse, Renoir saisissait le rosissement de Camille. C'était vrai qu'elle avait quelque chose de spécial. de l'âme de cette femme était passée dans la peinture de Claude Monet, son mari."
Dans sa vieillesse Claude Monet se souvient que "Autrefois, à part Renoir, Sisley, Bazille et Manet, ses camarades de jeunesse, Camille avait été l'unique présence supportable au moment où il peignait. Sans le lui dire, au contraire, il aimait et désirait que Camille se tienne près de lui. Il travaillait plus sereinement. Elle absorbait son angoisse, le rassurait. Il sentait le silence de sa femme éponger l'inquiétude de son âme. Il n'avait jamais su le lui dire autrement que dans la violence de l'amour."

Michel Bernard en saisissant la vie de Monet comme un tout, sa passion pour la peinture se confondant avec son amour pour Camille et pour le monde qui l'entoure, nous fait entrer dans cet univers lumineux pour en partager la beauté mais aussi la souffrance car l'artiste est en guerre, en guerre avec lui-même pour créer, pour extraire la beauté de la confusion. Il a l'intuition de ce qu'il souhaite mais le chemin à suivre pour y parvenir se fait à tâtons en détruisant et recommençant, à part lors de quelques moments de grâce comme la pie, la robe verte, Camille derrière la vitre en hiver qui sont nés dans une fulgurance.

"Il habitait ses tableaux et connaissait par coeur le corps de son modèle. La femme élégante qui les traversait, dont l'ombrelle prenait autant de blanc qu'un nuage, était la sienne, l'enfant nageant dans les herbes était le sien. Il respirait l'air qu'il peignait et s'y représentait lui-même et l'intérieur de lui-même, son rêve et la beauté des choses." p 96

Si la lutte pour la création est invisible aux regards extérieurs, elle n'en est pas moins violente, elle consume celui qui la mène. La guerre elle-aussi détruit mais sans offrir au monde la moindre beauté. Semeuse de mort comme la maladie.
C'est la mort des êtres chers qui fait naître le remords, le remords de n'avoir pu les sauver.

"Les deux remords de Claude Monet" se clôt sur l'amitié qui lia Clémenceau et Monet :
"Un jour de décembre 1914, un peu avant le premier Noël dans les tranchées, Clémenceau, en route vers sa résidence de Bernouville, en Normandie, avait fait halte à Giverny."
Monet à table avait parlé (à son vieil ami Clémenceau) de son projet, affermi pendant l'automne : reprendre le chemin de l'étang, poursuivre ses travaux sur les nymphéas, mais à grande échelle" et " Clémenceau songea au général qu'il avait vu la veille, lors d'une réunion de la commission de la guerre, désigner sur une cartes les objectifs des prochaines attaques françaises, tirer des lignes et frapper du bout des doigts les crêtes tenues par les Allemands. Monet, qui allait se battre avec l'inconnu, était plus convaincant" p 191
Clémenceau va soutenir et aider Monet car "Il comprit ce jour-là, avant le peintre lui-même, le projet grandi dans sa rumination et sa volonté..."

Et voilà de quoi abolir tous remords, cet extrait d'une lettre de Clémenceau à son vieil ami :
"Jusqu'à la dernière minute de votre vie, vous tenterez, et vous achèverez ainsi le plus beau cycle de labeur. Je vous aime parce que vous êtes vous et que vous m'avez appris à comprendre la lumière. Vous m'avez ainsi augmenté. Tout mon regret est de ne pouvoir vous le rendre. Peignez, peignez toujours jusqu'à ce que la toile en crève. Mes yeux ont besoin de votre couleur et mon coeur est heureux."
(cité par Alexandre Duval-Stalla dans "Claude Monet - Georges Clémenceau, Une histoire, deux caractères)

Moi-aussi je ressors de cette lecture avec les yeux pleins de couleurs et le coeur heureux et j'en remercie Babelio et les éditions de la Table Ronde qui me l'ont offerte.
b
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Deux remords de Claude Monet, c'est comme un cadeau.
Au premier abord, c'est le genre de livre que je n'ai aucune chance de croiser. Les biographies, romancées ou pas, ne sont pas ma tasse de thé. Ajoutez à cela une certaine indifférence ou plutôt une méconnaissance de la peinture et vous vous demanderez comment ce bouquin s'est retrouvé entre mes mains. Ca fait partie de la « magie » de Babelio. Un billet de Piatka, un autre de Lolokili qui ajoute à ma curiosité, d'autres billets appréciés, quelques échanges plus loin et me voilà convaincu d'accepter la très sympathique offre de prêt de Piatka (Merci vous :-) ).

Deux remords et trois chapitres plus loin, je tourne la dernière page en ayant l'impression que je viens de perdre un ami (oui il meurt à la fin, ce sont des choses qui arrivent parait-il) alors qu'il y a encore trois jours je ne connaissais de lui à peine deux ou trois tableaux et… et rien d'autre.
Ce n'est pas que j'en connaisse beaucoup plus aujourd'hui mais l'écriture de Michel Bernard m'a plongé dans le cercle des intimes du peintre au point de me le rendre presque familier. Une écriture toute en couleurs, toute en nuances. Chaque page a sa lumière, chaque page apprivoise ses ombres. Michel Bernard pose ses mots en touches subtiles.
J'ai entendu se déposer délicatement les flocons de neige les uns après les autres sur le sol gelé d'un hiver à Argenteuil et entendu crisser le pas de Monet sur ce tapi immaculé. J'ai voyagé avec lui par tous les temps pour parcourir les saisons du plaisir, chevalet sur le dos, et témoigner de l'instant. Figer pour l'éternité l'éphémère dissipé par la seconde qui suit, par toutes celles qui suivent et qui font la vie.
J'ai partagé un déjeuner sur l'herbe qui respirait l'amour et l'amitié. Je me suis perdu dans le drapé d'une robe verte. J'ai poursuivi Camille au jardin, je l'ai espérée avec sa capeline rouge et l'ai veillé sur son lit de mort.
J'ai été ému par les dégradés de gris des jours de pluie du peintre, émerveillé par les couleurs chaudes de ses amitiés, charmé par les variations de lumière donnant aux couleurs primaires de son existence une déclinaison de teintes infinie.

Pourquoi deux remords et pas trois?
L'amitié et l'amour, semblent indissociables pour Claude Monet.
Amitié pour Frédéric Bazille en premier lieu. Peintre mort pour la France, comme on dit, en 1870.
Amour pour Camille, première femme du peintre, partie trop jeune et seule femme qu'il ait réellement aimée d'après ce que j'ai cru comprendre.
Deux êtres disparus qui resteront liés et poursuivront Monet jusqu'à la fin de ses jours.
En effet Monet fera don à l'état des Nymphéas à condition que celui-ci achète « Femmes au jardin », représentant Camille, et qu'il soit exposé au Louvre. Son ami Clémenceau acceptera avec joie.
Si ce tableau est si important pour Monet c'est qu'il a appartenu à la famille Bazille et que c'est sous cette toile que Frédéric Bazille a été veillé les derniers jours avant son enterrement.
Camille, Frédéric, deux regrets parce que partis trop tôt. Deux remords parce qu'incapable de dissuader l'un de partir à la guerre, et culpabilisant peut être de n'avoir pas été assez présent quand le crabe a commencé à ronger la femme de sa vie. Deux remords peut être aussi pour jouer avec les maux, comme si à chaque souvenir qui s'estompait, Camille et Frédéric étaient « re morts ».

Dès l'apparition de Clémenceau dans la dernière partie du livre, je n'ai pas pu m'empêcher d'être en même temps un peu dans « le camp des autres » de Thomas Vinau. de me dire que pendant ce temps là où malgré des années difficiles, la vie était belle pour Monet, Gaspard rejoignait un camp des autres où tout était… différent…

Oui, « Deux remords de Claude Monet » a été un cadeau pour moi. le genre de cadeau qui « enrichi », qui ouvre vers un univers inconnu et passionnant. L'écriture de Michel Bernard est tout simplement…
Pour faire court, c'est l'écriture qui me touche, qui me parle. Remplie de poésie sans excès et sans figures de style. Une écriture qui m'a, l'espace d'une lecture, mis dans le tableau.

Biographie (romancée), peinture, énarque, c'était pas gagné au départ. Par contre à l'arrivée c'est jeu set match et dix de der Michel Bernard.
Vous aviez raison les filles, merci à vous pis à m'sieur Bernard aussi quand même.

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Ce roman biographique de Michel Bernard n'a pas pour vocation de retracer toute la vie de Claude Monet. Avec délicatesse et dans une douce atmosphère feutrée chargée de nostalgie, Deux remords de Claude Monet retrace quelques pans de la vie du célèbre peintre impressionniste en mettant l'accent sur ce qu'il y avait de plus cher aux yeux du peintre : l'amitié, l'amour et bien sûr les jardins.
Si, en quittant Giverny, il nous reste de Monet une image de patriarche un peu bourru entouré d'une famille nombreuse, ce roman recadre un peu les choses. Il nous permet de comprendre avant tout à quel point l'amitié était importante pour Claude Monet. Lié d'une amitié sincère et profonde avec Bazille, Renoir, Clémenceau, et bien d'autres, Claude Monet aimera inviter ses amis chez lui et faire vivre sa peinture à travers leur regard. La guerre, cette tragédienne hors-pair, lui ravira bien trop souvent ses amis et il en gardera un souvenir amer.
C'est aussi un roman d'amour. L'amour qu'il porte à Camille, sa première épouse, sa muse, son souffle de vie...Âme discrète des tableaux peints à Paris, sur les plages normandes, à Argenteuil, Camille, à sa mort laissera un immense vide dans le coeur de Monet.

A travers cette biographie, Michel Bernard s'immisce avec tendresse et admiration dans l'intimité du peintre, dans ce qu'il a de plus cher. Mais, c'est aussi l'histoire d'un tableau qu'il veut nous narrer, celle de Femmes au jardin et par ce biais, mettre à jour la raison pour laquelle Claude Monet, soixante après l'avoir peint, a tenu absolument à ce que l'état lui rachète pour qu'il soit exposé au Louvre parmi les chefs-d'oeuvre du monde entier.


La lecture de cette brillante biographie en pointillés ne m'a pas vraiment laissé sur ma faim tant elle est admirable. Pour autant, en bonne gourmande, je n'en ai pas fini avec Claude Monet et compte bien me régaler d' une autre biographie dans les jours qui viennent.
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critiques presse (1)
LeFigaro
05 septembre 2016
Dans son dernier livre, Michel Bernard remonte les sources secrètes du chef-d'œuvre de Claude Monet.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
Citations et extraits (87) Voir plus Ajouter une citation
Guerre franco-prussienne 1870 - page 13

L'abbé avait demandé à deux des hommes qui avaient creusé la fosse, nommés Arrault et Toussaint, de les accompagner. Gaston Bazille leur avait promis quarante francs pour qu'ils refassent, à l'envers, les gestes accomplis la veille sous la contrainte. De leurs pelles, ils avaient décapé la couche de givre et l'abbé avait déplanté la croix de bois provisoire du tumulus. Les deux fossoyeurs de hasard fouillèrent jusqu'à ce que le bleu des dolmans et le rouge des culottes affleurent. En travaillant, avec précaution, ils approchaient les fers de leurs outils des mains et des têtes des soldats morts, nues dans la terre.

Enfin apparut le cadavre du grand zouave dont parlait l'abbé. Le froid intense avait parfaitement conservé l'aspect du mort. Les deux hommes laissèrent leurs outils pour le dégager manuellement, l'empoignèrent aux jambes et aux épaules, le hissèrent doucement. Ses galons neuf de sous-lieutenant faisaient poindre des reflets d'or insolites parmi les silhouettes en noir dans le jour sans soleil. En deux endroits, marqués de larges taches sombres durcies par le gel, le sang avait imbibé le tissu de l'uniforme : sur une manche trouée par une balle, sur sa capote et sa chemise déboutonnées, à l'endroit de la blessure au ventre dont il était mort. Sa barbe châtain était mêlée d'humus. Comme personne n'avait fermé ses paupières après l'agonie, au milieu du marbre du visage les yeux, sans regard, étaient ouverts sur le ciel. La ressemblance entre entre le mort et le vivant était évidente. Gaston Bazille tomba à genoux, au pied des trois hommes. Il saisit la main droite de son fils et, en se courbant, replié sur lui-même, pressa ses lèvres dessus. Il étouffait sa plainte. Les assistants, des hommes rudes, en avaient beaucoup vu depuis huit jours ; ils furent surpris et soulagés de leurs propres larmes.
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L'agitation vaine et désordonnée de la Commune et son impitoyable répression avaient été une source de scandale pour les Anglais et d'humiliation supplémentaire pour les expatriés. Monet ne supportait plus sa vie à Londres. L'aigre printemps qui faisait grincer le vent dans les arbres de Kensington n'y avait rien changé. Il fallait partir . Rentrer en France ? A l'énoncé du mot, lui venaient des odeurs de sang et les cris exaspérés de furieux. On y persécutait maintenant Courbet. On l'aurait même fusillé, disait-on, ce grand et généreux imbécile qui, en quelques tableaux, avait plus fait pour la gloire de la France que tout le gouvernement réuni autour d'Adolphe Thiers. Il revoyait de mémoire "L'enterrement à Ornans" : ces gens recueillis autour de la fosse, leur digne douleur, quelques mots du prêtre dans le silence, la croix dorée que tient un enfant de chœur. Au-dessus d'eux, la falaise de craie, depuis des millions d'années, éclaire l'étroite vallée et, la nuit, réfléchit sur les toits de leurs maisons endormies un peu de la chaleur du jour passé. Il pensa à Frédéric (Bazille) qui n'avait eu de linceul que la neige de décembre, et de tombe, que le trou dans la terre où l'on jetait les corps des tués.

page - 81 - Je dois mon amour de la peinture à Courbet. J'ai découvert à 8 ans dans le Larousse " l'Atelier du Peintre" qui fut pour moi une source d'émerveillement.
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Frédéric était heureux de retrouver le pays natal, la sèche odeur du thym, le parfum de la lavande et l'amertume exaltée du buis, l'assourdissant cisaillement des cigales. Il évaluait le gris poussière et le noir des plantes grandies dans les plis du roc éblouissant, le bleu presque blanc du ciel du matin, filé des reflets verts de la mer proche, et en dessous, dans l'ordre que leur avait donné son père, les longs traits de la vigne.
(...) C'était là, dans ce climat, devant ces paysages, qu'il sentait sa manière s'épanouir, entrer en accord intime avec le monde. Ses meilleurs tableaux, les plus ressemblants à lui-même, ils les avait faits ici. Le mot "lumière" qu'il disait à Paris quand il parlait peinture avec ses camarades d'ateliers et ses amis, Monet, Renoir, Sisley, ce mot qui exprimait ce qu'il voulait, comme eux saisir et rendre sur la toile, c'est ici qu'il s'était gorgé de sens, de matière. Il lui semblait que son sang était mêlé de cette lumière du midi. Sa peau l'aimait. p 20-21
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Clémenceau à Monet :

Le dimanche suivant, sur le pont japonais, il avait raconté la scène à son ami qui regardait les herbes osciller sous l'eau au mouvement rêveur des poissons. Les nénuphars avaient fleuri, flammes blanches et roses, fraîches pour l'œil. "Alors, c'était un jeune soldat ? J'espère pour lui qu'il verra la fin de la guerre et la victoire. Son geste, peut-être, lui portera chance." Clémenceau le regarda. "Je l'espère aussi mais il y aura encore beaucoup de morts avant la fin et, tu le sais bien, tu le sais mieux que personne : ce sont les plus courageux, les plus généreux, les plus nobles qui meurent en premier. Souviens-toi.... Chaque matin, je la vois, cette tragédie. Elle est invisible dans les chiffres et les statistiques qu'on m'apporte mais je la vois et tu la lirais dans les journaux s'ils disaient toute la vérité. La France a déjà perdu le meilleur de son avenir. On la gagnera cette fichue guerre mais qu'est-ce qu'elle nous aura coûté cher. Comme le pays, j'en meurs chaque jour."

Page 199
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Descendu avec la nuit, le froid avait arrêté le temps. La plaine bleuie éclairait le ciel, cuivrait le ventre des nuages. Il n'entendait que ses pas dans la neige, le crissement de la glace écrasée par ses souliers, un chien qui aboyait, une galopade d'écoliers en sabot, la buée de leurs souffles, et, coulée entre les rideaux, répandue sur les jardinets étouffés, la lumière venue des fenêtres des villas. Il restait un moment devant la sienne à regarder l'intérieur des pièces dans lesquelles il allait rejoindre les silhouettes familières qui glissaient d'une pièce à l'autre. Il restait là, voyageur au seuil de sa maison, et goûtait dans le froid et l'obscurité la certitude de la petite main de son fils et du baiser de sa femme. p 95
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Vidéo de Michel Bernard
Deux remords de Claude Monet de Michel Bernard aux éditions La Table Ronde https://www.lagriffenoire.com/?fond=produit&id_produit=103018&id_rubrique=12 • Les Bourgeois de Calais de Michel Bernard aux éditions de la Table Ronde
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