La Drôme provençale, destination traditionnelle de mes vacances estivales offre des paysages variés entre vallons, collines et taillis touffus. Partout des champs de lavandes, tournesols et des vergers.. C'est dans ce décor champêtre, à Dieulefit que se sont installées les demoiselles de Beauvallon : Marguerite Soubeyran, Catherine Kraft et Simone Monnier. Ces trois jeunes femmes célibataires, éprises de liberté, anticonformistes et généreuses fondent l'école de Beauvallon destinée à accueillir les enfants rétifs à la pédagogie traditionnelle.
Quand la guerre éclate, en 1939, "l'école fut bien davantage qu'un jardin de sauvageons, elle sera le havre des enfants des déportés politiques, des fils et des filles des juifs traqués, gosses sans biens, sans rien, solitaires irrémédiables, privés d'état civil le plus souvent".
Sans hésiter et tout en ayant conscience des risques encourus les demoiselles de Beauvallon s'exposèrent. Elles eurent des complices bienveillants parmi la population. "le maire, Justin Jouve, et ses conseillers accueillirent une trentaine de réfugiés à Dieulefit, des femmes, des enfants, pour la plupart extraits du camp de Rivesaltes".
Ce qui est extraordinaire dans cette aventureuse démarche, c'est que même ceux qui ne s'engagèrent pas activement gardèrent le silence. "Dès le début, Dieulefit savait ce qui se déroulait à l'école de Beauvallon".
Rappelons que la Drôme "est de ces départements de zone sud désignés comme pays d'accueil transitoire par le gouvernement", d'où l'affluence de réfugiés. S'y ajoute une autre élément qui contribue à la singularité de ce village et explique son engagement. Il compte une majorité de protestants qui avaient été traqués au temps de la révocation de l'Edit de Nantes. D'où le sentiment toujours vivace au coeur de la population "qu'une minorité doit protection et aide à une autre minorité quand elle est persécutée".
Le récit, authentifié par de nombreux témoignages met à l'honneur l'action des Justes et accessoirement vous donnera envie de venir goûter au charme paisible de ce bourg haut provençal.
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J'avoue être un peu hésitant au niveau de mon appréciation sur ce livre.
C'est effectivement une très belle histoire réelle qui, dans les jours bousculés que nous vivons nous ramènent à une réalité beaucoup plus sombre de notre histoire.
C'est aussi une belle histoire d'humanité dans laquelle l'on se dit que, parfois, l'homme est capable de beaucoup de compassion et d'abnégation vis à vis de ses congénères. Malheureusement c'est rare.
C'est aussi une histoire extraordinaire de voir toutes ces personnes pourchassées persécutées se retrouver à un même et vivre pratiquement au grand jour dans une petite bourgade où tout se sait. Donc pour l'histoire je mettrai sans aucune hésitation 5 étoiles.
Ce qui me gène c'est la façon de le narrer. Au début j'ai apprécié le style, cette impression de partager les sensations de l'auteure au cours de ses balades dans la région, des ses rencontres avec les personnes.
Et puis au fur et à mesure du récit celui-ci est devenu moins agréable, moins fluide et aussi plus engagé politiquement aussi, c'est un autre sujet que je ne critiquerai pas. A la fin du livre j'avais un peu l'impression de lire une liste de noms. J'exagère certes un peu, mais en comparaison du début quelle déception! Je comprend que l'auteure ait voulu rendre hommage à toutes ces personnes et c'est normal mais cela, pour moi, pénalise la fin de cette histoire et me fait mettre un 4 au lieu d'un 5 étoiles.
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Ce magnifique récit de la résistance de tout un bourg nous permet de lire les événements de
la guerre de 39-45 à travers la vie de villageois somme toute ordinaire. L'exemple de Jeanne
Barnier, qui devint presque naturellement une faussaire émérite est à méditer. La tradition
protestante du bourg a peut-être été le terreau dans lequel a pu croître un courage simple et
tenace. « Dieulefit, sans cesser de participer à la souffrance du monde, resta dans la lumière et
dans la joie. Ce paradoxe est la vertu des grandes âmes au terme d'un long effort d'intégration qui
n'a rien refusé, fût-ce le mal absolu. Ici, l'intégration se faisait d'instinct, la vie se mobilisait tout
entière, sans balancer le pour et le contre, sans s'étonner autrement du mal. » (Pierre Emmanuel)
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Deux mille cinq cents personnes habitaient Dieulefit, un village parmi d'autres en Drôme provençale.
Quand la guerre éclata. A l'école de Beauvallon, les 'directrices accueillirent aussitôt les enfants juifs. Et leurs parents, bientôt. À la mairie, une employée d'une vingtaine d'années commença à fabriquer des faux-papiers. D'autres réfugiés arrivèrent, des anonymes, mais des peintres, des poètes, des artistes et des philosophes encore. Et d'autres maisons s'ouvrirent. A l'école, les enfants se serrèrent un peu plus sur les bancs, et la secrétaire de mairie devint une faussaire patentée.
La population grimpa jusqu'à cinq mille personnes. Le bourg accueillait ainsi autant de pourchassés qu'il comptait de natifs. Pas un seul ne sera arrêté. Nul ne sera dénoncé. Pendant les quatre années les plus sombres de notre histoire, ce petit village devint la " capitale intellectuelle de la France ", disait Pierre Vidal-Naquet qui s'y réfugia, enfant. Dieulefit sut désobéir, dire non aux lois iniques.
Deus fecit, Dieulefit. Quand ils envahirent la contrée, on dit que les Sarrasins s'écrièrent " Allah ba" face à ce décor d'enluminures persanes, Allah pour "Dieu", ba pour " Il l'a fait". Deus fecit ! en latin, bientôt traduit par Deo lo fes, du provençal flamboyant. Pour finir on dira Dieulefit en langue d'oc.
Anne Vallaeys. Hautes Solitudes.