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EAN : 9781022601604
Editions Métailié (12/02/2015)
4.06/5   57 notes
Résumé :
Il arrive que l'on ne souhaite plus communiquer, ni se projeter dans le temps, ni même participer au présent ; que l'on soit sans projet, sans désir, et que l'on préfère voir le monde d'une autre rive : c'est la blancheur. La blancheur touche hommes ou femmes ordinaires arrivant au bout de leurs ressources pour continuer à assumer leur personnage. C'est cet état particulier hors des mouvements du lien social où l'on disparaît un temps et dont, paradoxalement, on a b... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (9) Voir plus Ajouter une critique
La construction personnelle de soi et sa représentation sociale sont pesantes et énergivores, surtout dans notre monde contemporain grévé d'injonctions. Nombreuses sont donc les raisons et les manières de s'en départir temporairement ou de s'en séparer définitivement. Ces absences, ces blancheurs, ces démissions, telles qu'elles sont décrites en littérature ou rencontrées dans la clinique, sont traitées ici avec grand soin stylistique, remarquable précision d'analyse, convaincante amplitude des cas et circonstances. En comparaison avec les essais de le Breton que j'ai lus jusqu'ici, je trouve ce texte beaucoup plus accompli et homogène, ce qui rend au sujet traité un aspect, sinon d'exhaustivité, au moins de complétude. Mon seul regret est que, hormis un bref survol initial (cf. cit. 1) et conclusif (cit. 6), les spécificités de la contemporanéité ne soient pas suffisamment mises en évidence, signe que ce texte s'éloigne de la sociologie pour se rapprocher de la philosophie – et bien sûr de la littérature.
Le chapitre premier, « N'être plus personne », est le plus riche en références littéraires : de Robert Walser à Fernando Pessoa, en passant par Samuel Beckett, Paul Auster, Un Homme qui dort de Perec et bien sûr le Bartleby de Melville, on dirait presque que cette forme de disparition ne concerne que les personnages romanesques, si la biographie exemplaire de T. E. Lawrence, dit Lawrence d'Arabie devenu J. H. Ross, ne venait clore le chapitre.
Le ch. 2, « Manières discrètes de disparaître », plus que de discrétion traite de syndromes légers et sans doute réversibles : la disparition dans le sommeil, l'hébétude du jeu de billes japonais nommé « pachinko », la fatigue désirée (notamment par le sport) et sa parente subie : le burn out au travail, les dépressions (au pluriel), le syndrome des personnalités multiples (abondamment traité au cinéma) et enfin la monomanie, représentée étrangement par une autre et unique référence littéraire : La Défense Loujine de Nabokov.
Le long ch. 3 est consacré spécifiquement à l'adolescence. Nombreuses sont les formes d'« ordalie » qui constituent et représentent la construction identitaire à l'âge pré-adulte, entre tentatives de se débarrasser du soi de l'enfance et tentations d'aller au-devant de l'incertitude de l'avenir. « Errance d'espace, errance à soi » analyse en profondeur la fugue, et il est suivi par le cas – objet littéraire et cinématographique – de Chris McCandless en errance tragique « into the wilderness ». Les aliénations dans le virtuel sont traitées aussi dans deux sous-chapitres, dont le second dédié au phénomène nommé « Hikikomori » au Japon : le refus de tout engagement scolaire, professionnel et social jusqu'à une vie de quasi claustration. Suit, dans « La disparition dans l'autre », un bref exposé sur l'adhésion sectaire et l'intégrisme religieux. Ensuite, il est question d'anorexie chez les adolescentes. Deux sous-chapitres sont consacrés à la « défonce », par l'alcoolisation festive et les drogues ; enfin les pratiques d'évanouissement délibéré – jeux d'asphyxie – sont explorées. le ch. se termine par un bilan de ces pratiques adolescentes sous le titre : « Disparaître et revenir ».
Le ch. 4, de façon quelque peu symétrique, traite de la vieillesse, et développe la thèse intrigante que la maladie d'Alzheimer est au moins en partie une stratégie pour « disparaître de son existence », lorsque et dans la mesure où celle-ci est vécue comme étant diminuée et insatisfaisante. Davantage que la question des lésions cérébrales – qui ne sauraient de toute manière expliquer l'ensemble des démences séniles – est affrontée celle du dépouillement de la condition sénile contemporaine et du lâcher-prise. Quelques références littéraires et cinématographiques ici aussi : le merveilleux film de Hannecke, Amour (2012), le témoignage de Rezvani, L'Éclipse (2007), et, déjà, La Vieillesse de Simone de Beauvoir (1970) ; le ch. se termine par un « Accompagner le détachement » que plusieurs lecteurs de nos âges trouveront sans doute utile.
Le ch. 5 traite la problématique très intrigante et évocatrice du « Disparaître sans laisser d'adresse ». Curieusement, cette pratique qui peut aller de pair avec la pathologie de l'amnésie, semble se développer de façon épidémique au Brésil actuellement. Un sous-chapitre est consacré aux trappeurs et autres Indiens blancs aux XVIII-XIXe s. ; deux, concernant les disparitions contemporaines, font abondamment référence à l'enquête journalistique de H. Prolongeau (2001) ; ensuite la plus célèbre énigme de disparition du début du XXe s. est rappelée, celle du physicien sicilien Majorana sur laquelle Leonardo Sciascia et plus récemment E. Klein ont écrit ; enfin, le chapitre se termine par un tour d'horizon littéraire entre Pirandello, Simenon et encore Paul Auster.
Le ch. 6, « Soi comme fiction » esquisse une conceptualisation de l'identité « comme processus », notamment en faisant usage du fameux séminaire de Lévi-Strauss, et d'autres sources de sociologie théorique. Curieusement, le travail de Ricoeur sur l'identité narrative n'est pas cité, et son nom à peine mentionné avec celui d'U. Beck.
La conclusion, « Ouverture : Les tentations de la subjectivité contemporaine » ne saisit pas l'opportunité, comme je l'ai noté, d'approfondir les spécificités du contemporain ; par contre ; elle « ouvre » sur des réflexions intemporelles comme celles inspirées par la notion taoïste du Wu-Wei et se termine sur une citation très généralisante de Montaigne, qui peut tout autant se référer à la disparition de soi qu'à des activités beaucoup plus anodines, telles l'écriture, la lecture, le voyage, la marche voire la méditation...
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Dans le film Les Prédateurs, David Bowie - qui partage l'écran avec Catherine Deneuve, avec qui il forme un couple de vampire - déclare en substance (je le fais de mémoire, c'est peut-être un peu inexact, mais le sens y est) : "Il n'y a que les essais scientifiques pour être aussi mal écrit" ; et bien ce nouvel essai de David le Breton lui donne tort car il est passionnant de bout en bout, limpide et très bien écrit. Les exemples tirés de la littérature sont légions ; il cite Blanchot, Kundera, Pessoa (se multiplier pour n'être personne), Robert Walser et Paul Auster, et cerne ainsi dans le détail cette envie de détachement, de disparition volontaire qui frappe certaines personnes, que cela soit par le sommeil, ou la drogue, l'anorexie ou encore l'immersion dans le trop d'activités. Ce livre vous donnera sans doute envie de (re)lire de nombreux autres ouvrages, et surtout La Défense Loujine de Nabokov (livre qui est peut-être le pendant du Joueur d'Échec de Zweig), où le principal protagoniste vit à travers le jeux et où "il ne s'apercevait de son existence qu'à de rares moments (....). Mais, d'une manière générale, il n'avait avec la vie que des rapports nébuleux, elle exigeait de lui si peu d'efforts".

Riche, concis, et à lire pour mieux comprendre cette nouvelle "tentation contemporaine", qui frappe notamment le Japon avec ses "évaporés" ; des dizaines de milliers de personnes chaque année, qui, après une faillite personnelle, décident de "disparaître" ...
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Peu de critiques sur ce livre paru en 2015 et un peu de lecteurs. Je me souviens avoir souscrit à la plupart des idées émises sur la dilution du moi, la perte de substance d'êtres évoluant dans un monde de plus en plus opaque.
L'impermanence règne, une information chasse l'autre, un nouveau modèle remplace le précédent à peine sur le marché.
La pensée cède devant le flux ; comment exister dans ce magma ? L'identité ne va plus de soi, alors nous sortons de nous-même. L'adolescent japonais se coupe du monde, s'enferme dans sa chambre. L'individu contracte une maladie qui lui permet de s'effacer (Alzheimer). La majorité se laisse glisser en maison de retraite lorsqu'il n'y a plus rien à sauvegarder.
Cette réalité décrite, le sociologue avance des pistes de réapparition. L'individu ne cesse jamais de naître dans une longue vie intranquille. Il est nécessaire de poser des repères, en se disant sur un blog, en écrivant une autobiographie, genre très en vogue actuellement. Se raconter pour redonner sens et cohérence au quotidien flottant.
Alors certes, la blancheur (une forme d'ascèse, d'espace de relâchement des tensions) est un passage obligé, mais elle ne peut durer. Je suspend le monde pour reprendre prise sur ce qui s'est dérobé à mes sens, à ma clairvoyance, à ma vie. Se retirer pour reprendre son souffle et repartir d'un pied allégé.
Le cheminement intellectuel de David Breton est exigeant. Toutefois, il propose des refuges aux contours moins acérés que ceux arpentés dans son essai : l'écriture, la lecture, la création de manière générale, la marche, le voyage, la méditation etc.
Et si nous commencions par là...

Lien : http://cinemoitheque.eklablo..
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Une fois encore j'ai découvert David le Breton au hasard de mes déambulations dans le coin "rando" à la bibliothèque. Ce professeur d'université mais aussi sociologue et anthropologue français est l'auteur de nombreux essais sur les représentations et les mises en jeux du corps humain.
Parmi sa trilogie d'essais sur le thème de la marche, j'ai tout d'abord lu son premier "Eloge de la marche" de 2000 puis le dernier en date "Marcher la vie. Un art tranquille du bonheur" de 2020.
Au delà d'une profonde réflexion sur le concept même de se déplacer lentement à pieds et de pouvoir percevoir le monde à un rythme humain, il y'a matière à penser sur notre propre exploration de l'environnement. La rando courte ou au long cours est une manière de fuir le quotidien pour quelques heures ou jours. Ces ouvrages sont truffés de références avec une bibliographie d'auteurs qui permettent d'aller plus loin dans l'approfondissement de ces thèmes. Ils ont été de véritables tremplins pour découvrir un série d'écrivains qui ont développés les thèmes de récits de voyages dans l'approche philosophique, naturaliste voire du concept même du tourisme. H.D Thoreau, Edward Abbey, Stevenson, Patrick Leigh Fermor, Laurie Lee, Jacques Lacarièrre.... la liste est longue et ouvre de nouveaux horizons.
Mais revenons à " Disparaître de soi" qui aborde entre autres la marche dans sa façon qu'elle a de nous permettre de sortir de nos zones de confort, de notre train train. le monde va de plus en plus vite et l'on peut éprouver, pour une infinité de raisons, le besoin de s'évaporer, de fuir. Chaque être n'est pas une personnalité fixe et définie, mais ne cesse de se renouveler via parfois la régression, l'effacement...
De l'adolescence, qui est une période de construction du Moi dans une société de plus en plus virtuelle et déshumanisée jusqu'à la vieillesse, qui nous fait peu à peu quitter ce que nous avons pu être. "Etre vieux c'est l'âge où il tout à regretter, rien à espérer" dit Victor Jankelevitch.
"Mais même au point de vue des plus insignifiantes choses de la vie écrit Proust, nous ne sommes pas un tout matériellement constitué, identique pour tout le monde et dont chacun n'a qu'à aller prendre connaissance comme un cahier des charges ou d'un testament ; notre personnalité sociale est une création de la pensée des autres. "
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Ce livre brillant analyse la volonté de « prendre congé de soi ». Les moyens de disparaître sont plus ou moins visibles, plus ou moins radicaux : sommeil, fatigue, errance, drogues, anorexie, troubles de mémoire, etc. Ce faisant, l'individu cherche à s'effacer devant « l'obligation de s'individualiser », il est las d'assumer son personnage. L'auteur fait notamment un parallèle avec le marcheur, l'anonyme sur les routes. Les exigences de la vie sociale engendrent un vrai mal-être : chacun est désormais responsable de soi et seul dans cette recherche. A la fin du livre, on aimerait que David le Breton explore davantage les remèdes - les moyens d'adoucir cette « quête de la blancheur » …
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critiques presse (2)
NonFiction
14 août 2015
L’ouvrage entreprend au fil des chapitres de classer les diverses expériences de reconquête d’une liberté permettant de comprendre la mise en place d’un nouveau visage de l’individu. La démarche n’est pas tant évolutive et chronologique que de l’ordre du retour sur le concept d’individu.
Lire la critique sur le site : NonFiction
NonFiction
26 mars 2015
David Le Breton nous invite à comprendre l'ambivalence qui fait sens dans l'oubli de soi.
Lire la critique sur le site : NonFiction
Citations et extraits (18) Voir plus Ajouter une citation
Cependant, un changement radical n'implique pas toujours un événement traumatique ou heureux qui bouleverse en effet d'un seul trait le rapport au monde, il s'installe parfois dans la longue durée. Insensiblement chaque jour apporte son grain de sable qui peu à peu enraye le mouvement régulier de la personne. Elle devient lentement autre, étrangère à soi-même. (...)
Chacun de nous est fait de bien plus d'imprévisible que de probable. Nos existences sont autant faites des occasions manquées que des événements qui les ponctuent. Nul ne peut vivre toutes les virtualités qui étaient en lui, ni même les imaginer. Chaque instant qui passe laisse derrière soi une infinité de vies possibles qui n'ont tenu qu'à un souffle. Le hasard, ce que l'individu en fait, sa volonté de chance ou son abandon aux circonstances, dessinent des parcours personnels qui auraient pu être radicalement autres.
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"Les hommes disait en substance Kant, ne sont pas faits de ces bois durs et droits dont on fait les mâts. S'il y a parfois au fil d'une vie, pour certains, une sorte de fidélité à soi-même, une cohérence, d'autres connaissent des ruptures improbables, ils deviennent méconnaissables à eux-mêmes et aux autres, plusieurs vies différentes leurs échoient. Mais chaque existence au départ, même la plus tranquille, contient un nombre infini de possibilités dont chaque instant ne cesse de redéployer les virtualités."
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Il ne suffit plus de naître ou de grandir, il faut désormais se construire en permanence, demeurer mobilisé, donner un sens à sa vie, étayer ses actions sur des valeurs. La tâche d’être un individu est ardue, surtout s’il s’agit justement de devenir soi.
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L'identité est comme un diamant aux multiples facettes dont chacune en donne une vision particulière, elle ne se révèle dans aucune, elle figure ce miroitement. Elle est une histoire que l'individu ne cesse de se raconter à lui-même et aux autres en en remaniant parfois les versions, elle n'est jamais figée, toujours relationnelle et en mouvement.
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Selon la tonalité du goût de vivre, la personne âgée demeure ou non de plain-pied dans son existence, même si elle renonce à des activités qui lui tenaient à coeur à travers une déprise progressive. Le centre de gravité du processus de vieillissement tient au degré pour elle de son attachement à sa vie quotidienne ou à ses rêves. De ces significations qui l'imprégnent, elle seule est comptable, ce n'est pas une question d'âge mais de rapport au monde.
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Vidéo de David Le Breton
Emois et résonances de la première toilette des élèves aides-soignants
Avec la participation de Éric FIAT, David LE BRETON, Pascale MOLINIER, Patricia PAPERMAN Voir plus [+]
La combinaison de récits de toilettes par des apprenants aides-soignants et d'articles réflexifs par des universitaires reconnus rend cet ouvrage innovant et incontournable pour comprendre les enjeux du respect de la pudeur dans le soin de la toilette aussi bien du côté du patient que de celui du soignant.

La première toilette constitue un rite initiatique à l'issue duquel on devient soignant. Si le respect de la pudeur des patients représente un enjeu majeur de l'enseignement du soin, qu'en est-il de la pudeur des soignants ? Cette thématique inédite est au coeur de cet ouvrage où, grâce au travail du récit, chaque fois unique et singulier, des élèves engagent leurs mots et représentations dans la confrontation de leur propre pudeur avec celle de l'autre. Ils et elles participent à l'émergence d'une voix, d'une culture, d'un discours sur le soin qui contribue à la reconnaissance de leur métier et de sa complexité psychique.
Ces savoirs expérientiels combinés à des savoirs d'experts reconnus en sciences humaines révèlent les dimensions aussi bien éthiques qu'existentielles présentes dans la pratique du soin de la toilette. Loin d'être une tâche simple aux techniques vite apprises et acquises, celle-ci participe à ce geste éthique majeur : le respect de la dignité humaine.
Avec la participation des élèves de l'IFAS.
Dans la collection
Trames
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