Ce tome fait suite à Doom Patrol Vol. 1: Brick by Brick (épisodes 1 à 6) qu'il faut impérativement avoir lu avant au risque de ne rien y comprendre. Ces 2 tomes forment une saison complète. Celui-ci comprend les épisodes 7 à 12, initialement parus en 2017/2018, tous écrits par
Gerard Way, chanteur et compositeur du groupe My chemical romance, et déjà auteur d'une série de comics The Umbrella Academy.
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Épisode 7 (dessiné et encré par
Michael Allred, avec une mise en couleurs de Laura Allred) - Negative Man (Larry Trainor) est en train de prendre un hamburger et un soda en terrasse. À son insu, il est observé par Niles Caulder, planqué derrière une plante verte, dans son fauteuil roulant. Ce dernier est pris en flagrant délit de voyeurisme par Cliff Steele (Robotman). Ils sont rejoints par Larry. Sans se déballonner, Caulder indique qu'il a appris que la Doom Patrol s'est reformée et il explique qu'il est prêt à en redevenir le chef. Il se fait tout de suite rembarrer. Néanmoins ils se rendent tous les trois à Danny
La Rue, croisant Casey Brinke dans la rue, en train de coller des affiches indiquant qu'elle a perdu son chat Lotion.
Il était légitime que
Gerard Way ramène le chef de la Doom Patrol pour que le lecteur sache ce qu'il est devenu. Il a choisi une approche au second degré. Avec son sentiment de supériorité, Niles Caulder ne doute pas un seul instant que ses anciens protégés vont accepter sa présence, malgré tout ce qu'il leur a fait subir, malgré la façon ignominieuse dont il les a manipulés, ayant vraisemblablement causé les accidents qui en ont fait des réprouvés. le lecteur sourit en voyant comment il réussit à s'incruster alors même que Cliff et Larry lui ont dit non. le scénariste a concocté une aventure aux petits oignons pour justifier le retour de chu Chef : il avait besoin d'eux pour récupérer un objet particulier à des fins personnelles.
Michael Allred est le dessinateur de la situation pour représenter cette aventure dans une autre dimension, avec ses dessins faussement rétro. Il apporte une touche de dérision gentille en phase avec le récit. le lecteur comprend tout de suite que Niles Caulder n'est pas devenu altruiste, que la Doom Patrol va se faire exploiter et que tout finira bien. Ses dessins donnent l'impression d'être tout public, mais le lecteur ressent toute la bizarrerie un peu morbide de la représentation du moignon de Casey Brinks, ou de la nouvelle peau de Cliff.
Cet épisode montre que
Gerard Way maîtrise bien les codes des aventures de la Doom Patrol, avec un côté loufoque, une touche de monstruosité, et des personnages très conscients de leurs défauts, ayant appris à vivre avec. le ton enjoué de l'aventure est patent dans les dessins, et dédramatise les situations, privilégiant la comédie au drame. 5 étoiles.
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Épisodes 8 à 11 (dessins de
Nick Derrington, encrage de
Tom Fowler, couleurs de
Tamra Bonvillain) - Dans une énorme pièce remplie de classeurs métalliques, un employé (Edward) avec un dossier à la main s'approche d'un autre (Charles) assis derrière un bureau. Edward évoque un problème avec le Mod-983. Ils se dirigent ensemble vers une armoire à tiroir. Ils en tirent un qui contient un corps embaumé. Ils en extraient des particules, puis retournent chacun à leur occupation. À Dannyland, Keeg est en train de stabiliser 2 habitants de Danny pour éviter qu'ils ne se détruisent en se touchant. Jane (Kay Challis) vient le retrouver et ils parlent de ses expériences, du sommeil de Larry Trainor et du père de Jane. Casey Brinke est en train de sortir de l'immeuble où se trouve son appartement, et elle se rend compte qu'un homme chat est assis sur les marches menant à la porte d'entrée. Elle reconnaît Lotion, son chat. Elle lui propose qu'il séjourne quelques temp chez elle, car sa colocataire n'est pas là pour le moment. Elle se rend ensuite à Dannyland, dans la salle de projection de cinéma, où Keeg explique à elle, Robotman, Jane et
Flex Mentallo que Danny est blessé et qu'il a besoin d'un être humain pour servir de point de référence. Ailleurs Lucius Reynolds rentre chez lui et refuse de parler à ses parents. Dans les supermarchés des États-Unis, un nouveau produit de type complément nutritionnel fait fureur.
Avec la première moitié de saison,
Gerard Way avait prouvé au lecteur qu'il était capable de faire sien les personnages de al Doom Patrol, tout en en respectant l'esprit : un groupe de réprouvés traversant des aventures débridées. Au fil de ces 4 épisodes, le lecteur retrouve l'inventivité du scénariste qui ne manque pas d'idées : un chat anthropomorphe, un complément alimentaire miracle, des Mechas, un jeune apprenti sorcier, l'incarnation de la Déception (Haxxalon) qui est marquée d'un tampon interdisant sa diffusion, un personnage qui n'a que les jambes et le basin (en slip), une danseuse de claquette, un mariage arrangé, une grossesse accélérée, des spectateurs exigeants. Il sait aussi reprendre des éléments antérieurs de séries précédentes et les assaisonner à sa sauce : la Confrérie Dada, Danny
La Rue, le métro dans la tête de Jane etc. Il ne se contente pas d'enfiler les trouvailles et les nouvelles versions ; il y a bien un fil directeur constituant une intrigue, avec une dimension métaphorique de type métacommentaire. le lecteur ne s'ennuie pas un instant, étourdi par les nouveautés incessantes.
Pour ces 4 épisodes, Nick Derrigton &
Tom Fowler sont de retour, dessinant de manière réaliste, avec un bon niveau descriptif, et une petite simplification avec des arrondis qui neutralisent la dimension dramatique du récit. Ils se montrent à la hauteur de l'inventivité du scénario donnant à voir Keeg (l'entité qui habite le corps de Larry Trainor) en train de travailler,
Flex Mentallo en train d'être testé par des appareillages émettant une lumière verte, Casey Brinke ressentant les effets psychédéliques du complément alimentaire, les 2 Mechas dans la rue, les nouveaux membres de la confrérie Dada, le désordre dans la chambre de Lucius Reynolds, la grossesse de Terry None et bien sûr Disapointment. Ils réussissent à se montrer à la hauteur des créatures loufoques et des inventions de
Gerard Way, en conservant un ton enjoué, une apparence de dessins tout public.
Tamra Bonvillain utilise une palette de couleurs gaies, ajoutant à cette tonalité bon enfant. le lecteur trouve 2 pages d'explication du processus de mise en couleurs, en fin de volume. Elle explique comment elle commence par appliquer des couleurs unies sur les formes détourées, puis elle ajoute des ombres, des nuances dans chaque couleur, elle joue sur les contrastes et les valeurs des couleurs, et fait enfin ressortir les onomatopées. le lecteur ne prend pas conscience de tout ce processus à la lecture, car le rendu semble simple, mais il peut revenir a posteriori pour regarder comment cela fonctionne et constater la réalité de ce qu'explique Bonvillain.
Par la force des choses, le lecteur est tenté de comparer cette itération de la Doom Patrol à celle de
Grant Morrison, une référence en matière de métacommentaire. Dans celle de
Gerard Way, il retrouve cette volonté de sortir des chemins balisés, mais avec une narration graphique qui reste dans un registre classique. Il retrouve également des personnages concepts. Il y a tout d'abord les nouveaux membres de la confrérie Dada. Ceux-ci constituent un bon exemple de ce que réussit à accomplir le scénariste. Les 4 nouveaux sont présentés chacun en une case au cours de l'épisode 9. Ils sont résumés en un slogan chacun : pas d'émotion, pas de dissimulation, pas de pantalon, pas de problème. À ce stade, le lecteur y voit une forme de ligne comportementale pour chacun, adaptée à la pression sociale. Mais par la suite, Way ne réussit pas à faire ressentir ces profils psychologiques ou ces comportements dans les apparitions ultérieures de ces personnages. le personnage incarnant le fait d'être déçu (The Disaptoinment) bénéficie de plus de temps d'exposition dans les pages. Il participe lui aussi d'un concept amusant : le superhéros qui n'a pas réussi à s'inscrire dans l'inconscient collectif et qui est retourné dans les limbes des personnages sans avenir. Ce concept est plus consistant que celui des nouveaux membres de la confrérie mais il lui manque un grain de folie pour s'élever au-dessus d'une dimension qui reste trop littérale. Toutefois de temps à autre, le scénariste réussit sa mise en abîme ironique de manière magistrale, par exemple avec les spectateurs dieux.
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Épisode 12 (dessins et encrage de
Dan McDaid, couleurs de
Tamra Bonvillain) - Lucius Reynolds (le fils), Sam Reynolds (le père) et Val Reynolds (la mère) suivent le démon Agantha dans la dimension Daemonscape pour combattre Magoth the Unliving, mais il faut déjà atteindre son château.
Gerard Way raconte ce qui est arrivé à cette famille (les parents et leur fils) entre 2 pages de l'histoire de Doom Patrol. La couverture indique qu'il réalise un hommage à TSR, l'éditeur de jeux ayant publié le jeu de plateau Donjons et Dragons. Il met en oeuvre les conventions du genre : combat à l'épée, sorcellerie, gros monstres et gobelins, avec quelques détournements postmodernes gentillets.
Dan McDaid réalise des dessins plus comics que Sword & Fantasy, avec le degré d'inventivité requis, sans moquerie. le lecteur s'amuse à découvrir cette quête rapide, avec une chute bon enfant et familiale.
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Avec cette saison de la Doom Patrol, Gerad Way joue le jeu de mettre en scène une équipe de réprouvés n'ayant aucun espoir de jamais s'intégrer dans la société normale, et de jouer avec la liberté de ton propre à cette série pour créer des ennemis métaphoriques, et des situations loufoques. Si le lecteur découvre cette équipe avec cette version, il est impressionné par cette liberté de ton, et il apprécie que le dessinateur sache se tenir à distance des clichés visuels des superhéros, pour une narration moins testostéronée, mais tout aussi débarrassée du carcan du réel, 5 étoiles. S'il a déjà la Doom Patrol de
Grant Morrison, le lecteur constate que la partie graphique reste assez sage, et que la narration de Gerad Way reste un peu sage, pas assez vitale dans son implication, 4 étoiles.