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Bryan Talbot (Illustrateur)
EAN : 9781595828507
96 pages
Dark Horse (21/02/2012)
5/5   2 notes
Résumé :
Part personal history, part biography, Dotter of Her Father''s Eyes contrasts two coming-of-age narratives: that of Lucia, the daughter of James Joyce, and that of author Mary Talbot, daughter of the eminent Joycean scholar James S. Atherton. Social expectations and gender politics, thwarted ambitions and personal tragedy are played out against two contrasting historical backgrounds, poignantly evoked by the atmospheric visual storytelling of award-winning graphic-n... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Il s'agit d'un récit complet initialement paru en 2014. le scénario est de Mary M Talbot, les dessins, l'encrage et la mise en couleurs de Kate Charlesworth. Bryan Talbot a apporté son aide à la réalisation de l'ouvrage, dans une mesure non précisée. Lui et Mary Talbot avaient déjà réalisé ensemble Dotter of her father's eyes, ouvrage évoquant la vie de la fille de James Joyce.

Comme son titre l'indique, ce récit se focalise sur le mouvement des suffragettes en Angleterre, couvrant la période de 1905 à 1916, avec un épilogue en 1969. le récit commence en 1912, avec une scène sur le procès d'Helen Millar Craggs, suffragette, accusée d'acte de destruction. Toujours en 1912, la scène suivante montre le premier ministre anglais Asquith en visite à Dublin se faire agresser par une suffragette. Enfin, toujours en 1912, les époux Emmeline et Frederick Pethick-Lawrence apprennent que le gouvernement a saisi leur maison pour rembourser les frais causés par les destructions des suffragettes.

Le récit reprend ensuite un ordre chronologique en repartant en 1905, alors que Sarah Heathcote est recueillie comme bonne à tout faire dans la demeure de madame Emmeline Pankhurst.

Dans un premier temps, le lecteur s'interroge sur le choix de débuter le récit en 1912, pour revenir peu de pages après en 1905. Il est indubitable que cela crée une tension dramatique, de savoir que les personnages que l'on voit évoluer à partir de 1905 finiront par se séparer en raison d'un désaccord sur les actions à mettre en oeuvre.

Passé cette petite interrogation sur ce choix narratif, le lecteur comprend qu'il entre de plein pied dans une fiction historique, ayant pour objet les suffragettes, c'est-à-dire les militantes de la Women's Social and Political Union (WSPU), des activistes militant pour le droit de vote des femmes au Royaume Uni, en utilisant des méthodes provocatrices et même agressives. Les Talbot et Charlesworth convient le lecteur à une reconstitution historique et à l'histoire d'un mouvement civique.

Kate Charlesworth réalise des dessins avec une approche réaliste, sans obsession du détail, sans rechercher un rendu photographique. Elle s'attache à reproduire fidèlement les lieux d'époque, ainsi que les tenues vestimentaires. le lecteur peut donc reconnaître plusieurs quartiers de Londres (où se déroule la majeure partie du récit), ainsi que détailler les tenues vestimentaires, les rues, les façades, les parcs municipaux, ou encore les voitures. Il peut accorder sa confiance aux images qu'il découvre pour respecter la véracité historique.

La dessinatrice s'attache à représenter des personnages normaux aux morphologies variées, évoluant dans des environnements plausibles. Ainsi le lecteur peut apprécier les aménagements intérieurs reflétant le niveau de revenus des habitants, depuis les intérieurs bourgeois cossus aux meublés exigus.

Le lecteur apprécie également l'usage particulier des couleurs. La majeure partie des dessins ne sont rehaussés que par des lavis de gris, parfois légèrement teinté de bleu. Cet usage des lavis donne certes un air daté aux pages (pour renforcer le fait qu'il s'agit de faits historiques), mais il permet également d'autres effets. En particulier, l'artiste se sert des lavis pour donner du volume à chaque surface (sans que cela ne devienne un festival de dégradés lissés). L'usage majoritaire de lavis gris permet aussi de faire ressortir les éléments qui bénéficient d'une autre couleur. Il en va ainsi de la chevelure flamboyante de Sally Heathcote (le personnage principal), immédiatement repérable grâce à cette tâche de couleur orange sur fond de niveaux de gris.

L'emploi de lavis gris permet également à Kate Charlesworth de faire ressortir avec plus de force les couleurs du WSPU : le vert, le blanc et le violet (Green, White, Violet, ce qui donne GWV qui peut aussi se lire Give Women Votes). de par la nature du récit, elle se retrouve souvent à dessiner des visages en train de parler (au moins le tiers des cases). le lecteur apprécie à nouveau l'approche naturaliste de l'artiste qui ne cherche pas à embellir chaque personnage.

Charlesworth s'investit de manière visuelle dans la représentation des visages en train de parler, en particulier pour faire apparaître les émotions animant les interlocuteurs. Si certaines bouches sont dessinées de manière un schématique, les expressions transcrivent bien l'état d'esprit de l'individu, de la passion qui l'habite, à la souffrance qu'il éprouve. Cette application lui permet de donner à voir au lecteur la souffrance physique des grévistes de la faim nourries de force, ou encore la détermination implacable d'Emmeline Pankhurst, avec son visage fermé, ses traits tirés et son air désagréable. L'artiste réussit à faire passer l'émotion, sans transformer le lecteur en voyeur, sans représenter les détails les plus sordides.

À la fin de ce tome, le lecteur trouve une chronologie sur 2 pages, 18 pages de notes de l'auteure explicitant chaque référence, ainsi que 2 pages de références bibliographiques. Mary Talbot prévient en début des 16 pages de notes qu'elles ne sont pas indispensables à la compréhension du récit, et qu'elles gagnent à être lues après l'histoire. Elle souhaite donc que le lecteur apprécie cette histoire, avant tout comme un récit. Pour mieux rendre compte du mouvement des suffragettes, elle introduit donc le personnage fictif de Sally Heathcote qui permet au lecteur de mieux se projeter dans l'époque, et d'éprouver ses sentiments.

Sally Heathcote n'a rien ni d'une dangereuse agitatrice, ni d'une idiote manipulée. C'est une jeune femme qui est le produit de son époque et de sa catégorie sociale (une orpheline laissée aux bons soins d'une institution (un atelier de travail pour enfants), et prise en charge par Emmeline Pethick-Lawrence. Elle sait lire ce qui lui permet de s'instruire au fur et à mesure qu'elle se trouve entraînée dans ce combat pour gagner le droit de vote féminin.

Mary Talbot ne s'attache pas à montrer la misère des classes ouvrières, ni même les situations précaires des femmes seules, ou veuves ayant des enfants à charge. Ces situations ne sont qu'évoquées par des tierces personnes, mais pas montrées. L'enjeu véritable du récit réside dans la présentation d'un mouvement de revendication, avec ses différentes facettes, en suivant une suffragette équilibrée, proche d'Emmeline Pankhurst, mais pas sa secrétaire particulière.

À la fin du récit, le lecteur peut éprouver un sentiment de déception en fonction de ce qu'il était venu chercher. En effet il s'arrête en 1916, c'est-à-dire avant la mise en place partielle (1918) ou totale (1928) du droit de vote des femmes. Les auteures se sont donc plus attachées à rendre compte du mouvement des suffragettes, de leur mode de fonctionnement, de leur financement, de leur choix de tactiques, vécu au niveau d'une suffragette. Avec cet objectif en tête, le lecteur se rend compte qu'il est atteint de manière admirable.

Les auteures plongent le lecteur dans le contexte social de l'époque, plus ressenti au travers des conversations, et vu dans les images (plutôt que longuement expliqué). Il assiste aux discussions menant aux choix de stratégie et de modes d'action. Il voit par lui-même la difficulté de mobiliser les élus, et l'opinion publique. Il constate les modalités de répression utilisées par le pouvoir en place pour étouffer le mouvement. Si les dessins édulcorent quelque peu la réalité des actions, ils en montrent bien les conséquences, et la narration met en lumière les risques pour les suffragettes.

Le lecteur découvre ainsi les premières grèves de la faim, les brutalités liées au nourrissage par la force, ou encore la répression des manifestations par les forces de l'ordre. Il comprend parfaitement l'intelligence de la loi dite "Chat et Souris" (Cat and mouse act") qui consiste à relâcher les grévistes de la faim trop affaiblies, et à les réincarcérer une fois leur vie hors de danger. Les notes en fin d'histoire permettent d'attester du sérieux des recherches effectuées par l'universitaire qu'est Mary Talbot.

"Sally Heathcote: Suffragette" réussit son pari : faire revivre les actions des suffragettes en les replaçant dans leur contexte social et historique, sans rien gommer du caractère illégal de certaines de leurs actions, au travers de la vie et des yeux d'une jeune femme. Mary Talbot, Kate Charlesworth, et Bryan Talbot racontent avant tout une histoire, un bon roman, avec une narration fluide, sans lourdeur dogmatique ou académique, une belle réussite.
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Il s'agit d'un récit complet semi-autobiographique en 1 tome, avec un scénario de Mary M. Talbot et des illustrations en couleurs de Bryan Talbot (son mari). Mary Talbot est une universitaire spécialisée dans le langage et la communication médiatique, Bryan Talbot est un auteur de comics anglais ayant plusieurs créations à son actif dans une palette de genres très large. Il y a aussi bien de l'espionnage transdimensionnel (The adventures of Luther Arkwright), qu'une uchronie au dix-neuvième siècle (Grandville), une reconstruction d'une adolescente après maltraitance (The Tale of One Bad Rat), ou un récit sans parole (Metronome).

Mary Talbot s'apprête à prendre le train. Alors qu'elle farfouille dans un tiroir pour retrouver sa carte de transport, elle tombe sur une carte avec une photographie d'identité de son père, et une phrase extraite de Finnegans wake de James Joyce lui revient à l'esprit. Une fois installée dans le train, elle lit une biographie de la fille de James Joyce : Lucia Joyce de Carol Loeb Shloss. Une dispute entre 2 enfants dans les sièges à coté lui rappelle ses relations avec ses 4 frères quand elle était enfant. Tout au long du récit, elle va évoquer ses souvenirs alors qu'elle grandit, jusqu'à son engagement avec Bryan, la naissance de son premier enfant et la cérémonie d'enterrement de son père. Elle va en particulier passer en revue l'évolution de sa relation et de ses sentiments vis-à-vis de son père qui était un érudit spécialisé dans l'oeuvre de James Joyce, ayant toujours une citation de l'écrivain aux lèvres. En parallèle de ces souvenirs, elle évoque également l'enfance et l'émancipation de Lucia Joyce vis-à-vis de ses propres parents.

Cette histoire propose donc un récit autobiographique sous la forme d'un adulte évoquant son enfance, avec le recul né des années, entremêlé avec un récit biographique de la vie de Lucia Joyce. Dans les 2 cas, Mary Talbot évoque la relation père-fille, la place sociale implicite de la femme à l'époque concernée, l'importance de l'éducation dans l'émancipation de l'individu, et le cheminement vers la condition d'adulte. Les repères donnés dans le récit permettent de situer le début de l'autobiographie au milieu des années 1950 (fin du rationnement au Royaume Uni en 1954) et la biographie de Lucia Joyce indique qu'elle est née en 1907. Mary Talbot a opté pour une construction narrative en douceur qui raconte quelques moments choisis dans sa vie qui permettent de présenter son contexte familial, de voir la manière dont elle percevait son père au fil des années, à la fois par le biais de sa réaction de l'époque, et par une courte remarque insérée en dessus de l'illustration, en plus des dialogues, c'est-à-dire un bref commentaire avec l'avantage du recul procuré par les années passées. Elle trouve un équilibre magique pour intéresser son lecteur à ces petites scènes de la vie de famille, tout en insérant les éléments nécessaires à l'appréciation des aspects culturels relatifs à James Joyce.

N'ayant jamais lu de James Joyce et ne m'étant jamais intéressé à sa vie, je n'étais pas convaincu de me sentir impliqué par cette étrange imbrication entre la vie de Lucia Joyce et celle de Mary Talbot, baignant dans la personnalité de cet auteur hors norme. En fait les phases d'apprentissage de Lucia et Mary permettent à l'auteur d'insérer les éléments de connaissance indispensables, de manière naturelle au fil de la narration. Évidemment la lecture de "Dotter of her father's eyes" ne se substitue pas à la lecture de l'oeuvre de Joyce. Mais cette lecture m'a donné envie de m'intéresser à cet auteur, c'est ainsi que j'ai découvert la genèse extraordinaire de la traduction de "Finnegans wake" en français.

Au fil de ces scènes de la vie quotidienne, le lecteur se familiarise avec quelques aspects de la vie de Joyce, et une vision très parcellaire de l'importance de son oeuvre dans la littérature. Toutefois, ces éléments restent secondaires et entièrement au service de l'évocation de la vie de ces 2 femmes. Effectivement, petit à petit, le lecteur se laisse prendre au jeu de cette construction de la personnalité de 2 individus à 2 époques différentes. Mary Talbot parle avec intelligence de l'importance de l'instruction dans l'évolution d'un individu, du poids des conventions sociales, de l'incompréhension qui sépare une génération de la suivante (entre parents et enfants) du fait que chacune construit sa vie avec l'autre dans un rapport de nature différente. Au fil des pages, le lecteur se prend d'intérêt pour ces 2 femmes, et il se retrouve au sein d'une riche tapisserie dont la trame comprend aussi bien des fils sociétaux, qu'historiques, que littéraires, que psychologiques, de générationnels, etc.

Pour mettre en image ce roman autobiographique, Bryan Talbot utilise un style réaliste légèrement simplifié pour le rendre facile à lire. Chaque case montre un souci de l'authenticité des détails. Par exemple lorsque Mary continue d'effriter le plâtre d'un coin de mur, Talbot représente à la fois les briques mais aussi la cornière qui protège l'arrête de l'angle. Lorsqu'elle se trouve dans l'escalier de la maison familiale, le lecteur peut voir les barres transversales qui maintiennent le tapis de l'escalier en place. Au fil des années qui passent, le lecteur peut reconnaître un vieux modèle de téléviseur, ou apprécier les tenues vestimentaires de l'époque hippie. Cette volonté de rendre compte de l'environnement de l'époque s'étend également à la période concernant Lucia Joyce. Il s'agit d'un dispositif narratif permettant au lecteur de mieux s'immerger dans chaque scène ; toutefois ce dispositif ne devient jamais la raison d'être des images, il reste toujours en retrait.

Afin d'éviter toute ambigüité lors du passage d'une époque à l'autre, les scènes relatives à Mary sont dans une teinte sépia, et celles relatives à Lucia dans une teinte bleutée. Mary et Bryan Talbot ont travaillé en étroite collaboration, ce qui aboutit à des scènes d'apparence simple, qui transmettent les sentiments des individus avec aisance. Au fil des pages, le lecteur ressent la difficulté de s'affirmer de Mary face à son père, ainsi que les sentiments contradictoires qu'il génère en elle. La direction d'acteurs et le langage corporel portent énormément d'émotions. Les dessins prosaïques de Talbot expriment toute leur force également grâce à une mise en scène aussi rigoureuse qu'efficace. La description du premier accouchement de Mary est difficile à soutenir : en 3 cases muettes et discrètes les Talbot réussissent à faire passer la détresse de la jeune femme devant le déroulement des opérations.

Mary et Bryan Talbot racontent un récit mi-autobiographique, mi-biographique, qui évoquent aussi bien la condition de la femme à 2 époques différentes (sans militantisme, et d'un point de vue résolument féminin), que l'impact de la littérature sur la vie de ces individus, et de James Joyce directement (pour Lucia) ou indirectement pour Mary Talbot (par l'intermédiaire de son père). Il s'agit d'un voyage simple à partir de scènes de la vie de tous les jours, qui recèlent une grande richesse thématique.
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