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EAN : 9782849505038
Syllepse (08/07/2016)

Note moyenne : /5 (sur 0 notes)
Résumé :
De quel droit ?
Ils ont répété que le Code du travail était poussiéreux, obèse, ringard. Un frein à la compétitivité, à la flexibilité, à la modernité… Place à la loi travail !
En réponse : la révolte sociale, les pétitions, les manifestations, les grèves, les Nuits debout… Et un gouvernement qui déchaîne la répression, tire à boulets rouges sur la CGT, dégaine l’article 49.3 pour étouffer le débat parlementaire et rappeler à l’ordre sa propre majorité... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Une nouvelle pluie d'encre pour effacer les droits des salarié-e-s

Comme pour les précédents numéros, je n'aborde, choix très subjectif, que certains articles.

Les nouvelles législations, dont la nouvelle Loi El Khomri vise à reconfigurer le droit du travail « en subordonnant la négociation collective d'entreprise à la recherche de la compétitivité ». Il y a là un déplacement significatif d'un droit visant à « corriger » la subordination des salarié-es dans l'entrepris à un droit de défense des intérêts des sociétés.

Je rappelle deux extraits de textes du Collectif critique : « Etrangement, certains syndicalistes défendent le principe de subordination comme fondateur de droits, alors qu'il n'est que le résultat négatif de la reconnaissance douloureuse du collectif. La portée subversive de droits étendus, par exemple le droit de tous et toutes à participer au travail, dans une société sans chômage, ou le droit de « participer à la gestion des entreprises » (préambule de la Constitution) débouche sur un dépassement de la logique contractuelle, vers une logique de droits politiques universels (droit au salaire, salarisation de la protection sociale, contrôle du travail), et une logique pleinement statutaire » et « Les « besoins de l'entreprise » sont donc juridiquement compris comme les intérêts des propriétaires du capital, que l'on assimile abusivement dans le texte de loi aux intérêts de toutes les « parties prenantes » selon l'expression aujourd'hui courante. »

Josépha Dirringer analyse l'ubérisation, le capitalisme de plateforme, ces espaces où il semble n'y avoir ni contrat de travail, ni société employeur, ni entreprise comme relation de travail. « le pouvoir devient évanescent et la violence économique reste toujours aussi vive ». Et pourtant, il y a une forme particulière d'intermédiation, de subordination organisée.

L'auteure revient sur les « conditions de limitation de responsabilité », sur l'article introduit dans le Code du travail en 1994 de « présomption de non-salariat ». Elle analyse les liens de subordination, les relations contractuelles dissimulant « l'existence d'un contrat de travail », les conditions imposées de manière unilatérales par Uber, le modèle économique ne s'appuyant pas directement sur l'exercice d'un pouvoir de direction…

Elle discute de l'attachement des droits sociaux « à la personne, à l'individu, et non statut », du risque d'individualisation, de l'absence d'encadrement du pouvoir économique du donneur d'ordre, d'« assujettissement généralisé des individus « actifs » ».

Josépha Dirringer termine sur un « droit commun du travail subordonné et parasubordonné », l'accent mis sur le rapport social, « le pouvoir auquel sont soumis les travailleurs », la responsabilité de ceux qui ont « le véritable pouvoir décisionnel ».

Ces propositions sont une tentative de correction, en termes de droit, de phénomènes d'externalisation des emplois, d'explosion des formes de sous-emploi, des pseudo-statuts d'entrepreneur (qui ne semble exister qu'au masculin !). Elles ne sauraient, à mes yeux, suffire seules pour répondre aux nouvelles formes d'organisation des chaines d'extorsion de la valeur. Il conviendrait de rechercher aussi des articulations avec la suppression de la responsabilité juridiquement limitée des actionnaires, la transformation du droit contractuel encadrant les donneurs d'ordre, la notion de collectif locaux de salarié-e-s et des droits des institutions représentatives du travail (IRP) comme dans les zones d'activités industrielles ou commerciales, les centres commerciaux, l'intégration des franchisés et des sous-traitants dans les périmètres des groupes, etc.
Je souligne aussi la démarche du Groupe de recherche pour un autre Code du travail (GR-PACT) dont les premiers résultats sont présentés par Emmanuel Dockès. le titre de cette note est inspiré d'une phrase de l'auteur.

Celui-ci rappelle la philosophie générale du texte du gouvernement : « affaiblissement de la loi et des conventions collectives de branche, flexibilités nouvelles applicables au temps de travail, incitation à l'allongement de la durée du travail, ouverture de la liberté de licencier sans motif réel, régression des droits des chômeurs, affaiblissement de la force de résistance du contrat individuel, etc. »

La démarche du groupe de recherche est « de créer des contre-propositions d'avenir et de démontrer qu'il est possible de repartir dans l'autre sens ».

Comme le rappelle l'auteur, aucun code du travail n'est neutre, il s'agit de réponses législatives à la situation de subordination systémique des salarié-e-s.

Emmanuel Dockès développe autour de « Pour un autre droit du temps de travail » : meilleure lisibilité du droit du temps de travail, favoriser l'emploi plutôt que favoriser l'allongement de la durée du travail, socle des 35 heures, reconnaître le temps libre comme notion juridique et comme droits des salarié-e-s, garantir la prévisibilité du temps libre, « la prévisibilité du temps libre et le besoin social d'un temps libre collectif expliquent aussi qu'il ait été choisi de renforcer la prohibition du travail le dimanche », définition large du salariat, favoriser les négociations collectives et les conclusions de conventions collectives, suppression du compte épargne temps, laïcisation des jours fériés , congé paternité obligatoire et identique au congé maternité…

Les trois autres articles du dossier traitent en détail des atteintes au droit du travail devant la justice (discriminations syndicales), du droit à la santé et de l'autonomie individuelle et collective.

Je regrette qu'une fois de plus, les auteur-e-s contournent largement le rappel de Danielle Kergoat : « travailleuse n'est pas le féminin de travailleur ».

J'ai notamment apprécié l'entretien avec Cyrille Hanappe, mené par Florence Prudhomme : « Archéologie et avenir des bidonvilles », l'invention de ce qui fait le « commun », l'espace urbain, l'espace public, les abords, l'espace politique…

« Faire le relevé, le dessiner, en rendre compte, c'est le nommer, c'est lui donner une identité et c'est faire comprendre que ces lieux existent et que des gens y vivent, des êtres humains, qui nous ressemblent plus qu'on pourrait le croire »

Dans deux articles, Pierre Salama aborde la situation au Brésil. Au delà de la corruption, il me semble important de revenir sur les grandes évolutions économiques : la reprimarisation sans industrialisation, la non rupture de la logique des économies rentières, « l'absence de réformes structurelles visant à mettre en place un système fiscal qui ne soit pas régressif et une politique industrielle moins clientéliste » ou pour le dire autrement « La crise actuelle au Brésil est révélatrice à la fois des limites d'un régime de croissance qui, tout en négligeant l'industrie au profit d'activités primaires, favorise la distribution des revenus pour les catégories les plus pauvres »

Je souligne aussi un juste et opportun rappel « la richesse vient en grande partie du travail et donc de la production, que les classes et groupes sociaux se définissent avant tout par leur positionnement au regard des rapports de production et non par des tranches de revenus ».

Enfin, j'invite à lire l'entretien avec Michèle Riot-Sarcey « La référence au passé est un moteur de l'histoire » publié avec l'aimable autorisation de l'auteure
 et de la revue sur le blog "entre les lignes entre les mots"
Une introduction possible à son bel ouvrage le procès de la liberté. Une histoire souterraine du XIXe siècle en France.
« Se mettre à la place du guetteur, dans la position de celui qui s'éveille d'un long sommeil, n'est pas chose facile »…



Lien : https://entreleslignesentrel..
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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
Faire le relevé, le dessiner, en rendre compte, c’est le nommer, c’est lui donner une identité et c’est faire comprendre que ces lieux existent et que des gens y vivent, des êtres humains, qui nous ressemblent plus qu’on pourrait le croire
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La crise actuelle au Brésil est révélatrice à la fois des limites d’un régime de croissance qui, tout en négligeant l’industrie au profit d’activités primaires, favorise la distribution des revenus pour les catégories les plus pauvres
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la richesse vient en grande partie du travail et donc de la production, que les classes et groupes sociaux se définissent avant tout par leur positionnement au regard des rapports de production et non par des tranches de revenus
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« Se mettre à la place du guetteur, dans la position de celui qui s’éveille d’un long sommeil, n’est pas chose facile »…
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Le pouvoir devient évanescent et la violence économique reste toujours aussi vive
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