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EAN : 9782955980071
144 pages
Contrelittérature (16/02/2023)
5/5   1 notes
Résumé :
Le mot “gnose” est utilisé dans cet ouvrage au sens étymologique du grec gnosis, connaissance, pour désigner un état d’être dans le monde propre à la pensée anarchiste. L’auteur a choisi ce mot, discrédité dans l’histoire des religions institutionnalisées, pour marquer l’aspect hérésiarque de sa propre recherche, dans un moment historique où le mot connaissance est insidieusement confondu avec celui de science.

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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
L'ouvrage d'Alain Santacreu est simultanément une « quête » et une enquête. Une enquête sur la nature et les causes de la conscience anarchiste ; et une quête de la sorte de connaissance qui se déploierait dans une société anarchiste.

Cette connaissance ne serait assurément pas une doxa et pas plus un ensemble de dogmes, car la première évasion anarchiste, que chacun peut expérimenter, s'opère contre « la domination de l'opinion ».

Cette connaissance relève de l'anarchie positive – en opposition créatrice aussi bien à la domination qu'à l'anarchie dans le sens du désordre – anarchie positive qui tient ensemble les contraires, non dans leur effacement ou leur dilution, mais dans le dynamisme propre à la vie elle-même ; dynamisme qui signale la conscience éclairée : « pour voir, il faut se tourner à la fois vers la lumière et vers l'ombre, voir le noir et blanc simultanément. »

Faute de quoi l'on retombe et l'on retombera dans « l'homogénéisation totalitaire », qui rend la vue grise, quelle que soit la profusion des couleurs de nos écrans.

Il s'agit d'oeuvrer à cette “dialectique de l'équilibre” qui faisait dire à Proudhon que « la plus haute perfection de la société se trouve dans l'union de l'ordre et de l'anarchie. »

Le dynamisme de la vie, Alain Santacreu s'en approche en convoquant la notion complexe de « tiers inclus » (héritée de Stéphane Lupasco), dont on se contentera ici de souligner qu'elle ruine l'absoluité du principe de non-contradiction, invitant à sortir de la binarité, en assumant la tension créatrice qui non seulement permet les dépassements, mais vit de sa vie propre.

L'auteur développe de là une pensée de l'interstice, de « l'intervalle » par où « il est possible de s'extraire du rêve imposé par la “Société du spectacle” » (un camarade nous a fait remarquer qu'on trouve aussi cette notion d'intervalle, et de manière persistante, dans la culture japonaise ancienne. le Ma, l'espace entre les choses mais qui est dans le même temps ce qui les relie et où se concentre l'essentiel de la tension. S'y rajoute également la notion de seuil, ce par quoi l'on accède).

A cette idée d'intervalle s'adjoint celle de talvera : les dictionnaires en donnent une signification négative : « espace qu'on ne peut labourer ». « Pourtant, poursuit l'auteur, il existe en occitan le verbe talverar qui signifie « travailler les bords d'un champs ». En effet, si la lisière du champ peut être laissée en friche pour servir de chemin entre les parcelles cultivées, il est possible de la travailler d'une autre manière que le champ.
C'est ainsi, qu'aux sillons labourés dans la longueur peuvent s'en substituer d'autres, tracés dans la largeur par le piochage, le bêchage et le sarclage de la terre. On y produit alors des cultures “mineures” : choux, betteraves, pommes de terre, etc. »
Et de poursuivre : « l'oubli de la talvera – non seulement du concept mais du mot qui le désigne – doit être mis en perspective avec toutes les dominations élitistes qui privilégient le centre aux dépens de la périphérie. le concept de talvera prouve la nécessaire hétérogénéité de l'espace social. Il rompt l'uniformisation imposée par la réduction centralisatrice d'un modèle unique. »

Nous voici donc à la lisière d'un autre monde, intervalle d'où se conçoit, renaît et s'expérimente, pour reprendre les mots de Gustav Landauer, « la communauté primordiale et universelle : la communauté avec le genre humain et avec l'univers. »

Aussi prisonniers que nous nous trouvions du « camp globalisé », « réalisation finale de l'espace capitalistique, l'espace d'exception analysé par Agamben », « zone d'indistinction indéfinie de la marchandise », l'auteur peut donc relever que pourtant « chacun d'entre nous occupe un point de l'espace-camp d'où il lui appartient de s'élever pour renaître à l'humain. »
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Citations et extraits (10) Voir plus Ajouter une citation
Le 16 février 1881, Véra Zassoulitch écrivait une lettre à Marx pour qu’il se prononçât sur la question de la commune rurale (appelée mir ou obchtchina). Fallait-il, en se référant au Capital, laisser dépérir cette forme sociale archaïque, selon « la théorie de la nécessité historique pour tous les pays de passer par la phase de la production capitaliste » ? Ou fallait-il considérer, tels Herzen et Tchernychevski, que le mir était le fondement de la société communiste, le moyen pour la Russie de sauter l’étape du capitalisme et de parvenir au socialisme par ses propres voies?
Marx lui répondra, quelques semaines plus tard, le 8 mars, par une lettre assez courte où il précise que les analyses du Capital ne s’appliquant qu’à l’Europe occidentale, on ne peut donc écarter l’idée que la commune rurale puisse jouer un rôle.
(...)
Selon Pier Paolo Poggio, le Karl Marx de la « lettre à Véra Zassoulitch » développe un chapitre des Grundisse : « Formes antérieures à la production capitaliste. »
Contrairement à l’époque moderne, dans toutes les sociétés prémodernes liées à la terre, le but de l’économie n’est pas la production de la richesse en tant que telle mais la conservation et la reproduction de l’individu au sein du rapport spécifique qui le lie à la communauté. Sa lecture de la commune paysanne, rejetée par la grande majorité des marxistes, procède de l’idée d’un potentiel anticapitaliste du mir. Pour le dernier Marx, le vecteur de la révolution sociale se trouvait dans la commune paysanne.
(...)
La compression spatio-temporelle aboutit ainsi au « village planétaire » de McLuhan, expression, devenue cliché, qui signifie que du plus petit point de l’espace (le lieu) au plus grand (la Terre), il n’y a plus de niveaux d’échelles intermédiaires ; et plus encore, que la notion même d’échelle perd toute pertinence face à un espace local mondialisé. La signification du « village » – symbole paradigmatique du lieu, à l’image de la commune villageoise du mir – se retrouve inversée dans l’expression du non-lieu planétaire.
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Quelle est donc la fonction de la talvera ? Les dictionnaires, semble-t-il, donnent une signification trop négative : « espace qu’on ne peut labourer ». Pourtant, il existe en occitan le verbe talverar qui signifie « travailler les bords d’un champs ». En effet, si la lisière du champ peut être laissée en friche pour servir de chemin entre les parcelles cultivées, il est possible de la travailler d’une autre manière que le champ.
C’est ainsi, qu’aux sillons labourés dans la longueur peuvent s’en substituer d’autres, tracés dans la largeur par le piochage, le bêchage et le sarclage de la terre. On y produit alors des cultures “mineures” : choux, betteraves, pommes de terre, etc.
(...)
L’oubli de la talvera – non seulement du concept mais du mot qui le désigne – doit être mis en perspective avec toutes les dominations élitistes qui privilégient le centre aux dépens de la périphérie. Le concept de talvera prouve la nécessaire hétérogénéité de l’espace social. Il rompt l’uniformisation imposée par la réduction centralisatrice d’un modèle unique.
(...)
Avant la grande mue du capitalisme industriel, le paysan déterminait lui-même le rythme de son travail ; il agissait en homme libre, aussi pauvre qu’il puisse être. Aujourd’hui la cadence agricole de la production intensive a remplacé le rythme donné par la talvera ; et l’agriculteur, dans l’entreprise de son champ, dépossédé de son propre temps humain, subit le même
déracinement que l’ouvrier à l’usine.
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Nous avons vu que les termes topos et chôra correspondaient respectivement aux notions d’espace et de lieu, mais il y a un autre mot du grec ancien : Metaxu qui signifie “intervalle”. C’est un mot de Platon que Simone Weil a repris pour désigner ces « vrais biens terrestres » qui nourrissent l’âme, et qu’elle définit comme « un milieu humain dont on n’a pas plus conscience que de l’air qu’on respire. »
(...)
Metaxu est ce qui, dans ce monde globalisé, isole, enferme, mais peut ouvrir la voie vers la rencontre de l’autre : la possibilité initiatique d’un passage vers la fraternité humaine, vers la redécouverte de la pensée du commun.
(...)
Le livre perdu d’Héraclite commençait par le fragment où se trouve cette sentence : « Il faut suivre ce qui est commun ». Pour Héraclite, les hommes “éveillés” ont un seul et unique cosmos qui fonde leur communauté. Les “rêvés” se détournent du
cosmos commun car le rêve est singulier et ne peut être partagé.
L’espace-camp interdit aux hommes la pensée du commun et leur impose un rêve que chacun doit consommer solitairement. Les metaxu sont les interstices par lesquels il est possible de s’extraire du rêve imposé par la “Société du spectacle”.
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La complexité progressive de la scène du miracle offre une espèce de décalque de la structure étatique. Elle inclut les instances judiciaires, ecclésiastiques et séculières, garantes de l’ordre social. Le miracle signifie que le sacrement est vrai. Il est vrai, même s’il ne peut être logiquement prouvé. Ainsi, le réel tombe-t-il sous la juridiction d’une instance improuvable : la présence réelle du corps du Christ. L’État chrétien est le gardien du corps mystique et son pouvoir est de droit divin.
Le scénario de l’hostie profanée prouve la validité du sacrement. L’hostie ne peut être profanée que parce qu’elle a été consacrée. Mais ce même scénario démontre que l’hostie est une marchandise sans valeur d’usage, une monnaie que le profanateur échange par un troc contre une marchandise.
Le corps du Christ se découvre monnaie : l’hostie a la forme et la taille d’une pièce de monnaie. Dès le XIIe siècle, elle est confectionnée in forma numi, « en forme de monnaie ». Les moules à monnaie sont les mêmes que les moules à hosties. La monnaie de l’État chrétien est sacrée, c’est ce que signifie très clairement la monnaie d’or créée par Saint Louis, l’agnel. Sous Philippe le Bel l’agnel s’identifie avec l’hostie puisque, à l’image de cette dernière, la pièce est frappée d’une croix sur une face et de l’agneau divin de l’autre.
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Tout individu, soumis au pouvoir homogénéisant de la société, doit être capable de conserver sa singularité biologique en pratiquant l’éthique de l’hétérogène qui vise à contrer la dynamique homogène.
Au plan politique, l’éthique hétérogène se développe sous la forme d’une protestation « libertaire » contre l’homogénéisation totalitaire. Selon Lupasco, l’idéologie socialiste est une pensée homogénéisante qui s’insinue dans l’hétérogénéité biologique essentielle des individus. Au contraire, une éthique biologique instinctuelle va favoriser un individualisme outrancier, une recherche anarchique du profit et du plaisir égoïste. Ce sera l’idéologie du libéralisme sauvage où seule importe la réussite individuelle, un capitalisme des diversités exacerbées.
Constamment les deux éthiques homogène et hétérogène s’affrontent en nous, tant au plan personnel que collectif. Une véritable conscience critique ne peut s’exercer qu’en assumant la tension de ces deux dynamiques. La troisième éthique, que
Lupasco appelle « contradictorielle », consistera précisément à vivre cet antagonisme existentiel, individuel et social, de façon créative, de se maintenir dans l’équilibre instable entre deux « ambiances doctrinaires », l’homogène hostile au dissemblable et l’hétérogène allergique au semblable.
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