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EAN : 9782842056735
511 pages
1001 Nuits (01/04/2004)
4.19/5   13 notes
Résumé :
" Comment pouvoir témoigner de tout cela, comment pouvoir montrer, démontrer, à ceux qui vivent dans un État de droit, à ceux qui sont protégés par une tradition, à ceux qui savent ce qu'est la civilisation, qui peuvent se réclamer des lois, qui peuvent compter sur la logique de la raison s'ils font un plan, attendre une récompense s'ils se sacrifient, comment leur faire comprendre, leur faire voir, ce qu'est réellement l'injustice, le fanatisme, la misère, la répre... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Encore une fois la mer est un roman extrêmement construit où s'affirme avec brio la maîtrise de l'auteur.
Les deux parties du récit, assumées tour à tour par les deux narrateurs-protagonistes (une femme puis son mari artiste homosexuel) dénoncent de façon virulente la mainmise de la Révolution cubaine (donc du système castriste) sur la vie individuelle. l''écriture est fulgurante, le tout est brillant : Reinaldo Arenas est à son meilleur niveau.
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« Encore une fois la mer » est une histoire de récits entremêlés. de fait, le livre est découpé en deux parties de six jours, ou six chants. Dans la première partie, un couple, soit une femme sans nom et Hector, le mari, avec un bébé en très bas âge passent six jours au bord de la mer. le séjour est tout d'abord raconté par la mère. Il est violent, avec des rêves horribles. le récit du mari lors de la seconde partie est découpé en six chants lyriques. On passe du passé, évoqué par la femme, puis à la révolution, bientôt dictature, et le période plus ancienne de leur rencontre. Déjà du point de vue littéraire, tout oppose ces deux parties. La première se fait pratiquement sans interruption, avec un texte dense sur près de 200 pages, avec très peu d'alinéas pour souffler. La découpe en six jours se fait par une petite note dans la marge pour indiquer le changement de jour. Les 206 pages de texte forment un bloc, presque massif. Il n'y a pas d'autres coupures visibles que le sept interlignes qui divisent le texte en huit paragraphes allant d'une à quatre-vingt pages. A noter que le texte à chaque fois commence et finit par « La mer ».
La deuxième partie, narration du mari, est beaucoup plus aérée, avec 6 chants qui correspondent donc aussi aux six jours. Les six chants sont de longueur inégale, allant de 17 à 73 pages. Ce sont des très textes hétérogènes, avec des narrations ou des dialogues, des poèmes sous forme et structure diverses qui comportent aussi bien des strophes ou des listes, ou encore qui apparaissent sous forme de pictogrammes. La typographie est très particulière, avec des changements fréquents et répétés d'alignement, une composition en colonnes décalées ou encore un interlignage variable. C'est ainsi que des parties de chants sont construites avec des longueurs de vers diminuant, en forme de toison pubienne d'ailleurs, ou avec des mots « oui bien sûr ! » ou « en poussant » éclatés, en une lettre majuscule par ligne qui traversent d'autre mots ou phrases. le mélange entre texte ainsi coupé en paragraphes et poèmes en vers libres, est constant. Cette forme même des chants, ainsi que la typographie qui lui est associée, et parfois très libre, en font une séquence de grande liberté formelle. le tout est associé à une mise en page soignée. Ce qui en fait un ensemble très agréable à lire.
Cette partie commence et finit elle aussi avec « La mer ». Dans le premier chant, il s'agit de « La mer / n'est plus que vacarme éteint / qui déguise ses offenses sous de paisibles / murmures. // La mer / cri convulsif, / instrument perturbé / par lequel se sont glissés / toutes ls terreurs, / sur lequel ont retenti / toutes les fanfares. La mer / éclat de rire fracassant / furie perpétuellement aux aguets, / râle lumineux ». le sixième chant se termine par une narration qui conclue un long monologue dans lequel Hector se voit retourner à la vraie vie à La Havane, mais « la trêve sera de courte durée ». En fait il retournera seul, comme toujours, dans la voiture. « Je me dis, Hector, Hector, et je me précipite. Captif, déchaîné, furieux et explosant, comme la mer ».
le récit de la femme, lors du premier jour se termine par un rêve, ou tout au moins on le suppose tel, car c'est après son coucher. Lequel rêve n'est autre que celui de la Guerre de Troie, revue et corrigé il est vrai, d'autant plus que les protagonistes se battent à coup de phallus. Homère, ou même Joyce ayant relu Freud n'y auraient pas pensé. Peut être Maître Janotus de Bragmardo aurait il pu s'y lancer, au terme de ses études et en faisant remembrance de son illustre nom. Sur 7 à 8 pages, on découvre une bataille aux portes de Troie, assez épique il est vrai. Tout débute par des lectures sur Hélène de Troie qui apparaît ensuite en songe à la femme. « Je suis la putain d'Argos […], toute fière, comme si elle citait l'un de ses meilleurs titres de noblesse ». Puis on lit, non pas l'énumération de tous les navires de la flotte achéenne, mais les personnages eux-mêmes, toute virilité apparente. Les parties troyennes ne sont pas plus honteuses de se montrer. Et la bataille s'ensuit devant Hélène « la femme aux bras de neige » qui dansait avec eux pour les exciter. Mais soudain, tous les males guerriers abandonnent la lutte pour les faveurs de la belle Hélène. Ils tombent tous sous les charmes d'un beau jeune homme qui débarque d'un vaisseau et ignore les charmes d'Hélène, pourtant nue à ses pieds « en échangeant des caresses prolongées et barbares qui, parfois s'achèvent en une hécatombe multiple de spasmes ». La bataille décisive de la guerre se termine quelques pages plus loin. « Bras, jambes, têtes et phallus, tantôt engloutis, tantôt surnageant, s'agitent et sombrent derrière le divin ; cela évoque un navire insolite dont les membres d'équipage, étroitement entravés, constituent la quille, la poupe, le pont, le vaisseau entier qui, ne pouvant plus s'arrêter, s'arc-boute et chavire à l'horizon… ». Splendide passage de la chute d'Ilion, mais rêve cauchemardesque de la femme.
Il faut reconnaître, à la décharge de la femme, que le trajet aller en voiture depuis La Havane avait de quoi la traumatiser. « Les pommes de pin sèches, sur la route, craquent, presque sans bruit ». Il est vrai que cela est un peu barbare. Mais « Les crabes, terrorisés, prennent la fuite ; les yeux leur sortent de la tête, comme des antennes. Quelques-uns, dans leur affolement, traversent. Alors la voiture les écrase. Mais le craquement des crabes est différent de celui des pignons. Il rend un son rauque, comme celui de la terre desséchée quand elle s'effrite ». On comprend donc facilement les cauchemars de la femme.
le deuxième jour n'est pas du genre à arranger les choses pour la femme. Il y a un jeune homme avec « un short flamant neuf », avec une femme « vêtue d'une robe d'intérieur qui a l'air toute neuve aussi », c'est sa mère. Est-ce l'effet de voir ce beau garçon, Hector prend de longues douches. « le repas est froid. La douche coule toujours. […] J'ouvre la porte de la salle de bains. Hector nu, trempé, devant le miroir, frotte son sexe raide. L'eau coule directement sur le carrelage ». Plus tard, le cinquième jour, ce sera le tour du jeune garçon d'en faire autant, au vu de la femme. Dans le couple c'est toujours l'incompréhension. Cela débute d'ailleurs dès les premières pages du premier jour « Mais je ne dis rien. Je me contente de penser à lui. Ainsi pourrait-il m'entendre mieux. Longtemps j'ai cru que tous les mots étaient inutiles, que l'on pouvait parler mieux sans ouvrir la bouche. A présent, j'en doute, mais je pourrais me tromper. Certes, je continue de croire que les mots ne servent à rien. Ils doivent remplir leur rôle pour dire oui ou non. Mais dès qu'on les sollicite pour autre chose, ils échouent ».
Pendant ce temps, les nouvelles plus ou moins politiques ne sont pas très gaies. « Les étudiants marchent au pas cadencé » et « En appliquant les méthodes de notre Commandant en chef, nous atteindrons les dix millions de tonne de sucre l'an prochain, en 1970 ! […] Demain, hier, dans un mois, dans un siècle ». La phrase permet de dater l'écriture. C'est donc avant l'échec de la récolte des 10 millions de tonnes, « La Zafra de los Diez Millones » prévue pour 1970. C'était une hausse de 25 % de la production qui stagnait depuis les 5 millions de tonnes de 1925. Hélas, la récolte magique ne fut que de 7.56 millions de tonnes en 1970, atteignant péniblement les 8.4 millions de tonnes en 1990.
Les souvenirs de leur vie à La Havane ne sont pas plus réjouissants. le couple se rappelle les grands discours qu'« il » a prononcé, et de foules chantant l'Internationale, ou encore de commentaires débiles de sa
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Roman mais aussi poésie, pamphlet. Bref de la littérature exigeante et franchement si je n'avais pas commencé ce livre pendant mes vacances je ne pense pas que je l'aurais terminé. Il m'a fait penser au "Paradis" de José Lezama Lima lu il y a bien 25 ans de ça, qui m'a laissé un souvenir d'un torrent de mots mêlant rêves et réalité. le fond se dessine peu à peu : six jours au bord de la mer pour un couple avec un enfant en bas âge. Pour la forme : d'abord les six jours vus par la femme, jamais nommée. Bloc de texte presque jamais interrompu, les jours se succédant. Une narration elliptique déchirée par des rêves éveillés, des souvenirs. Et la nuit, ses cauchemars. Puis six "chants" du point de vue d'Hector, le mari, attiré par un voisin qui passe lui aussi quelques jours de vacances avec sa vieille mère dans le bungalow le plus proche.. Là, le texte explose encore bien davantage, des passages rappelant toutefois des détails de la narration de la femme et donc laissant deviner une progression. Pamphlet politique car plein de colère contre le régime politique castriste, étouffant jusqu'à l'espérance d'une vie plus libre.
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