Pendant près de deux siècles, le peintre canadien de la province de Québec doit satisfaire à deux besoins majeurs: le tableau d'église et le portrait ; il y est astreint comme le sculpteur aux retables, aux chaires et aux bancs d'oeuvre, comme le menuisier aux meubles de maison, comme l’orfèvre aux vases d'église et de table. Je sais bien qu’on trouve des paysages dans certaines peintures religieuses ; mais ils y sont de l’ordre de l'accessoire. Je sais bien qu'on trouve des natures mortes dans des tableaux d'église et dans des portraits ; mais elles sont là pour équilibrer la composition ou pour soutenir la vraisemblance.
Dans la peinture canadienne, le portrait posthume se présente sous deux formes : le portrait peint et le moulage en cire. Le portrait peint se trouvait autrefois en grand nombre, et pour une raison facile à deviner : le mort ne bouge ni ne rouspète. Il remonte d’ailleurs beaucoup plus loin dans le temps qu’on ne le croit. D'où un certain nombre de tableaux plus ou moins macabres, mais vifs de facture ; souvent peu harmonieux, mais expressifs. Ce ne sont pas les plus mauvais tableaux de nos primitifs.
Si actifs que soient les peintres canadiens de la première moitié du XVIIIe siècle, ils ne peuvent suffire à la tâche d’orner de leurs tableaux toutes les églises qui s’élèvent en terre canadienne, de Gaspé au lac Saint-Louis. D’ailleurs le pourraient-ils qu’une élite hésiterait à recourir à leur talent; car s’ils ont une certaine adresse manuelle, ils manquent en général de savoir et de virtuosité; ils sont souvent brouillés avec les lois de la composition et de l’anatomie.