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EAN : 9782072767449
160 pages
Gallimard (08/02/2018)
4.18/5   126 notes
Résumé :
Nous avons bu tant de rosées En échange de notre sang Que la terre cent fois brûlée Nous sait bon gré d'être vivants. François Cheng écrivit ce quatrain vers 1958-1960, alors qu'il en était encore à apprendre la langue française. Tout au long de sa pratique poétique inventive, Cheng a investi de nombreux genres littéraires ; il revient aujourd'hui au quatrain. Celui-ci lui permet de réunir tradition chinoise et tradition française.
En l'adoptant, l'académicie... >Voir plus
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"Envoi

Ne quémande rien. N'attends pas
D'être un jour payé de retour.
Ce que tu donnes trace une voie
Te menant plus loin que tes pas. (p. 153)"


Une très jolie surprise m'attendait il y a quelques jours dans ma boite aux lettres, de la part d'un ami, pour ma fête : le dernier opuscule de quatrains de François Cheng, qu'il sait que j'apprécie infiniment !!... J'ai dévoré ces poésies minimalistes, sortes de haïkus !.... mais je vais suivre les conseils de cet ami... reprendre sereinement chaque soir , comme un moment de méditation, texte par texte...en prenant le temps de savourer chaque mot...et leur musique...

" Nous rions, nous trinquons. En nous défilent les blessés,
Les meurtris; nous leur devons mémoire et vie. Car vivre,
C'est savoir que tout instant de vie est rayon d'or
Sur une mer de ténèbres, c'est savoir dire merci. (p. 92)"
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François Cheng, comme Andreï Makine dans un autre registre, fait à présent partie du patrimoine culturel français, et quoi de plus naturel que de retrouver sous la coupole ces deux académiciens défendant avec ardeur et talent la langue de Molière...
Tous deux sont le meilleur de ce que nous ont offerts les convulsions du XXème siècle.
Exilés en Apatrie, ils contribuent livre après livre à élargir notre horizon comme le font à leur instar des Chahdortt Djavann, des Atiq Rahimi ou encore un "petit jeune" au nom prometteur de Mahmud Nasimi, dont le livre ( que je n'ai hélas encore pas lu ) - Un Afghan à Paris - est une véritable promesse de lecture pépite.
François Cheng, je le constate dans les critiques sur Babelio ou ailleurs, appartient pour beaucoup à cette veine d'octroyeurs de zenitude, de dispensateurs, mi-sages mi-gourous, d'une philosophie poétique aux accents de gong, d'encens et de "AUM".
Il est un peu à Nankin ce que Christian Bobin est au Creusot.
Il y a entre ces deux poètes une indéniable filiation. Tous deux sont des mystiques, des François d'Assise égarés dans un siècle où les espèces d'oiseaux disparaissent les unes après les autres et où la bonté s'achète à frais de port réduits sur Amazon.
D'assisien, on attend de Bobin qu'il nous écrive par exemple :
"Dieu c'est ce que savent les enfants, pas les adultes. Un adulte n'a pas de temps à perdre à nourrir les moineaux.”
Mais Bobin, c'est aussi le taquin, l'impertinent. Jugez-en :
“Mon Dieu qui n'êtes personne, donnez-moi chaque jour ma chanson quotidienne, mon Dieu qui êtes un clown, je vous salue, je ne pense jamais à vous, je pense à tout le reste, c'est déjà bien assez de travail, amen.”
Mais il faut en convenir, Bobin, pour moi, c'est surtout celui qui écrit :
"On ne traverse pas cette vie sans avoir, tôt ou tard, le coeur arraché par une main glacée qui entre dans notre poitrine comme si elle était chez elle, qui vous prend le coeur et qui le jette aux bêtes..."
Il en va de même, me semble-t-il, pour Cheng.
Certes, il peut vous murmurer :
"Au sommet du mont et du silence,
rien n'est dit, tout est.
Tout vide est plein, tout passé présent,
tout en nous renaît."
Là, le mystique en a pour sa foi.
Mais Cheng sait aussi regarder le monde avec lucidité... cette blessure la plus rapprochée etc...
" le vomi de la gare noircit les rues adjacentes,
Briques et pavés celant les crachats des voyageurs.
Ça et là, les sex-shops se font fort de décharger
Le désoeuvrement humain de sa crasse pesanteur."
J'aime le François Cheng qui se penche sur les malheurs des malheureux...
" Livré au regard de tous et pourtant invisible,
N'ayant pour compagnons que poussières et poux,
Avec deux cartons tu déplies le froid des nuits,
Et trois syllabes qui font honte, tu hantes les logis."
C'est du grand art, l'art de s'indigner et de nous laisser le choix de le suivre ou pas dans son indignation.
J'aime François Cheng lorsqu'il s'adresse à Estelle et à toutes les autres...que nous n'oublions pas...
"Le gouffre où la bête a broyé ton innocence,
Il est en nous. Jusqu'au bout, nous te chercherons.
Pour toi, nous gardons ce qui nous reste de tendresse,
Et nous veillons à ce que rien ne nous apaise."
Ça remue, non ? C'est fait pour.
Et puis il y a le poète qui fait consensus.
" Consens à la brisure, c'est là
Que germera ton trop-plein
De crève-coeur, que passera,
Un jour, hors de l'atteinte, la brise."
Voilà comme je vois ce poète. Il peut m'apaiser lorsque le besoin de l'être se fait sentir. Mais il ne me dupe pas. Il me dit que notre monde est un monde de larmes et de souffrances, que chacun durant son séjour ici-bas traversera plusieurs fois l'enfer, mais que...
"Le sort de la bougie est de brûler,
Quand monte l'ultime volute de fumée,
Elle lance une invite en guise d'adieu :
"Entre deux feux sois celui qui éclaire !"
Je trouve donc très très réducteur de faire de François Cheng un mystique évanescent aux vertus antidépressives. - Enfin le royaume - n'est pas l'oeuvre d'un "illuminé", à la limite d'un "éveilé" qui nous indique une voie, celle qui nous sortira peut-être de notre torpeur.
Des quatrains à lire et à relire. La lassitude ne vient jamais ; une certaine forme de paix finit toujours par pointer le parfum de son rameau d'olivier.

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Pour ma 800 ème critique ( Cela donne le vertige! Autant de livres chroniqués! Je n'ai pas du tout l'impression d'avoir été si prolifique! ), qui de mieux que Francois Cheng ?

Je suis tombée par hasard sur cette nouvelle parution en librairie. En fait, elle regroupe des textes issus de différents recueils et en ajoute des nouveaux, tous sous le sceau du quatrain, une forme poétique que j'aime beaucoup, moins hachée que le haïku, plus ronde et évocatrice peut-être .

Et comme toujours lorsque je lis des poèmes de cet auteur, la sérénité, l'apaisement, l'impression d'une révélation intime affleurent , m'inondent de lumière. Oui, c'est cela, une illumination intérieure.

Le premier poème, déjà ,entre tout de suite en résonance avec moi, car il est dédié " à ceux qui habitent la poésie" : quelle juste et jolie formule !

Et il est intense et incantatoire:

" Tu ouvres les volets, toute la nuit vient à toi,
Ses laves, ses geysers, et se mêlant à eux,
Le tout de toi-même , tes chagrins, tes émois,
Que fait résonner une très ancienne berceuse."

C'est en effet l'unité, la fusion cosmique que recherche le poète, le mot " tout" est très souvent utilisé et associé à la nature, à l'univers. C'est un thème récurrent chez François Cheng, mais il me paraît plus représenté encore ici.

" Vient l'heure où toutes choses
se transmuent en dons:
Toutes larmes rosées,
toutes laves roses"

Et le dernier poème est un hymne au don total, une aspiration métaphysique de toute beauté ...mais je vous laisse le découvrir, ainsi que tous les autres,si vous êtes tenté par l'envoûtement des mots d'un poète alliant ses origines chinoises à un sens si parfait de la langue française. Je reste, quant à moi, admirative...
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Je viens de terminer la lecture de ce recueil de poésies. François Cheng est un magicien, véritable passeur entre la culture française et la culture chinoise. On retrouve dans ces quatrains tout ce qui fait le charme et la profondeur de la poésie chinoise ancienne. La pensée taoïste se retrouve souvent sous la plume de l'auteur. Les notions de nature, de ciel, de terre, d'univers… accompagnent un certain romantisme français. L'amour est également présent, mais un amour englobant. On sent le temps qui passe, l'impermanence de toute chose. L'humanité aussi bien sûr, au même titre que le reste du vivant, y a sa place. En fait, cette poésie replace l'humain dans l'univers et nous invite à voir ou ressentir « l'invisible, l'indicible » qui nous entoure. Une poésie qui nous interroge sur nous-même. Vous aurez compris que je suis très réceptif et sensible à la poésie de François Cheng.
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Dans les textes de son dernier ouvrage, "Enfin le Royaume", l'inspiration de François Cheng ne vient pas spontanément d'une volonté de démontrer, d'expliquer ou d'analyser les sagesses que l'on trouve dans le taoïsme. Ces textes expriment la beauté, comme "l'ultime goutte de pluie", la vie comme source inaltérable et féconde de la beauté, et pour le poète la beauté de l'âme.


Toute beauté est singulière écrit François Cheng dans le très beau livre consacré aux peintres chinois. Ce sont pas les peintres les plus classiques qu'il a choisi pour illustrer son goût pour ce qui est singulier, donc authentique et précieux. Ces peintres ont choisi les voies transverses, ce qu'il appelle la voix excentrique, puisque la volonté de ces peintres est de dépasser ce que nous voyons, peindre le temps, peindre l'absence, un peu à la façon de Patrick Modiano


C'est le vivre que l'on va arpenter décliner, à travers le monde des vivants, la terre, les plantes, la mer, le ciel et les éléments, une terre nourricière non seulement pour le corps mais aussi pour l'âme. Il se gorge d'émotions pour mieux ressentir l'harmonie du monde, le dur et le doux, le noir et le blanc, le rocher et l'orchidée.


François Cheng puise dans la poésie ancienne des perles d'éternité, comme ces vers de Wang Wei (701-761) .
"Si vous cherchez l'oubli des pensées,
venez me voir-
Vous pourrez arroser les doux
légumes de mon jardin."


La poésie de François Cheng, émerge de ces juxtapositions de mots inconsolables, de mots non miscibles, comme "ce vide est plein", ou
"Pour retrouver, jadis entrevue,
Depuis longtemps perdue, l'Étoile".


La richesse des mots est de nous conduire à l'extase...
"Ne te mens plus ni ne te
Lamentes. L'heure est venue
De faire face, peut le chant
L'extase ou le désastre."


L'art poétique de François Cheng affirme du point le plus haut que le sage peut atteindre, l'universalité de son écriture, une écriture qui n'efface rien, qui apaise ou réconcilie le désir de futurs épanouissements et la sauvegarde du passé.

"Au sommet du mont et du silence,
 rien n'est dit, tout est.
Tout vide est plein, tout passé présent,
 tout en nous renaît. "


L'appel de Cheng, est un appel insatiable, de se lier à la nature comme François D assise, ainsi écrit-il.

"Suivre les poissons, suivre les oiseaux.
Envies-tu leur sort ? Suis-les jusqu'au bout,
Jusqu'à te muer en bleu originel,
Terreau du désir même de nage, de vol."


Enfin, l'appel constitue la toile de fond de ce quatrain totalement inspiré page 153 du Taoïsme.
"Ne quémande rien. N'attends pas
D'être un jour payé de retour.
Ce que tu donnes trace une voie
Menant plus loin que tes pas."


De quelle nuit suis-je venu ? de quel jour ? Soudain l'absente est au cœur de tout. Les iris
Ont frémi ; le mot vivre est dit.
En plagiant François Cheng c'est à ce maître que je veux remettre mon chant, car tous ses mots me parlent, tous m'éblouissent et m'apaisent.,
Quand il associe des mots aux sens disjoints, la terre habillée ou une brise déchirure, qui donnent une mystérieuse puissance à ses émotions.
Je me délecte de ses fulgurances "vivre désormais entre ondes et ondées, d'éclats recueillis, d'ombres dispersées".

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Le sort de la bougie est de brûler.
Quand monte l’ultime volute de fumée,
Elle lance une invite en guise d’adieu :
« Entre deux feux sois celui qui éclaire ! »
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Envoi

Ne quémande rien. N'attends pas
D'être un jour payé de retour.
Ce que tu donnes trace une voie
Te menant plus loin que tes pas. (p. 153)
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Nous rions, nous trinquons. En nous défilent les blessés,
Les meurtris; nous leur devons mémoire et vie. Car vivre,
C'est savoir que tout instant de vie est rayon d'or
Sur une mer de ténèbres, c'est savoir dire merci. (p. 92)
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Ce moment partagé, nous nous en souviendrons
Un jour, comme d'un mont par-delà les nuages,
Où tout demeure en soi et se change en son autre :
Arbre en fleur chant de source, feuille au vent papillon.
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Au bout de la nuit, un seuil éclairé
Nous attire encore vers son doux mystère.
Les grillons chantant l’éternel été,
Quelque part, la vie vécue reste entière.
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Question philosophique : notre obstination à nous détourner de l'essentiel peut-elle être la véritable cause de tous nos problèmes ? Réponse poétique : Allez, osons parler de l'essentiel, c'est-à-dire de la mort, mais qui n'est jamais que l'autre nom de la vie. C'est un poète qui le dit.
« Cinq méditations sur la mort autrement dit sur la vie » de François Cheng c'est à lire chez Albin Michel.
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