Un étudiant toulousain et une étudiante Japonaise se rencontrent, tombent amoureux, chacun fait découvrir, ou redécouvrir son pays, sa culture, et l'amour, le désir, à l'autre. Romance ? Exotisme touristique ? L'auteur va bien au-delà de cela, et revisite, nous fait revisiter les sentiments, les lieux, selon sa vision peu commune.
Ce roman bien construit montre une maîtrise de la culture japonaise classique, par les très belles citations des auteurs, bien intégrées au récit, par la découverte précise de la manière de vivre et d'aimer des étudiantes et étudiants japonais, selon l'instant car dans leur pays, « demain est inexistant », par les descriptions de Tokyo ou Kyoto, ni trop longues ni trop lourdes, et par la manière de conduire l'histoire d'amour des deux protagonistes, qui doivent étirer les instants partagés car la séparation, peut-être, est leur destin, ils le savent… On sent chez l'auteur une véritable admiration pour le pays des aubes naissantes, qu'il fait aimer en le montrant, non pas en touriste lambda, mais en esthète : on va, sans lassitude, à la découverte des raffinements culturels, intellectuels, vestimentaires aussi de ce pays et de ses femmes. Car oui, le roman est aussi un éloge de la femme japonaise, de la femme tout court à travers le personnage de Satoko, une femme d'esprit et très sensuelle.
L'histoire de Satoko et de son amant français est douce, poétique et charmante ; construite sur la tendresse, la délicatesse des sentiments, sans en exclure le désir, elle se laisse vivre, dans l'étirement des instants, comme les ciels et les jours dont les aubes et les déclins sont si joliment décrits par l'auteur. Un compte à rebours sans fin est engagé, stoppé sans cesse par la poésie des mots et des gestes.
La langue de
Roger Raynal est soutenue, on est loin des phrases simples, mais l'écriture reste fluide. Les images fleurissent le texte, le style est en accord avec la personnalité des deux personnages principaux que réunit la passion pour la langue française. Bien sûr, quelques expressions peuvent agacer, mais très peu finalement, car on est admiratif de la richesse de la langue.
Passés les trois premiers chapitres qui peuvent freiner l'adhésion par l'aspect peut-être trop « intellectuel » de la rencontre des héros, vous serez ensuite agréablement emportés par leurs échanges amoureux et leurs pérégrinations.
Au final, une histoire douce et poétique, par laquelle on se laisse vite charmer, une écriture riche, belle, qui porte une vision exigeante de l'amour, de la langue française et de la culture japonaise, un texte qui appelle le rêve, le ciel plus que notre triste terre, ce ciel si bien évoqué dans ses nuances presque à chaque page. J'y vois aussi toutes les nuances de l'éloge que l'on peut faire d'une femme, japonaise si elle est l'idéal ici, l'envie de la découvrir et de l'aimer entièrement, par chaque parcelle de son esprit et de sa peau si bien mise en valeur par l'observation amoureuse du narrateur.
Et il neigeait sur le Japon : « Là tout n'est qu'ordre et beauté, luxe, calme et volupté » (
Baudelaire)