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EAN : 9782072855092
32 pages
Gallimard (14/03/2019)
4.35/5   13 notes
Résumé :
«Quelle heure est-il? Tôt le matin, l’Europe se met en route pour l’école. Elle rapporte ses devoirs à la maison: lutter contre les poussées en arrière par un élan vers une union plus étroite.
Le devoir sera effectué par les meilleurs élèves, ceux du noyau fondateur.
Que feront les autres? Ils suivront, un peu à contrecœur, par le chemin des écoliers.»

Dans cet essai inédit, prolongé par quelques textes d’intervention précédemment parues... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
Belle initiative des éditions Gallimard que de publier ces Tracts, qui offrent une tribune à des écrivains de tous horizons.
Le numéro 2 donne la parole à un homme qui veut mettre le feu aux esprits, illuminer les ténèbres, éclairer les abysses où tant de naufragés ont sombré.

Lui, l'homme de lettres, nous dit que seuls les poètes peuvent crier la souffrance et l'horreur qui accablent les proscrits, les exilés, les martyrisés, tous ceux qui ont faim et soif de justice.

Lui, le Napolitain, né au carrefour des civilisations, se réclame de ces peuples métissés, aux sangs mélangés, marins, marchands, voyageurs, nomades, oiseaux migrateurs.

Lui, l'Européen, se sent un devoir d'ingérence vis à vis de ceux qui construisent des murs et clament "on est chez nous! Dehors les métèques, les parias, repoussons les Sarrazins, rejetons-les à la mer, comme des ennemis!"

Il en appelle à la conscience de chacun de nous. Quelles valeurs voulons nous défendre ? Allons nous bientôt ressembler à des gardiens de musée dans un continent vieillissant et sclérosé ?

Ou retrouver l'élan des fondateurs de cette Utopie, une Europe de paix, d'abondance pour tous, de Lumière ?
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Je ne connaissais pas Erri de Lucca. On m'a offert ce numéro 2 de "Tracts", collection qui accueille, selon Antoine Gallimard himself, "des essais en prise avec leur temps mais riches de la distance propre à leur singularité". Objectif atteint, pour celui-là au moins. Erri de Lucca a une plume originale, une culture qu'il étale à bon escient et des réflexions proches du cynisme qui vous réveillent. Comme des embruns glacés réveilleraient deux amoureux contemplant l'océan.
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Dans les trente pages de ce recueil de la nouvelle collection "Tracts", Erri de Luca nous offre un texte inédit et quatre textes plus anciens.
Le plus vieux date de 2003, mais malheureusement depuis ce temps-là la situation ne s'est pas améliorée ! Je vais les relater par ordre chronologique en inversant néanmoins les deux derniers. En 2003, "la nouvelle Europe" s'éloigne de la Méditerranée où se noient les premiers migrants.
En septembre 2015, de Luca relate un voyage à Lampedusa pour rendre hommage à tous les migrants morts noyés. Dans quel monde sommes-nous si nous ne sommes pas capables de passer du droit d'asile au devoir de le donner à nos frères humains ?
En octobre de cette même année, de Luca présente l'Europe comme le terrain de lutte de deux jumeaux, l'un introverti qui se rassure avec des barbelés, l'autre extraverti. Mais cette Europe ne voit pas que son seul avenir serait dans une union plus solide entre ses membres et dans une alliance avec la Méditerranée.
Le texte de mars 2019 est le plus long, avec ses quatorze pages, et c'est lui qui ouvre le recueil. De Luca présente la littérature et la musique comme des moyens pour dépasser les frontières. Dans cette Europe qui est une "zone franche de la liberté d'expression", les livres l'ont ouvert à une fraternité européenne, avec des auteurs aussi divers que Celan, Strindberg, Borges ou Camus
Le texte qui m'a le plus touché est de 2015, sans date précise, et s'intitule "Une forêt de gens." Il fait référence à un épisode de l'évangile dans lequel Jésus guérit un aveugle à Bethsaïde. Cette images des hommes comme des arbres qui marchent est pour de Luca "la plus noble image associée à la figure humaine". Il l'associe aux buissons, aux branches qui s'élèvent vers le ciel, à l'arbre généalogique, à des hommes qui viennent de loin et s'enracinent comme des arbres. Une belle méditation.
Quand j'ai refermé ce cahier, j'étais vraiment séduit par le style de l'auteur. Mais au-delà de l'émotion et de l'indignation que faire réellement de tout cela ? Quelles implications dans ma vie quotidienne, dans ce monde en mouvement, face à des hommes qui cherchent une vie meilleure et bravent tous les dangers pour venir ? Je pense qu'il faut accepter de s'ouvrir à l'autre en nous "nourrissant" de ce qu'il peut nous apporter et surtout garder des utopies pour vivre !
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« Europe, mes mises à feu » Erri de Luca (30 pages, Tracts Gallimard)
Cinq courts textes, en fait une recension d'articles (sans doute des articles de presse, mais l'éditeur ne précise pas) écrits entre 2003 et 2019, qui ont pour point commun un regard sur l'Europe, celle qui s'ancre dans la Méditerranée, cette Mare Nostrum qui depuis plusieurs millénaires nous habite et nous relie. C'est un regard certes amoureux, mais aussi très critique sur cette Europe des marchands et des replis, cette Europe qui continue à brider la parole contraire, à bombarder, à refouler, à noyer. Cette Europe si multiculturelle qui nous irrigue, qu'on le veuille ou non, dont la diversité fait la richesse. C'est une analyse sans concession des nationalismes et du racisme, un acte de foi en la culture (« Racisme et nationalisme sont des pathologies, avant d'être des porteurs de paradoxes politiques (…) le remède obligatoire et immunitaire reste la lecture des livres du monde »). Les mots de saine révolte sont parfois très durs («Aujourd'hui, la Méditerranée est le laboratoire le plus intensif de transformation de corps humains en plancton»), l'argumentation implacable, les métaphores saisissantes, mais indiscutables. Le tout exprimé dans la langue « habituelle » de l'auteur, si poétique et si pure. A lire et à faire circuler.
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J'adore Erri de Luca.
C'est un auteur à la plume singulière, limpide, claire, belle.
Il s'illustre ici sur un sujet difficile au possible, l'Europe.
Lui, l'Italien du Sud, le napolitain, lecteur et traducteur de la bible, lecteur de l'hébreu, du russe, langue à la fois très européennes mais aux confins de notre organisation économique.
L'UE n'est pas l'Europe culturelle, et les dirigeants ne parlent pas tous les jours de Dante et d'Erasme.
De Luca ne parle d'ailleurs pas de ces auteurs.
Hölderlin, une poétesse russe, un écrivain Yiddish, voilà qui convoque l'auteur. Des survivants, des morts du dernier conflit, celui qui a poussé le vieux continent à s'entendre. Ces guerres auxquelles l'auteur a participé (en Yougoslavie) et qui l'ont marquées. Il n'en veut plus, on le sens. Il ne veut plus non plus d'africain mourant de soif et de faim et de noyade en Méditerranée. Et il le dit, clair, fort, et bien. Sans grandes théories, sans ambages, juste avec de l'humain.
Rien de plus simple et logique.
Superbe.
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Citations et extraits (26) Voir plus Ajouter une citation
Les nouveaux voyageurs d'un aller simple paient à prix d'or le pire des transports maritimes de l'histoire humaine. Les esclaves déportés par les négriers voyageaient mieux, parce qu'ils étaient une marchandise payée à la livraison. Si elle mourait avant, le gain était perdu. Les déportés d'aujourd'hui paient à l'avance, et peu importe s'ils n'arrivent pas destination. L'inutile prohibitionnisme européen sur le transport de la vie en fuite a fait du corps humain la marchandise la plus rentable à déplacer. Elle n'a pas besoin d'emballage, on peut la comprimer en centimètres carrés, elle peut être jetée à la mer, laissée s'asphyxier dans un camion scellé en plein mois d'août. Elle a déjà payé son voyage avec tout ce qu'elle possède, vie comprise. Ce ne sont pas des mendiants, ce ne sont pas des analphabètes. Ils ont un haut niveau d'instruction, ils ont de l'argent qu'ils sont obligés de céder aux exploiteurs de la situation. Ils ne cherchent pas une résidence, mais une halte. Ceux qui leur refusent l'asile sont donc ceux qui les noient.

(page 21)
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La noblesse pour moi réside dans le croisement des lignées qui se sont versées dans le circuit qui va du coeur aux capillaires.
La noblesse est le mélange, non le pedigree. Je voudrais connaître par une analyse de sang la liste des peuples qui ont déposé leur semence dans mes globules. Sil en manquait une, j'y pourvoirais par une transfusion.
Naples à été prise et gardée par des invasions venues des quatre points cardinaux. Elle n'appartient pas au Sud, mais au croisement des vents.
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Aujourd'hui, la Méditerranée est le laboratoire le plus intensif de transformation de corps humains en plancton. Aujourd'hui, les corps des êtres humains sont entrés dans le cycle alimentaire, à travers les poissons, les marchés, les cuisines.
Même les fours crématoires n'ont pas été aussi efficaces. Il fallait les racler sans arrêt de la graisse des vies incinérées. Mais la mer, elle, moud et ressasse en continu le massacre offert à ses fonds marins.

(page 10)
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Sur ce continent, le racisme, la sélection d'une souche originelle, n'a pas de fondement biologique. Ceux qui éprouvent ce trouble de la perception et du comportement se dissocient d'une grande partie de leur propre être et devraient, en toute logique, se débarrasser d'une bonne dose de leur sang.
Ceux qui éprouvent le sentiment de nationalisme, périmé par l'histoire, exaltent une part d'eux-mêmes contre toutes les autres.
Racisme et nationalisme sont des pathologies, avant d'être porteurs de paradoxes politiques.
Ils devraient être soignés par le service de santé publique et orientés vers une rééducation.
Le remède obligatoire et immunitaire reste la lecture des livres du monde. Je leur dois d'être porteur de citoyennetés variées et de fraternité européenne.
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Il fallait un pape venu du Grand Sud pour faire de Lampedusa la destination de son premier pèlerinage. L'Europe se tenait à distance. Nous qui sommes nés sur les côtes de la Méditerranée, nous considérons comme nos frères tous ceux qui sont venus mourir là. Je me déClare témoin de la partie lésée, de ce Sud du monde qui forme presque toute la planète. Je ne suis pas un observateur neutre, je ne prononce pas de diagnostic, mais je fais partie du système nerveux de la douleur.
(Ceux qui les noient)
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Videos de Erri De Luca (86) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Erri De Luca
Rencontre animée par Olivia Gesbert
De la bibliothèque paternelle à l'ombre de laquelle il a grandi jusqu'aux chantiers où il a été ouvrier, Erri de Luca a noué avec la lecture, puis avec l'écriture un rapport particulier pour bâtir une oeuvre double, celle d'une fiction romanesque aux forts accents autobiographiques et celle d'une réflexion sur l'Écriture. Depuis trente ans, c'est une oeuvre foisonnante et protéiforme qu'il bâtit, caractérisée par un style limpide, poétique, épuré. Ponctués de pensées, de métaphores, d'aphorismes, ses récits endossent souvent la forme d'une fable, d'une parabole empreinte d'une touche de merveilleux, dans une langue unique. Pour cette édition Quarto, ont été retenus une dizaine de textes publiés auxquels s'adjoignent cinq textes inédits, qui portent en eux la puissance de l'écriture d'Erri de Luca dans des genres littéraires variés, sa réflexion sur l'appartenance et l'identité, le poids du passé et l'importance de l'histoire, sur la fragilité et l'importance des relations humaines.
« Nous apprenons des alphabets et nous ne savons pas lire les arbres. Les chênes sont des romans, les pins des grammaires, les vignes sont des psaumes, les plantes grimpantes des proverbes, les sapins sont des plaidoiries, les cyprès des accusations, le romarin est une chanson, le laurier une prophétie. » Trois chevaux, Erri de Luca
À lire – Erri de Luca, Itinéraires, Gallimard, coll. « Quarto », 2023.
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