Depuis la parution de ses textes sur la cité de Mertvecgorod, j'essaie de lire tout ce que
Christophe Siébert publie : Images de la fin du monde, Feminicid,
Valentina et récemment
Volna. Il m'en manque encore, mais je comble progressivement mon retard. Dans l'optique de mieux comprendre cet écrivain et ses obsessions, je me suis plongé récemment dans son court essai biographique, proposé gratuitement par lui et son éditeur,
Fabrication d'un écrivain.
Comme je pouvais l'espérer,
Christophe Siébert ne tourne pas autour du pot ni ne fait de grands discours. Il est direct et assène ses vérités, ses observations, ses remarques avec efficacité et une certaine froideur clinique. Pas d'auto-congratulation, sauf un peu à la fin, quand il fait un rapide bilan de sa situation actuelle. Mais c'est plutôt de l'ordre du constat. Aucune effusion, pas de bouteille de champagne.
L'auteur commence son texte dans sa jeunesse (« à huit ou neuf ans »), quand il bricolait des scénarios de bédé et avance d'étape décisive en étape décisive. Certaines épisodes sont racontés sans réelle passion et donc sans pathos, alors que les situations narrées s'y prêteraient facilement. Dans une de ces séries sirupeuses, les violons tourneraient en boucle. Ici, précision du scalpel, analyse froide de l'entomologiste comme on dit. Cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas de passion, qu'on en ressent rien. Au contraire. Cette façon de faire permet plus facilement de ses poser avec lui certaines questions : « le résultat, sans surprise, s'est avéré très mauvais. Pourtant j'ai continué. Pourquoi ? »
Un des points qui m'a le plus frappé est ce côté inéluctable.
Christophe Siébert insiste souvent sur le fait qu'à ses débuts, et pendant de longues années, sa production était conséquente mais de qualité médiocre (« Ce que j'écrivais à l'époque n'était toujours pas bon »). Mais surtout, il n'a jamais arrêté : « j'écrivais comme un bousier roule son caca, sans imaginer qu'une autre activité soit possible. »). La vie lui a tendu un grand nombre de croche-pattes, douloureux (parents dangereux pour lui, fugue, pauvreté, …). Mais il a continué à écrire. Au début à une fille qu'il aimait « sans espoir de retour » et à qui il envoyait tous ses textes. Puis à qui voudrait le lire, distribuant ses écrits « gratuitement aux passants » ou les jetant « par la fenêtre » dans la rue. Il s'est associé à d'autres écrivains en herbe, avec autant de lacunes que lui, à l'en croire. Et toujours, il a écrit. Jusqu'à ce que l'expérience et les rencontres l'amènent à publier dans une maison d'édition reconnue. Je ne vous raconte pas les multiples étapes, nombreuses et passionnantes, qui précèdent cette reconnaissance. Il faut vous laisser découvrir ces moments.
Lucide en apparence sur lui (et sur le monde, il suffit de le lire),
Christophe Siébert propose dans
Fabrication d'un écrivain une autobiographie littéraire courte mais puissante. Un texte vite lu, mais pas vite oublié. Un exemple d'une prose forte et sans concession d'un homme qui semble savoir ce qu'il veut et a planifié son oeuvre pour les années à venir. Espérons que tout se passera selon ses plans. Vivement sa prochaine incursion dans les rues de Mertvecgorod !
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