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EAN : 9782707199652
400 pages
La Découverte (12/10/2023)
3.7/5   20 notes
Résumé :
Jusque-ici, en cas de conflit, on pouvait invoquer la Nature (et la Science) : c’était l’arbitre ultime de nos querelles humaines. La Nature constituait l’arrière-plan de nos actions. Elle obéissait à des lois mais ne se mêlait pas de nos histoires.
Or, à cause des effets imprévus de l’histoire humaine, ce que nous regroupions sous le nom de Nature quitte l’arrière-plan et monte sur scène. L’air, les océans, les glaciers, le climat, les sols, tout ce que nous... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Quand il parle de Nouveau Régime Climatique, Bruno Latour tente de verbaliser ce qui se déroule actuellement sous nos yeux : réchauffement climatique, extinction accélérée des espèces, catastrophes naturelles… etc., etc.

« Or, à cause des effets imprévus de l'histoire humaine, ce que nous regroupions sous le nom de Nature quitte l'arrière-plan et monte sur scène. L'air, les océans, les glaciers, le climat, les sols, tout ce que nous avons rendu instable, interagit avec nous. Nous sommes entrés dans la géohistoire. C'est l'époque de l'Anthropocène. Avec le risque d'une guerre de tous contre tous. »

Face à la catastrophe en cours, Bruno Latour explique que si nous n'agissons pas plus vite pour chercher des solutions aux problèmes écologiques, ce serait à cause de notre logiciel de pensée qui, depuis les Lumières, explique le Monde par l'opposition entre la Nature (le vivant, que nous transformons et utilisons, ce qui nous est extérieur) et la Culture (l'ensemble des techniques, institutions et traditions d'un groupe humain).

Afin d'expliquer la Nature, l'homme a toujours utilisé le levier de la religion. Après les Lumières puis avec la Révolution industrielle, nous nous sommes éloignés de ce concept pour remplacer le divin par la science. Tout le fonctionnement de la Nature pouvait être expliqué par la méthode scientifique, une simple mécanique d'interactions chimiques, la Nature devint inerte, un simple décor.

Mais la méthode scientifique ne permet plus d'expliquer et convaincre les humains de leur impact négatif sur cet environnement, qui tout à coup, est devenu réactif à notre mode de vie.

Latour nous invite donc à sortir du déni scientifique et à accepter le caractère vivant et non figé de la Nature. Il convoque la figure de Gaïa, l'ancienne déesse symbolisant la vie, la Terre, la planète. Gaïa serait ici un « système fragile et complexe par lequel les phénomènes vivants modifient la Terre. » Il s'en sert comme la métaphore d'une nature animée dont nous faisons partie intégralement mais qui risque de nous détruire, si nous persistons à nier notre impact négatif sur le vivant.

Il propose de nous réunir sous l'égide de Gaïa en une sorte d'O.N.U. du vivant, une gigantesque assemblée des « terrestres » réunissant des représentants des pays, régions, entreprises mais aussi des fleuves, continents, montagnes, rivières, océans, forêts, espèces animales… etc.

Pour régler les problèmes écologiques, il faut repenser la société et son organisation planétaire en tenant compte des intérêts humains, animaux, minéraux, aquatiques par la réécriture d'un contrat de co-propriété !

Ce livre comme la pensée de Latour est parfois complexe mais cette explication de la situation, de ses enjeux et des solutions possibles sont intéressantes. Cela nous amène à sortir de nos débats humanos-humains stériles, à changer de point de vue. Avec ce livre, en bon maïeuticien qu'il est, Latour nous conduit au changement intellectuel, il nous en livre les premières clés. Sans adhérer à tout, nous pouvons commencer à réfléchir à de nouvelles pistes pour l'avenir.
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J'avais lu avec intérêt durant et après le "Grand Confinement" : Où atterrir ? : Comment s'orienter en politique et Où suis-je ? : Leçons du confinement à l'usage des terrestres.
Je sors assez "sonné" de la lecture de Face à Gaïa : Huit conférences sur le nouveau régime climatique et j'ai envie de vous faire part de quelques impressions.
Ce livre est dense, très référencé (des années de travail pour Latour et ses différents "laboratoires") et il faut "s'accrocher" mais j'y ai trouvé matière à réflexion. Par exemple, une question reste entière pour moi : comment les différents "peuples", les uns plus "hors sols" que d'autres plus "terrestres" (états, organisations internationales, multinationales, politiques, scientifiques, croyants et non croyants, activistes écologistes de tout acabit, travailleurs des cités ou des campagnes, habitants pauvres et riches de la planète, forêts, fleuves, océans, glaciers, espèces animales plus ou moins en voie de disparition, etc.), donc comment ces différents "peuples" convoqués dans cette "guerre" s'y prennent-ils ou s'y prendront-ils pour faire valoir leurs "intérêts" légitimes ? C'est la question de l'exercice du pouvoir, de la souveraineté, dans un réseau complexe et enchevêtré d'intérêts pas toujours convergents, c'est le moins que l'on puisse dire... Donc je vais poursuivre mes lectures pour tenter d'y voir plus clair... Car derrière le désir de comprendre et l'analyse stimulante de ce nouveau régime climatique, plane aussi un sentiment d'urgence et l'émotion pointe sans cesse son museau au fil de la lecture.
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Huit conférences destinées à des sociologues, philosophes, climatologues ou public averti, et forcément trop pointu, pour moi. Un petit exemple : voilà ce qu'il dit à un moment du livre :".. je commence à penser que, philosophiquement, les milliards dépensés par les lobbies climato-sceptiques pour créer la fausse controverse sur le climat ne l'auront pas été en vain, puisque l'on peut voir désormais en pleine clarté, combien l'invocation du monde naturel, ne permet pas plus de faire la paix que l'invocation du droit naturel. Je vous laisse juge.....
Mais les mauvaises nouvelles dont on nous bombarde chaque jour sur l'état de la planète nous incitent à prendre conscience d'une instabilité nouvelle de la nature...... et comme nous ne parvenons pas à évaluer ces alarmes ni à la façon de réagir, elles peuvent nous rendre fous.
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critiques presse (1)
Telerama
18 novembre 2015
C'est bien en explorateur que le lecteur est invité à découvrir le nouveau régime climatique et les mille contours de cette fascinante Gaïa que Bruno Latour débarrasse de ses oripeaux new age.
Lire la critique sur le site : Telerama
Citations et extraits (17) Voir plus Ajouter une citation
Ils savent, ils entendent, mais au fond, ils n'y croient pas. C'est là, je crois, qu'il faut aller chercher l'origine profonde du climato-scepticisme. Ce n'est pas un scepticisme qui porte sur la solidité des connaissances mais un scepticisme sur la position dans l'existence. S'ils doutent ou s'ils dénient, c'est parce qu'ils prennent ceux qui crient à temps et à contre temps qu'il faut changer totalement et radicalement de mode de vie pour des zozos dans plus de crésdit que Philippus le Prophète qui effraie Tintin dans l'Etoile Mystérieuse avec son gong et son drap blanc. "Le changement de vie total et radical", mais ils l'ont déjà accompli, justement, en devenant résolument modernes ! Si la modernité n'était pas si profondément religieuse, l'appel à s'ajuster à la Terre serait facilement entendu. Mais comme elle a hérité de l'Apocalypse simplement décalée d'un cran dans le futur, elle ne suscite qu'un haussement d'épaules ou qu'une réposne indignée. "Comment pouvez-vous venir nous prêcher encore une fois l'Apocalypse. Où est-il écrit dans les Livres qu'il y aura une apocalypse après la première ? La modernité est ce qu'on nous a promis, ce que nous avons conquis, parfois par la violence, et vous prétendez nous l'arracher ? Nous dire que nous nous sommes trompés sur le sens de la promesse ? Que la Terre promise de la modernité devrait rester promise ! C'est insensé".
Et en effet, il n'est écrit nulle part que l'Apocalypse puisse être suivie d'une autre. D'où cette certitude indéracinable, ce calme total, cette froideur de marbre, de ceux qui lisent pourtant tous les jours l'annonce de catastrophes diverses. Il semble qu'ils aient droit à cett terre qu'on leur a en effet promise, mais cette terre n'a rien de terrestre, puisque ce qui est nié, justement, c'est qu'elle ait une histoire, une historicité, une rétroaction, des capacités, bref, des puissances d'agir. Tout tremble, mais pas eux, pas le sol sur lequel ils ont les pieds posés.Le cadre où se déroule leur histoire est forcément stable. La fin du monde n'est qu'une idée.
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Personne, littéralement personne, ne peut jouer le rôle impossible de l'Anthropocène, et c'est là tout l'intérêt de la notion. Parler de l'origine anthropique du réchauffement climatique global n'a aucun sens, en effet, si l'on entend par "anthropique" quelque chose comme "l'espèce humaine". QUi peut prétendre parler de l'humain en général, sans susciter aussitôt mille protestations ? Des voix indignées vont s'élever pour dire qu'elles ne s'estiment en aucune manière responsables de ces actions à l'échelle géologique - et elles auront raison ! Les nations indiennes au coeur de la forêt amazonienne n'ont rien à voir avec "l'origine anthropique" du changement climatique - du moins tant que des politiciens en campagne électorale ne leur ont pas distribué des tronçonneuses. Pas plus que les pauvres des bidonvilles de Bombay qui ne peuvent que rêver d'avoir une empreinte carbone plus importante que celle laissée par la suie émise par leurs foyers de fortune. Pas plus que l'ouvrière obligée de faire de longs trajets en voiture parce qu'elle n'a pas pu trouver un logement abordable près de l'usine où elle travaille: qui oserait lui faire honte de sa trace carbone ? C'est pourquoi l'Anthropocène, malgré son nom, n'est pas une extension immodérée de l'anthropocentrisme. [...] C'est bien plutôt l'humain comem agent unifié, comme simple entité politique virtuelle, comme concept universel, qui doit être décomposé en plusieurs peuples distincts, dotés d'intérêts contradictoires, et convoqués sous les auspices d'entités en guerre - pour ne pas dire de divinités en guerre. L'anthropos de l'anthropocène ? C'est Babel après la chute de la tour géante. Enfin l'humain n'est plus unifiable ! Enfin il n'est plus hors sol ! Enfin il n'est plus hors de l'histoire terrestre !
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Au moment même où il faudrait avoir autant de définitions de l'humanité qu'il y a d'appartenances au monde, c'est le moment même où l'on a enfin réussi à universaliser le même humanoïde économisateur et calculateur sur toute la surface de la Terre. Sous le nom de globalisation ou de mondialisation, la culture de cet étrange OGM - de son nom latin Homo oeconomicu - s'est répandue partout... Juste au moment ou l'on a un cruel besoin d'homodiversité ! Pas de chance vraiment: il faut affronter le monde avec un humain réduit à un tout petit nombre de compétences intellectuelles, doté d'un cerveau capable de faire de simples calculs de capitalisation et de consommation, auquel on attribue un tout petit nombre de désirs et que l'on est enfin parvenu à se convaincre de se prendre vraiment pour un individu, au sens atomique du mot. Au moment même où il faudrait refaire de la politique, on n'a plus à notre disposition que les pathétiques ressources du management et de la gouvernance. Jamais une définition plus provinciale de l'humanité n'a été transformée en un standard universel de comportement. Au moment même où il faudrait desserrer l'étreinte de la première Nature, la seconde Nature de l'économie impose sa cage de fer plus strictement que jamais.
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Ils ne voient l'avenir que sous la forme de romans d'anticipation. Rien de surprenant à cela: ils n'ont jamais fait assez attention à la direction dans laquelle ils s'engageaient, obsédés par l'idée d'échapper à leur attachement avec la vieille terre. Habiles au détachment, ils semblent vraiment naïfs quand la question se pose du rattachement à une nouvelle résidence, de la délimitation d'un nouveau nomos. Ils ressemblent à des astronautes se préparant à faire une sortie dans l'espace sans combinaison. Les Modernes sont extraordinairement habiles à se libérer des chaînes de leur passé archaïque, provincial, renfermé, local, territorial, mais quand il s'agit de désigner les nouvelles localités, les nouveaux territoires, les nouvelles provinces, les nouveux réseaux étroits vers lesquels ils émigrent, ils se contentent d'utopie, de dystopie, de publicité et de grands mouvements de poitrine, comme s'ils avaient vraiment des poumons aptes à respirer l'air subtil et toxique de la mondialisation.
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Le piège est bien monté: alors que les puissants jouent sur les deux tableaux, discernant bien la charge prescriptive des faits et, en même temps, limitant le débat à la seule discussion des découvertes dont ils nient l'existence, les autres sentent bien que les faits entraînent une action, mais s'interdisent de les suivre de l'autre côté de la barrière que leurs adversaires traversent pourtant allègrement dans les deux sens ! Conséquence: les pseudo-sceptiques n'ont fait qu'une bouchée de leurs malheureux opposants.
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Videos de Bruno Latour (26) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Bruno Latour
Mardi 31 mai 2016, Bruno Latour, philosophe et sociologue des sciences, auteur de Face à Gaïa a été présent sur le plateau des Mardis des Bernardins. L'occasion pour la Lettre de la recherche de vous avoir proposé un entretien avec celui qui à travers les sciences, les techniques, l'économie, l'esthétique et la théologie pensait l'introduction des êtres de la Terre dans le processus politique.
Le Collège des Bernardins est un espace de liberté qui invite à croiser les regards pour cheminer dans la compréhension du monde et bâtir un avenir respectueux de l'homme.
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