Formidable essai sur les femmes lors et entre les deux guerres mondiales, écrit par une sociologue franco-britannique à partir de témoignages, journaux intimes, presse féminine de l'époque. Elle aborde tous les aspects (vie quotidienne, mode, cuisine, sexualité...) et les rôles tenus par les femmes (ouvrières, prostituées, militaires, infirmières, résistantes, déportées, gardiennes de camp, « machines à enfanter »...) lors de ces terribles trente années.
Elle part du constat que les femmes ont été exclues de la vie publique par la société bourgeoise du XIXe siècle. Elles l'ont regagné peu à peu lors de la Première Guerre mondiale en occupant les places laissées vacantes par les hommes partis combattre : elles ont travaillé dans les usines et les champs et, bien qu'exploitées par les hommes, elles ont regagné une timide liberté qu'a accompagné la montée du féminisme et l'acquisition de certains droits sociaux.
Cette liberté s'est concrétisée dans l'entre-deux-guerres, par exemple, à Paris avec les années Folles, les zazous et la création artistique (peinture, sculpture...) ou la mode. Mais elle s'est vite heurtée au désir des États de contrôler la sexualité féminine et de replacer les femmes dans leur rôle de mère avec la pénalisation et l'interdiction de la contraception et de l'avortement. Cette politique s'est emballée dans les états totalitaires naissants et s'est accompagnée d'un eugénisme effroyable surtout en Allemagne hitlérienne dont
Carol Mann décrit les mécanismes dans une (courte, 35 pages) troisième partie intitulée « L'utérus nationalisé ».
Enfin, dans une dernière partie consacrée à la Seconde Guerre mondiale, l'auteure explicite, d'une part, la multitude de rôles tenus par les femmes (ceux déjà tenus lors du précédent conflit mais elles furent également quelque fois combattantes, souvent résistantes, toujours victimes civiles...), et d'autre part, leur survie dans les camps de concentration.
Un très bon ouvrage, clair, bien écrit, dans un style compréhensible, avec de nombreuses pages fortes sur la folie nazie ou la vie dans les camps de concentration, mais quelque peu terni, à mon avis, par un féminisme trop exacerbé par moment (on pourrait croire que seules les femmes ont été résistantes parmi une poignée d'hommes).