Donald Westlake s'est éteint à la fin de l'année 2008 après avoir publié une bonne centaine de romans — le nombre exact reste encore incertain aujourd'hui — sous divers pseudonymes. Il déclarait en 2006, invité du festival Quai du Polar : « J'écris sous le nom de
Westlake lorsque je suis de bonne humeur, sous celui de Coe lorsque je suis dépressif et sous celui de Stark lorsque je suis agressif ».
Si l'on en croit l'auteur, ce devrait donc être un roman écrit de bonne humeur qui vient de paraître chez Rivages, ce qui pourrait néanmoins être contredit par son titre :
Finie la Comédie.
Jamais publié jusqu'à aujourd'hui,
Finie la Comédie aurait été écrit au début des années quatre-vingts et se situerait donc dans la chronologie à l'époque de
Kahawa et comme ce dernier dans la série des romans « pas drôles » (auxquels il conviendrait d'ajouter
le Couperet).
Nous sommes à la fin des années soixante-dix. Koo Davis exerce comme comique à la télévision. Un comique vieillissant qui a eu son heure de gloire à l'époque où il fallait remonter le moral des troupes parties porter la bonne parole à travers le monde — notamment durant la guerre de Corée. Époque où tout était plus simple, et les "explications" plus simplistes ; la guerre froide a cet avantage que sont clairement établis les "bons" et les "méchants". Pas d'états d'âme pour Koo Davis à faire rire les soldats de la glorieuse Amérique.
Et puis sont venues les années soixante-dix, la guerre du Vietnam cette fois, et avec elles la reconversion, les incertitudes…
Koo Davis a toujours la fibre d'un comique troupier, mais c'est aujourd'hui sur les plateaux de télévision qu'il exerce son talent. Et c'est la que vont le cueillir les membres d'un groupuscule gauchiste qui ont préparé son enlèvement.
Le roman débute avec cet épisode et se terminera avec son règlement. Entre les deux, on apprendra à mieux connaître Koo Davis et ceux qui le séquestrent, tandis qu'on suivra pas à pas l'enquête de la police, pour une fois associée au FBI compte tenu de la notoriété de la victime.
L'aspect "technique" du roman n'est pas mis de côté par
Westlake. Il décrit minutieusement le déroulement de l'enquête, ses avancées, ses rebondissements, ses échecs parfois, mais c'est bien son pendant "psychologique" qui s'avère le plus intéressant.
Finie la Comédie (The Comedie is Finished) porte bien son titre. C'est un peu le roman de la désillusion, que ce soit pour Koo Davis qui, à la fin de sa vie, a vu s'écrouler ses certitudes, que pour les "gauchistes" qui l'ont enlevé, révolutionnaires en mal de reconnaissance, âmes perdues… Les punks prennent le relais du flower power et
Ronald Reagan arrive au pouvoir…
C'est une photographie de cette transition que propose le roman, montrant à la fois la clairvoyance de son auteur et l'acuité de son regard. Sans doute un livre qui détone dans la production de
Westlake, mais assurément un excellent moment de lecture.
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