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EAN : 9782271080622
64 pages
CNRS Editions (02/05/2014)
3.7/5   5 notes
Résumé :
"Il est temps d’en finir avec le mythe de cicatrices coloniales responsables de tous les maux, des conflits et du maldéveloppement... Les frontières d’Afrique sont devenues des frontières africaines."
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Les éditions du CNRS ont lancé il y a quelques années une collection novatrice destinée à un large public. "Débats" propose en quelques dizaines de pages à peine pour une poignée d'euros de très courts ouvrages qui tiennent plus de la tribune que de l'essai. Les signatures sont prestigieuses (Régis Debray, Bertrand Badie, Jean-François Sirinelli …), les sujets éclectiques (le dialogue des civilisations, le nouveau national-populisme, le droit d'émigrer …) et leur traitement souvent polémique vise à susciter le débat comme le fit en son temps l'appel lancé par Pierre Nora et Françoise Chandernagor contre les lois mémorielles ("Liberté pour l'histoire", 2008). Il y a deux ans, le journaliste Vincent Hugeux avait consacré dans cette collection un ouvrage à l'Afrique dans lequel, à rebours de l'afro-optimisme prévalent, il relativisait les progrès démocratiques du continent (Afrique, le mirage démocratique, 2012).

Michel Foucher bat lui aussi en brèche une idée reçue. Ce géographe, spécialiste des frontières auxquelles il avait consacré dès 1986 son doctorat d'État avant de publier sur ce sujet un ouvrage de référence remis à jour régulièrement ("Fronts et frontières", Fayard, 1988, 1991, 2004), entend en finir avec « le mythe des cicatrices coloniales responsables de tous les maux » (p. 10)

Sans doute les frontières d'Afrique sont-elles, comme le répète la formule consacrée, héritées de la colonisation. Pour les trois quarts d'entre elles, elles ont été tracées durant le court quart de siècle qui a suivi la conférence de Berlin, entre 1885 et 1910. Ce furent des frontières dessinées depuis l'Europe, sur des cartes d'état-major imparfaites et imprécises. Ceci explique la nature des tracés retenus : ils suivent des lignes géométriques dans 42 % des cas (contre 23 % en moyenne mondiale) et plus rarement des supports hydrographiques ou orographiques. La configuration de la Guinée équatoriale continentale, un rectangle tracé au cordeau, est un stéréotype de « frontière de chancellerie ». Dans un sixième des cas seulement, les configurations ethniques locales ont été prises en compte. S'agit-il pour autant de « mauvaises » frontières ? Ce serait ignorer que toutes les frontières, en Afrique comme ailleurs, sont par définition « artificielles », qu'il n'existe pas de frontières « naturelles » mais que toutes les frontières sont le produit d'une volonté de délimitation de l'espace à un moment donné.

Aussi, en dépit de leur artificialité, de leurs origines coloniales, de leur exogénéité, ces frontières ont été progressivement adoptées par les Africains. Se référant à l'article III de la Charte de l'Organisation de l'Unité africaine de 1963 (respect de la souveraineté et de l'intégrité territoriale de chaque État), la résolution des chefs d'État et de gouvernement de l'OUA réunis au Caire en juillet 1964 a posé le principe de l'intangibilité des frontières existantes. Des contentieux frontaliers ont surgi ici ou là ; mais ils ont été réglés par des négociations bilatérales ou la médiation d'un tiers (depuis 1963 huit différends ont été portés devant la Cour internationale de justice tels que la bande d'Aouzou en 1990 ou la péninsule de Bakassi en 1994). Les sécessions territoriales sont restées rares : ni le Katanga, ni le Biafra n'accédèrent à l'indépendance, il faudra attendre 1993 (Érythrée) et 2011 (Soudan du sud) pour voir se créer de nouveaux États.

Avec le temps, les frontières d'Afrique sont devenues des frontières africaines. Elles sont moins perçues comme un obstacle à la circulation que comme une ressource pour tous les trafics. Toute une économie, formelle et informelle, prospère dans ces marches et se joue des asymétries frontalières : ainsi des frontières du Nigeria avec ses voisins de l'UEMOA (Bénin, Niger) ou de la CEMAC (Cameroun). Les États y trouvent leur compte dont une part significative des recettes provient des droits de douane. Cette vitalité hypothèque la « défragmentation » du continent, la constitution de vastes zones de libre-échange, l'abolition des frontières. C'est une autre idée reçue qui est battue en brèche : la constitution de régions africaines voire à terme l'unité africaine devra composer avec ces réalités humaines bien tangibles qui n'ont aucun intérêt à la disparition les disparités frontalières.

Cette critique a été publiée dans le numéro 250 de la revue "Afrique contemporaine" de l'AFD
Lien : http://www.cairn.info/revue-..
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Vidéo de Michel Foucher
Dimanche 1er octobre 2022 "Enseigner le conflit Russie-Ukraine" avec Michel FOUCHER, géographe et ancien ambassadeur, Jean RADVANYI, professeur, Laetitia ROUHAUD, inspectrice, Pascal ORCIER, cartographe, professeur agrégé de géographie, animé par Laurent CARROUÉ, Inspection générale de l'Éducation, du Sport et de la Recherche, responsable du site CNES Géoimage et Kevin SUTTON, géographe
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