Loué soit Babelio. En cherchant des idées lecture dans l'esprit de la série DIG, thriller ésotérique qui met en scène un agent du FBI enquêtant à Jérusalem sur une conspiration orchestrée par des évangélistes américains et des juifs orthodoxes, la base me suggère « Génération Armageddon » de Roger Simon. Sitôt vu, sitôt lu, j'ai même cru que ce excellent roman de 1988, qui n'a rien perdu de son charme, avait vaguement inspiré les auteurs de la série.
Moses Wine, détective privé angelin, divorcé, père de famille, juif, athée, amoureux d'une Québécoise retorse, est engagé par l'Amicale arabo- américaine pour résoudre l'assassinat de Joseph Damoor, feu le président de ladite Amicale. Il part pour la première fois à Israël sur les traces d'un suspect, et se retrouve tel un chien dans un jeu de quilles dans un des coins de la planète qui cristallise toutes les passions. Dans les rues chargées d'histoire de la mythique Jérusalem, Moses Wine fourre son nez dans les affaires pas très nettes des ultraorthodoxes, des télévangélistes texans, des magouilleurs de tout poil, alors que le Shin Bet est sur les dents. L'intrigue complexe à souhait, est aux petits oignons. On retrouve avec plaisir le cadre et le contexte géo-politique qui font l'attrait des bonnes séries israéliennes produites récemment (Hatufim, Hostages False flag…), mais c'est Moses Wine le privé athée qui n'a pas remis les pieds dans une synagogue depuis sa Bar Mitsvah et qui se trouve brutalement confronté à sa propre judéité qui remporte la palme; « Il termina de se dévêtir et se dirigea vers le bain tandis que je me dépoilais en essayant d'évoquer mes souvenirs de patronage et de me rappeler à quoi exactement ressemblait l'Arche Je savais plus ou moins qu'elle avait quelque chose à voir avec Moïse et les Dix Commandements, mais j'avais tendance à mélanger avec l'inepte salmigondis de la fin des Aventuriers de l'arche perdue, avec ses chevaux dorés et la bière funéraire qui ressemblait à un gâteau de mariage un peu trop cuit illuminé aux spotlights, et l'exacte signification qu'elle revêtait m'échappait. » Partisan de l'humour noir, du détachement, et d'une subversion de bon aloi, Moses est à son corps défendant perturbé par cette enquête qui chatouille l'image qu'il avait de son identité.
Génération Armageddon est un excellent polar qui débute et se termine avec Spinoza : « Si Spinoza a raison et que toutes choses sont prédéterminées, alors toutes les pompes étaient superflues. La petite brioche qui commençait à me barder le ventre était préprogrammée par une force ou une puissance bien plus considérable et il n'y avait rien que je puisse faire contre, pas même en transpirant trois heures par jour sur mon tatami. » Fataliste parfois, railleur et drôle, Wine est devenu l'un de mes privés préférés. Tant de cynisme et d'esprit, ça frôle l'indécence. La bonne nouvelle c'est que Roger Simon l' a mis huit fois en scène. Il y a encore sept romans à découvrir et une adaptation ciné, The Big Fix (1978) à regarder, scénarisée par l'auteur lui même avec Richard Dreyfuss dans le rôle du détective.
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