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EAN : 9782267030426
224 pages
Christian Bourgois Editeur (05/10/2017)
3.28/5   9 notes
Résumé :
Elles sont trois femmes qui incarnent le Vietnam en exil. La première est une maquisarde, combattante anti-impérialiste pendant la guerre américaine, devenue opposante une fois la paix revenue dans son pays, désormais gouverné d'une main de fer par ses anciens compagnons de lutte, idéalistes convertis à la realpolitik. La deuxième est une chanteuse flamboyante, surnommée la "mante religieuse", célèbre autant par ses frasques, le nombre de ses amants, que par ses cou... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Tout comme le chien de Goya de la couverture, le personnage de V. semble faire « un rêve éveillé » (c'est le sous-titre du roman). Il songe en somme à l'abandon de sa thèse sur Kafka (plus précisément sur la notion d'impossibilité dans l'oeuvre de Kafka, soit un travail intitulé « Kafka ou la littérature comme questionnement aporétique ») et à l'écriture d'un portrait croisé de trois héroïnes, avec bien sûr une part de fantasme dans son rêve inachevé. Ainsi, le lecteur ne saura pas si le rendez-vous avec celle qui est appelée simplement « la correspondante » aura finalement lieu (le 29 décembre 2005). le pari de ce rêve éveillé et d'en finir avec les fantômes (du passé, des racines, des origines, de la politique, etc.) pour que l'aventure commence enfin.
Le récit est organisé en deux parties presque égales, comme deux moitiés, intitulées respectivement « Pierre blanche » et « Noirs desseins » et portant deux pertinents exergues de Iwan Gilkin et The Stooges.
« Pierre blanche » est le nom d'une série de photos. « Il s'agissait de montrer un homme, une femme ou un enfant censés personnifier un moment à marquer d'une pierre blanche. La photographie de la célèbre chanteuse se voulait ainsi un résumé du 30 avril 1975 : la vedette faisait partie de la glorieuse époque d'avant la débâcle [au Vietnam]. » (p. 21)
Si la première partie traite surtout d'une célèbre chanteuse vietnamienne, ainsi que d'une maquisarde du Sud-Vietnam exilée à Paris, la seconde partie est construite autour de l'intrigante et mystérieuse demi-soeur de la première. (« La correspondante la surnomma le lys brisé, tant elle paraissait, cela dit sans verser dans le mélodrame, incarner l'innocence malmenée. » p. 146)
Ces trois héroïnes prennent vie à travers les mails échangés entre V. et une pas moins mystérieuse correspondante qui préfère « rester dans l'ombre » (p. 175).
Une fois encore nous trouvons chez Linda Lê de nombreuses références artistiques telles que : le film de Billy Wilder, « Sunset Boulevard » (1950), la chanson de Gil Scott-Heron, « The Revolution Will Not Be Televised », Fritz Zorn, ce jeune homme « éduqué à mort » comparé au Viennois Thomas Bernhard, Pabst, la Miss Havisham de Charles Dickens, les toiles de Madge Gill le médium, les poupées de chiffons de Michel Nedjar, Robert Walser, David Hockney, les photographies de Joseph Sudek, le numéro de Rita Hayworth dans « Gilda », les héroïnes de Lino Brocka, les jeunes filles d'Ostende dans les gravures de Spillaert, Raoul Walsh ou Roger Corman.

Voici ici un livre qui « palpit[e] de vie » (p. 151) et de romanesque, car « les mots font l'amour » (p. 212).
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Amoureux de Kafka, sujet de sa thèse en cours, V. est né et a grandi au bord du lac Léman, élevé par ses parents vietnamiens en bon citoyen suisse. du Vietnam, il ne connaît que des bribes, un pays aimé mais fui, une ville, Saïgon, véritable paradis sur terre jusqu'à l'arrivée de communistes, et une date, le 30 avril 1975, jour noir de la chute, du désespoir, de l'enfer. Mais aussi, une voix, celle d'une chanteuse aux mélodies sirupeuses et pourtant si troublantes, si nostalgiques que même lui l'écoute les larmes aux yeux. Pourtant, la femme a mauvaise réputation, elle dit incarner le Vietnam, elle représente la luxure aux yeux de ses compatriotes. Alors que V. pense à arrêter sa thèse, il erre dans un musée où il croise une photographie de la chanteuse, vieille beauté fanée qui tente encore de séduire. Subjugué, V. entame une relation épistolaire avec la photographe. D'origine vietnamienne elle aussi, elle lui raconte ce qu'elle sait de la diva qui essaie de relancer sa carrière en France après des années d'exil aux Etats-Unis. Elle lui parle aussi d'une maquisarde en exil parce qu'elle s'est élevée contre ceux avec qui elle avait combattu. Deux femmes qui représentent les deux faces du Vietnam, le yin et le yang, la sainte et la putain et auxquelles se rajoute une troisième qui aurait la beauté de l'une et l'intégrité de l'autre. V. se passionne, s'amourache même de la photographe parisienne et découvre son pays à travers ces trois tragiques destins.


Très bien écrit mais aussi très complexe, le dernier roman de Linda Lê est une exploration de ses racines vietnamiennes. A travers le portrait de ses héroïnes, elle dresse le portrait d'un pays déchiré et trahi. La chanteuse, sulfureuse mangeuse d'hommes, liée au Viet Cong et aux américains, véhicule encore auprès des exilés l'image d'un Vietnam idyllique et idéalisée tandis qu'ils se détournent de la maquisarde qui a cru agir pour le peuple avant de se rendre compte des abus commis par les siens et de l'instauration d'un état totalitaire et liberticide. Mais l'auteure a aussi voulu évoquer la deuxième génération, ces enfants nés en exil dont V. est un représentant emblématique. Elevé en Suisse comme un suisse par des parents nostalgique d'un pays qui n'existe plus, il a grandi sans se penser vietnamien. Il ne s'est jamais intéressé à ce pays lointain et inconnu et quand il a commencé à le faire c'est tout naturellement en se rebellant contre ses parents, en épousant un idéal communiste à l'opposé de leurs convictions. Sa rencontre virtuelle avec la photographe lui ouvre de nouvelles perspectives et lui fait connaître un autre Vietnam. Grâce aux figures féminines qu'elle lui présente, il découvre les multiples facettes du pays de ses ancêtres, le mélange d'une langueur érotique et d'une force combattante.
Un roman ardu mais d'une beauté magnétique, à l'image de cette chanteuse qui l'illumine et l'obscurcit tout à la fois par sa force d'attraction et sa part vénéneuse. A découvrir.
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J'ai en horreur les contributeurs qui avant, ou même au lieu de faire part d'une critique vous racontent l'histoire du début à la fin, n'omettant aucun détail, et pour le coup vous spoilent bien comme il faut.

Pour ma part, je me contenterai d'avancer que ce roman est extraordinaire dans le sens où, malgré un intérêt dramatique quasi nul contrairement à Lame de Fond par exemple, l'écrivaine parvient à nous maintenir totalement en haleine jusqu'à la dernière page. Véritable tour de force.
L'écriture est remarquable. La description et l'évolution psychologiques des personnages au fil de l'intrigue sont cohérentes et subtiles. Et un grand merci de nous avoir fait découvrir une facette historique du Vietnam que je ne connaissais pas. Voici pour moi le réel intérêt de ce magnifique roman.
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
Sa lucidité l'obligeait à reconnaître que, s'il était facile et séduisant de se dire de nulle part, il l'était beaucoup moins de vivre en ce fichant de définir les contours d'une appartenance, même de pure convention. S'il était facile et séduisant aussi de croire qu'il suffit d'ériger des barrières entre soi et autrui pour défendre sa singularité, il l'était moins de vivre chaque jour son splendide isolement.
(p. 82)
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Il avait commencé par rejeter avec une violence, surprenante même à ses propres yeux, tout ce qui lui rappelait que ses parents étaient nés très loin du Léman. Les connaissances qu'en ces années d'adolescence il acquérait sans pouvoir se dire qu'elles étaient le socle contre lequel sa personnalité allait s'appuyer se signalaient par ce qu'elles avaient de brouillon, d'éclectique, mais surtout il n'y avait rien qui pût rappeler qu'une partie de lui-même n'était pas si éloignée de l'Asie. Quand il s'en avisa, il ne trouva d'abord rien d'anormal à cela. Il faut tendre à l'universel, se répéta-t-il en feuilletant La Nouvelle Héloïse ou Voyage autour de mon crâne. Que sa culture fût essentiellement européenne n'était pas pour le gêner. Il ne lui venait même pas l'idée de s'interroger sur cette bizarrerie. Puis, comme un enfant mal à l'aise dans des vêtements d'emprunt, il s'aperçut un jour que quelque chose clochait. Le voyage vers l'Est se fit très lentement, car il prit des chemins détournés pour arriver jusqu'au Vietnam.
(p. 49-50)
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[...] il fallait porter dans une main un fusil, dans l'autre un livre : celui qui n'avait que le fusil finissait par se rendre coupable de tueries aveugles, et celui qui n'avait que le livre en venait toujours à se perdre dans les brumes de l'idéalisme.
(p. 138)
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[...] l'amour est une distraction coûteuse puisque les amants payent par une violence exercée contre eux-mêmes les efforts faits pour transformer l'égoïsme en abnégation, l'indifférence en dévouement.
(p. 61)
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