Héros anonymes

Saphia Azzeddine nous livre un récit avec le point revue d'un adolescent (18ans) nombriliste, vaniteux et égocentrique en quête d'identité. Il se prénomme Ryan, résultat de son métissage. On fait la connaissance de ce garçon à un moment où celui-ci se trouve totalement en rupture, désillusionné par le monde qui l'entoure : sa mère, française, complètement anéantie après la séparation devient une lesbienne bien pensante, quant à son père qui lui est maghrébin, il a quitté le foyer familial pour épouser une jeune maghrébine sans papiers - à la plus grand joie de la grand-mère qui voit son fiston enfin retourner dans le droit chemin.

Le démantèlement de sa famille qui se déchire en se préoccupant peu de ce qu'il ressent et l'actualité politique du monde arabe transforme profondément ce jeune garçon dont seul le lecteur est témoin de sa colère et de son nihilisme grandissant.

C'est un récit fragmenté, avec une écriture qui semble parfois un peu "expérimentale". On se demande souvent où l'auteur veut en venir. La seconde partie du livre est plus intéressante que la 1ère car on arrive enfin à identifier la source de la colère de Ryan qui est tournée vraiment contre tout et tout le monde.
Saphia Azzeddine a tenté ici de décrypter la colère de certains jeunes aujourd'hui. Colère qui les mène parfois à commettre des actes horribles et irréparables. Elle se venge d'ailleurs de son anti-héros de manière assez comique.

Un récit très court qui m'a quand même ennuyée par moments.

Saphia Azzedine, tape fort, mais trop d'ironie, trop d'humour noir, tue l'un et l'autre. Vous avez dit dérision, mais dérision de quoi, de soi, des autres, de la société ? le style est trop banal, trop « décontracté », on a plus envie de lire, vous avez dit « un livre » ? Bon, vous l'aurez compris je suis déçue, j'ai essayé, « mon père est femme de ménage », je ne suis pas allée jusqu'au bout.
Pour « héros anonymes », j'ai fait un effort. Il n'y a pas une once d'espoir dans ce livre, tous et tout est moche, tout est noir, c'est toujours la faute des autres. Mais quels sont ces autres, les gens des banlieues, les noirs, les arabes, les juifs, les non-noirs-arabes-juifs. Je cherche quelque chose de juste, une lueur d'espoir, les artistes, les gauchistes qui défendent les nouveaux « opprimés » sont aussi coupables que ceux qui sont racistes, fascistes, communistes, etc… et puis boum, on arrête et on fait tout sauter…. Et je me suis posée la question : que veut-elle dire ? quel message ? Qui voudrait bien me donner la clef du mystère

Avec son physique de "trop-belle-pour-toi", la magnifique Saphia continue de jouer la carte facile mais efficace (du point de vue "marketing") du contrepied, en abusant, souvent, d'un langage de charretier et en déployant, parfois, une langue vive, imagée, truculente. On la suspectait, l'ambition démesurée, inavouable, d'écrire comme le "Grand Ecrivain". Elle est enfin assumée, cette insolente idée, en préambule du roman, avec cette citation de Céline et son "Bagatelles pour un massacre", qui, comme chacun sait, fait partie des oeuvres les plus controversées (et jamais rééditées) de l'auteur. Quelle folle prétention, trop souvent caressée mais rarement affichée par des écrivains pourtant bien plus talentueux ! Si Azzédine (puisque l'on cite les auteurs par leurs noms) s'en sort plutôt bien avec cette histoire de jeune métisse en quête de repères, l'équilibre reste tout de même d'une grande fragilité, et l'on sent trop souvent l'envie de faire un bon mot plutôt qu'un bon texte, la forme l'emportant trop souvent sur le fond. Reste quelques passages maîtrisés et prometteurs, même si, après un quatrième roman (en fait une nouvelle), on peut légitimement se demander si la recette ne va pas finir par s'essouffler.

Quel numéro d'équilibriste que ces Héros anonymes.

Car voilà un livre qui paradoxalement brille par son ambiguë absence de traitement. Un délire au premier degré.

Un jeune franco-marocain cynique en errance, troll du web sans convictions, un jeune qui bascule sans même se comprendre. Mais comment le raconter ? Comme ça ? L'amok !
Lien : https://www.noid.ch/heros-an..

Toujours très bien ce qu elle écrit.